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Avant toute chose, je remercie chaleureusement Babelio et l'éditeur Christian Bourgois pour l'envoi de ce roman, que j'ai découvert avec un immense plaisir.
Une jeune fille disparaît dès le début du roman, et son souvenir, telle une odeur légère mais tenace, va imprégner tout le roman, malgré de vaines recherches.
Elle restera dans les esprits comme la fille qui s'est désincarnée mystérieusement, dont on ne sait pas ce qu'elle est devenue. D'elle, il ne restera rien, rien que son souvenir.

L'auteur fait ensuite défiler devant nos yeux treize années pendant lesquelles il ne se passe rien de spécial hormis le temps qui passe, la vie et la mort.
On y voit des adolescents s'amuser, des oiseaux faire leur nid, des légumes pousser dans le jardin communal, des renardeaux apprendre à chasser, des éleveurs tondre leurs moutons, le soleil poindre, des commerces ouvrir et fermer, une femme promener le chien de son voisin, des hirondelles migrer, des fleurs éclore, les institutrices faire la classe aux enfants, la pluie tomber, un homme se rendre compte se sa solitude, les poireaux se mettre à geler, une femme s'éprendre d'un homme, un prêtre assurer la messe, des enfants naître, un mouton s'échapper de son enclos, les réservoirs se mettre à déborder…
Avec une écriture simple mais puissante, l'auteur nous décrit la vie de tout un village, nos vies, faites de tout petits riens, à la fois complètement insignifiantes mais tellement fragiles et précieuses.
Je me suis laissée entraîner dans cette litanie lancinante qui égrène les jours, qui décrit le cycle de la nature, qui nous révèle les failles et les espoirs de chacun, qui nous montre ce que peut être la joie mais aussi la douleur, le chagrin tout autant que le désir.
Un roman que j'ai dégusté en prenant mon temps pour mieux le savourer.
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A minuit, lors du changement d'année, les habitants d'un village rural du Derbyshire se rassemblent. Ils ne s'apprêtent pas à aller au bal, ni à regarder les feux d'artifice mais vont se mettre à la recherche d'une jeune fille disparue depuis plusieurs heures. Personne n'a la moindre idée de ce qui a pu lui arriver et en dépit des fouilles minutieuses les recherches restent vaines. Elle n'est retrouvée ni cette première nuit, ni dans les jours et les semaines qui suivent. Le temps passe, l'affaire non résolue reste ouverte et son souvenir s'estompe peu à peu de la mémoire du village mais ne disparaît jamais complètement. La vie continue...
Et c'est cette vie que Jon McGregor donne à voir tout au long de ce roman qui commence comme un polar mais prend rapidement une toute autre tournure. Il s'intéresse moins à la disparition de la jeune fille qu'à la vie du village et de ses habitants. Par le biais de scènes du quotidien, des événements qui tissent la vie de la communauté, l'auteur déroule le fil de leurs histoires. Sa vision panoptique ne se fixe sur personne en particulier, aucun personnage principal n'émerge de cet ensemble. Le récit se déploie sur le mode strictement factuel en une multitude d'histoires miniatures, de scènes, d'instantanés et de courtes conversations où personne ne parle entre guillemets. Ce procédé demande une attention soutenue car il est facile de se perdre dans les méandres de toutes ces existences. De façon répétitive, presque lancinante, elles trouvent écho dans le rythme immuable des saisons, observées au travers du monde naturel des végétaux et des animaux indifférents à l'activité humaine.
La singularité de l'écriture de Jon McGregor dépoussière vigoureusement le genre de la chronique villageoise mais le lecteur en quête de suspense, d'action ou de frissons peut passer son chemin, Reservoir 13 n'est pas fait pour lui. Par contre, celui qui aime observer y trouvera son bonheur s'il sait prendre son temps et faire preuve de patience.
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Peut-on écrire la critique d'un livre qui nous est tombé des mains ? Je n'ai pu atteindre que la page 118 de Réservoir 13 de Jon Mc Gregor, disons 1/3 du roman. Et il ne peut être mauvais puisqu'un collègue au goût sûr me l'a mis dans les mains en m'assurant qu'il me plairait… Je manque de patience et de mémoire pour ce roman.

