Citations sur Loin d'eux (41)
Il y a cette odeur de friture qui pénètre les vêtements, et la fumée des cigarettes qui pique tard les yeux dans la nuit, bien après qu'on est rentré chez soi à pied. Car on rentre toujours à pied. Pas parce que passé une heure il n'y a plus de métro et que ça obligerait à ça, la marche, mais parce qu'il faut ce moment où être seul un peu éloigne de la solitude, et vous ramène au plus profond en vous, là où à creuser vous trouvez un espace de repos.
Ce qu'on dit, la solitude toujours comme un grand mot qui contiendrait toute la vérité des choses qu'on ressent en soi et qui ne peuvent pas émerger de soi, et retombent toujours alors plus profondes en soi quand les autres ne veulent pas les entendre, ou ne peuvent pas, jamais, malgré tout l'effort qu'il a fallu pour les remonter jusqu'à eux.
|...] parce que je ne pouvais pas parler, rien dire sans gueuler, je croyais ça : que je ne pourrais pas leur faire comprendre, sinon, que sans ça ils ne verraient pas combien c'était dur, et ce qu'il fallait dire aussi, aux gars, à l'atelier, pour qu'on soit respecté un peu. Alors chez soi on voulait l'être sans avoir à faire la manche pour ça. Oui, patron chez soi pour regagner un peu de ce quelque chose qu'on nous volait le reste du temps, à pinailler pour une minute de retard et remettre en question n'importe quoi à partir du moment où pour nous c'était un soulagement.
On a balbutié trois quatre mots sur rien, qu'on a échangés pour lutter ensemble et s'en sortir de l'idiotie d'être là, assis sur le petit muret, dans le jardin qu'on trouvait bête aussi, avec sa plate évidence de jardin […]
(…) alors se creuse en moi le vide où je me refugie contre les bruits du bar et les silences qui remontent (..), silences plus graves encore quand ils surgissent des lettres ou des coups de téléphone qui ne portent pas d’autres mots que ceux qui ne parlent pas, ou , parlant encore, ne disent rien.
(..) M, j’ai voulu je ne sais pas, qu’elle soit impossible sa présence, sa figure toute rabougrie de malheur. Qu’il ne soit pas possible non plus, le miroir de ma vie sur son visage, voir l’image de ça, qu’il faudrait porter toujours et reconnaître dans les traits familiers , ceux de M, dans son visage où il n’ya pas si longtemps il me semblait voir toute la solidité des rêves, et puis la confiance, et cette tendresse à jamais partagée entre nous, tout le temps, même dans les lassitudes, dans tout ça qui chaque jour un peu déshabille l’autre des prodiges qu’on lui voulait. ……
Comme avec les belles choses quand elles vous étreignent. La douleur qu'on a dans l'émotion et qu'on trouve un peu idiote, d'avoir mal là où justement c'est la douceur qui prend. Et puis la joie à dire des souviens-toi, ces moments qu'on aime, qu'on appelle pourquoi dans nos têtes, si de vouloir les partager c'est seulement conjurer le sort de les avoir derrière soi.
J'en ai eu assez et j'aurais voulu dire assez et crier assez, et dire toujours vous fabriquez les morts, vous fabriquez sa mort pour qu'elle vous convienne juste, juste qu'elle soit taillée à vos mesures et donne à vos vies le relief qu'elles sont, seules, incapables de modeler.
(..) M, j’ai voulu je ne sais pas, qu’elle soit impossible sa présence, sa figure toute rabougrie de malheur. Qu’il ne soit pas possible non plus, le miroir de ma vie sur son visage, voir l’image de ça, qu’il faudrait porter toujours et reconnaître dans les traits familiers , ceux de M, dans son visage où il n’ya pas si longtemps il me semblait voir toute la solidité des rêves, et puis la confiance, et cette tendresse à jamais partagée entre nous, tout le temps, même dans les lassitudes, dans tout ça qui chaque jour un peu déshabille l’autre des prodiges qu’on lui voulait. ……
Pourquoi n'a t-il rien dit, pas parlé avec nous, pourquoi ce sourire alors et ces je vais bien je pense à vous dans les lettres, si les mots étaient faux, si en lui c'est autre chose qui parlait, des mots qu'il n'a jamais poussés vers les autres, vers nous. Il ne nous croyait pas capable de ça, comprendre.