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Critique de ODP31


Le Brexit a donné le cafard à Ian McEwan. Pour chasser ses idées noires, le célèbre auteur anglais a décidé de demander à une de ces gentilles bestioles, appelée Jim Sams, de muer en premier ministre anglais. La blatte va squatter le locataire du 10 Downing Street, marchand de rêves et de sommeil. le romancier, pudeur britannique oblige et raccourci scientifique bien pratique, épargne au lecteur le mode d'emploi de la métamorphose. le pourquoi importe plus que le Comment. Les blatto-sceptiques n'auront qu'à relire Kafka pour faire semblant d'y croire et je renvois les amateurs de gore à quelques scènes bien visqueuses de « La Mouche » de David Cronenberg. Avec Ian McEWAN, nous sommes dans la fable satirique, pas dans la téléportation moléculaire, dans la preuve par l'absurde, pas dans un numéro spécial de Science et Vie cruelle. Ce court récit est un défouloir, l'équivalent d'un jogging à perdre haleine pour canaliser une rage à fleur de peau. On sent que derrière l'anglais, il y a un homme. Il a envie de se défouler le Ian contre un engrenage irrésistible et stupide qu'il décrit très bien dans sa courte préface.
La population des nuisibles ne peut prospérer que dans la misère, la saleté, la pauvreté et la violence. Afin d'accélérer le mouvement et retrouver les temps bénis de la peste et du choléra, Jim Sams est chargé par ses congénères de désintégrer l'économie du pays. Comme le brevet du repli sur soi avec l'Europe comme bouc émissaire de toutes les turpitudes était déjà déposé, le cafard a pour mission de faire gagner le camp des « Reversalistes » qui défendent l'inversion du flux de l'argent dans l'économie. Il s'agira de payer pour travailler et d'être rémunéré pour tout achat. le monde à l'envers. Il va s'opposer aux « Continualistes », soucieux de préserver le système actuel.
Le Charognard va s'épanouir dans le costume de premier ministre et barboter avec délice dans les eaux stagnantes et troubles du populisme pour arriver à ses fins. A coups de promesses intenables, serrant les mains tout en croisant les pinces, à force de diabolisations qui pourraient rendre jalouses pas mal de religions, par des accusations en dessous de la carapace pour anéantir ses opposants politiques et par des crises diplomatiques montées pour exacerbées les rivalités avec le Continent, Jim Sams, « Voix du peuple » autoproclamée, retourne l'opinion en la grattant dans le sens du poil rebelle et obtient l'aval des électeurs par référendum. Il s'alliera à un Président américain qui tweete plus qu'il ne réfléchit avant de retrouver son état de cafard, cancre las, fier de son oeuvre destructrice.
Cette nouvelle est traversée de moments jubilatoires et Ian McEwan pulvérise son pays à l'insecticide. La charge est sévère mais la satire est à la hauteur du désarroi de l'écrivain.
Dans l'oeuvre d' Ian McEwan, ce manifeste anti-Brexit, par son style, est à ranger à côté d'un roman comme "Dans une coque de noix". Il n'atteint pas, selon moi, le niveau de ses meilleurs titres et sur le traitement littéraire de cette période agitée, j'ai préféré le dernier roman de Jonathan Coe "Le coeur de l'Angleterre".
Amis des insectes, désolé, mais cette histoire caustique ne va pas m'inciter à la clémence face à ces indésirables de nos recoins. C'est Baudelaire qui a su faire du cafard l'étendard de la déprime dans " les fleurs du mal"
" Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'art,
La forme la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes."
Magnifique, mais cela file le bourdon...



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