Dans un petit village anglais où tout le monde se connaît, une adolescente en vacances dans un gîte avec ses parents disparaît la nuit du nouvel an. Et on ne la retrouve pas. le roman met en scène le temps qui passe dans ce village ; les recherches mais sans drame, sans le point de vue des parents, des journalistes, etc. puis le retour à la normale, même si chacun pense à la jeune fille. C'est donc plutôt la chronique d'un village. le rythme lent est celui de la reproduction des animaux dans les haies et les arbres, du travail des habitants, agnelage, enseignement, des couples qui se font et se défont.

A plus d'un titre, on dirait le scénario d'une série anglaise. Les descriptions des lieux sont très visuelles. Les indices permettant de resituer les personnages par contre sont ténus et j'essayais d'imaginer leurs caractéristiques physiques pour les distinguer. Mais impossible, entre les Hunter, Clark, Jackson, Wilson, Cooper et autre Ted, Irene, Jane, Gordon, Linsey, James… dont on n'entend parler que de loin en loin, je dois faire encore trop d'effort au 1/3 du livre pour comprendre que Martin est le boucher failli et Ruth son ex., que Sophie est la petite copine de… qui déjà ? James, le copain d'enfance ? Ou Rohan, le nouveau venu avec sa mère adepte de yoga ? Les jumeaux, Lee et Sam, fils de Su et Cooper, seul journaliste d'une feuille de chou locale, sont difficile à élever. Dans l'ensemble, le portrait des pères est peu flatteur, celui des couples désespérant, celui des mères épuisant.

Bref, je ne peux m'immerger. D'autant que la traduction laisse toujours apparaître l'anglais, au point que parfois j'aimerais être dans la version originale pour être sûre de ce que la phrase veut dire, encore un point commun avec une série et ses sous-titres. « Il s'est demandé si c'était une pique mais il n'a pas relevé. Ils avaient connu des *différences. C'était fini, maintenant. (Page 95). Ou encore, à propos d'un potier : « Des lignes se formaient à la surface et l'eau débordait du tour. Il y avait dans ces gestes des années de *discrétion acquise. Elle ne pouvait apparaître. La pression de son toucher suffisait exactement et cette poterie *est née de l'argile. » (p. 104). Trop de questions arrêtent ma lecture.

La temporalité est bien apparente par contre, on peut compter les saisons, grâce aux rythmes naturels (bon là, c'est ma faute, je n'y connais rien aux périodes de nichage ou d'envol et je ne connaitrais pas plus le nom des oiseaux en français qu'en anglais) et aux fêtes qui reviennent, 5 novembre, jour de l'an, rentrée scolaire, moissons… J'arrivais à la 3e année après la disparition, en guettant les indices qui mèneront vers la clé de l'énigme – à chaque fois qu'on mentionne une balade dans la colline, une bribe de conversation entre une bande d'ados du même âge, le n° d'un réservoir, le réservoir 13 précisément… - quand je me suis reportée à la 4e de couverture qui annonçait un récit de… 13 ans de vie dans ce village. Alors j'ai laissé mon impatience et mon ennui prendre le dessus.

Je vois tout l'intérêt du projet, partir d'un évènement qui se transforme en non-évènement, déjouer le mode de lecture à suspens. Je vois l'intérêt du mode de narration, simple, dont le point de vue est celui des gens du village en général, sans psychologie ni point de vue individuel, pleine d'observations quotidiennes sur les choses et les gens, qui remplissent les jours, puis les mois, puis les années. Mais je ne suis pas la bonne lectrice pour ce roman.
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Les villageois fourmillent et les animaux guettent. L'eau de la rivière se retourne et les réservoirs se remplissent et se vident au fil des saisons.
Un fille manque. Elle avait un prénom, deux surnoms, un manteau. Elle a disparu et le village, après des recherches dans les granges, les plaines, les grottes, les citernes, après des battues dans la nature verdoyante poursuit sa vie quotidienne avec ce manque. Puis cette envie de savoir.

Le récit s'étend sur treize années.

Si la vie est cyclique, si le printemps succède toujours à l'hiver, les cercles ne sont cependant pas identiques. Ils varient, ils s'étirent. Et l'auteur décrit parfaitement, cette tension entre la répétition et l'avancée nouvelle. Des années, des cercles, qui glissent sur le temps. Des personnages qui vieillissent, s'aiment, se séparent, tentent des échappées puis reviennent au village.

Une grande fresque. Dans l'infime précision des ces quotidiens tout un monde universel. Des trajectoires d'existence qui revêtent une importance redoutable pour les personnages. Parce que c'est leur vie et aussi simple soit-elle, ils n'ont que celle-là. Ces vies s'écoulent et contre le cours de l'eau, on ne peut pas grand chose. Parfois ils s'agrippent à la berge, mais jamais longtemps.

Qualifier ce livre, c'est se perdre. Je me suis surprise, dans la première année de la disparition à vouloir trouver le coupable. L'église, la bergerie, le concierge de l'école. .

Un roman social ? Une intrigue policière ? Une succession d'infimes tragédies ? Un témoignage presque historique sur la vie villageoise ? L'apprentissage de la jeunesse ? Une mise en histoire des déterminismes sociaux ?

La réponse est peut-être dans le texte. Dans l'atelier de poteries de Geoff Simmons. Quand les pendules s'allongent et qu'un lévrier prend le soleil. Geoff fait tourner l'argile et façonne les bords de ses fabrications.

Ses clients lui demandaient parfois si c'étaient des vases, des pichets ou des coupes à boire. On l'avait accusé d'être obtus. Car il répondait juste que c'étaient des récipients.

Ici c'est pareil, c'est juste un livre. Juste un roman. Mais un fameux.


Cette critique est réalisée dans le cadre de l'opération Masse critique. Je remercie Babelio et Christian Bourgois.


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« Elle s'appelait Rebecca, ou Becky, ou Bex ». Elle disparaît un soir de réveillon du jour de l'an dans un petit village d'Angleterre sans laisser la moindre trace, ni la moindre piste.
Les jours se succèdent, les saisons s'égrènent et les années passent et si le souvenir de cette jeune fille ne s'efface pas, rien ne vient apporter de réponse à cette mystérieuse disparition.
Le cycle de vie des animaux et des plantes recommence chaque année inlassablement et les habitudes des habitants de cette petite ville rythment le temps qui passe.
Le style de Jon McGregor est très particulier car les événements se succèdent sans transition, dans un même paragraphe, avec une impression de détachement et sans ordre d'importance des choses, comme si la vie d'une famille de renards, le niveau d'eau des réservoirs de la ville, la naissance de jumeaux, la baignade d'un groupe de jeunes ou la rivière qui coule sous « le pont pour chevaux de bât » constituaient tous, l'âme de ce village.
Ce sont 13 ans d'observation des réservoirs d'eau qui ponctuent ce roman et voient s'écouler la vie depuis la disparition de Becky. Il ne faut pas s'attendre à lire un polar mais plutôt la saga familiale d'un groupe d'habitants sur deux voire trois générations.
Cela pourrait être passionnant mais la lecture de ce roman m'a paru bien difficile et m'a demandé une attention soutenue pour intégrer tous ces évènements qui s'enchaînent, les petits comme les grands. le côté répétitif des certaines phrases est néanmoins très réjouissant et c'est avec plaisir qu'on les retrouve au fil des pages et des ans.
Il aurait fallu certainement peu de choses pour que j'adhère à l'écriture de Jon McGregor, peut-être simplement une autre mise en page ou bien j'aurais dû le lire d'une traite pour ne pas en perdre la trame.
Une curiosité qui peut régaler les lecteurs avertis et qu'il faudra certainement que je relise car il me reste le sentiment d'être passée à côté.
Merci à Babelio et aux Editions Folio pour ce livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique.
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Un soir de jour de l'an, la jeune Rebecca disparait mystérieusement. Tout le petit village du nord de l'Angleterre où l'adolescente de 13 ans était venue passer les fêtes avec ses parents participe alors activement aux recherches, mais sans grand résultat. Année après année, les habitants poursuivent leur petite vie, pendant que la jeune fille continue de hanter en filigrane leur existence…
Malgré ce pitch alléchant, ne vous attendez pas à un thriller haletant, vous allez être (comme moi) très déçu : on est plutôt dans un trèèèès long épisode de Derrick, où il ne se passe pas grand-chose, si ce n'est que Cathy va régulièrement promener Nelson le chien de monsieur Wilson, que la boucherie de Martin ferme et qu'il va travailler au supermarché, que les fils Jackson passent beaucoup de temps à s'occuper de leurs moutons, tout ça pendant que les renards se reproduisent dans leurs terriers et que le cerfeuil sauvage abonde le long des sentiers… Bref, une grosse tranche de vie d'un petit village anglais un peu paumé, sur 13 ans histoire que l'on suive bien l'évolution palpitante de chacun. Ça n'aurait été que cela ça l'aurait à peu près fait, mais c'était sans compter l'écriture soporifique de Jon McGregor, qui réussit la prouesse de remplir 360 pages sans aucun dialogue. Allez, je vais arrêter d'être méchante: de toute cette platitude il découle parfois une certaine poésie.
Enfin bref, vous l'aurez compris, pas le livre de l'année.
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ça commence comme un polar mais ce n'est pas un polar. Si l'on s'attend à trouver à chaque page des révélations, des retournements de situations, et des flics trash qui questionnent, dissèquent et résolvent, on peut passer son chemin.
L'histoire commence par la disparition d'une adolescente. Un sujet plutôt commun en littérature mais la grande force de Jon McGregor c'est de faire de "Réservoir 13", la chronique d'un village du Derbyshire en Angleterre. Treize chapitres dans ce roman ; un chapitre, une année. Si l'auteur a choisi le Derbyshire, un grand territoire aux forêts denses, aux larges vallées et aux collines rocheuses, c'est qu'il va s'appuyer sur la nature pour rythmer son intrigue. Renards, insectes, oiseaux, chiens, naissent, vieillissent, meurent en même temps que les protagonistes, les espèces végétales témoignent de l'enchainement immuable des saisons. La nature subit l'évolution et les accidents climatiques, tout comme les Hommes vivent l'évolution et les accidents sociaux, économiques et technologiques. Les familles de renards s'aiment et s'affrontent, comme les familles du village ; les mâles et les femelles se lient et se délient comme les couples se forment ou se défont. Certaines espèces végétales ou animales disparaissent comme certains témoins d'une génération passée.
Ce parallèle entre la nature et l'Homme constitue l'ADN du roman, bien au delà du thème de la disparition. Le village aimerait en connaître le dénouement, le lecteur aussi d'ailleurs, mais le temps qui passe, insaisissable, emporte tout, et impose son rythme. La nature, comme l'Homme n'a pas de prise sur le temps et les événements.

Dans la forme, la narration se fait comme si la vie du village se déroulait sous les yeux d'un observateur qui retransmettrait ce qu'il entend et voit.
Ainsi, il n'y a aucun dialogue dans le roman. Les échanges entre deux ou plus de personnes sont rapportés, comme consignés de manière très factuelle, comme dans un rapport de police. Pourtant, cette façon de procéder permet au lecteur de "lire entre les lignes" ces échanges et d'en déduire les sentiments des personnages. De même, parfois, un seul mot dans tout un paragraphe permet de saisir le ressenti d'un protagoniste.
Cela a pour conséquence une extrême finesse dans la description de la psychologie des personnages.
"Réservoir 13" est sûrement le meilleur exemple de ces livres où l'on dit qu "il ne s'y passe pas grand chose" mais qui réussisent à vous captiver dès le début et ce, juqu'à temps que vous l'ayez refermé. Parce que malgré cette narration bien particulière, à chaque chapitre, le lecteur pense à Becky, l'adolescente qui a pris possession du village en disparaissant un jour d'hiver.
Un roman d'une rare intensité, j'ai beaucoup beaucoup aimé.
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D'abord un peu déroutant (beaucoup de personnages dont aucun n'est décrit physiquement), le livre se révèle rapidement captivant, d'une grande finesse. Aussi elliptique que précis, le temps qui passe dans un petit village durant les 13 années suivant la disparition d'une jeune fille. Brillant.
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Assurément, Jon McGregor est un représentant majeur de la littérature anglaise contemporaine. de ses quatre romans, tous primés, trois furent nominés pour le Booker (l'équivalent anglais du Goncourt). Son ouvrage Même les chiens a reçu l'International Dublin Literary Award, le prix littéraire anglophone le plus doté. Quant à Réservoir 13, il est lauréat du prix Costa.

Au futur lecteur de Réservoir 13, la première chose à signaler sans doute - pour dissiper tout malentendu - est qu'il ne s'agit pas d'un roman policier. S'il ouvre sur la disparition d'une jeune fille, sur des gyrophares et des cordons de police, des recherches organisées dans les landes du Derbyshire et un survol d'hélicoptère dans le soir, là n'est pas du tout le sujet.

Pour la forme, il est difficile de comparer l'oeuvre à quoi que ce soit de connu. Si l'on veut en donner une idée approchante, le mieux serait peut-être de la décrire comme le « time-lapse » d'un village de la campagne anglaise, sur une durée de treize ans. le point de vue, distancié, évoque ces séquences filmées en accéléré dans lesquelles, le temps d'une poignée de secondes, une plante croît, fleurit et meurt ; les nuages courent le paysage ; le visage d'un nourrisson se métamorphose en enfant puis aussitôt en adulte. Immobile et lointaine, comme un téléobjectif fixé sur une colline, l'optique du narrateur annule toute perspective, toute vision périphérique, toute notion de contexte. Qu'un ailleurs au petit village existe, on le sait car les gens en parlent, ils y vont puis en reviennent. Mais au-delà des limites de la commune, après l'autoroute, de l'autre côté du dernier barrage-réservoir, on ne discerne plus rien.

A la manière des reportages sur National Geographic, les quatre saisons se succèdent à la hâte, illustrées par des instantanés de la flore et la faune, parmi laquelle l'espèce humaine. La vie recommence et recommence, circulaire, scandée par les feux d'artifice du Nouvel An, les festivités des moissons et de l'habillage des puits, les brûlots de la nuit de Guy Fawkes. Les avrils sont toujours secs et les novembres pluvieux. Mais entre les périodes de reproduction des renards, les risées sur les lacs de barrage, la vie grouillante des insectes sous les feuilles, d'un an sur l'autre s'insère un autre temps : celui des interactions entre les êtres humains, temps linéaire car ces êtres grandissent, vieillissent et prévoient. Comme ces instants fugitifs sont saisis au vol, à de larges intervalles, leur causalité se perd quelque peu.

C'est dans ce cadre narratif que la disparition de Becky, au tout début du roman, s'avère un coup de maître. On pourrait s'attendre dans un roman social à ce qu'elle pèse sur les esprits du village, donne aux actions un sens et un cours différents. Ici, ce n'est pas son rôle. L'absence de la jeune fille impulse la lecture par son mystère, insuffle une attention inaccoutumée aux détails de l'ordinaire. Cette note tenue, discordante tel le bourdon d'une cornemuse, détonne dans la mélodie routinière de la « country life » ; elle lui rend de la profondeur.

Dans l'original anglais, le style est austère et factuel, les phrases courtes et simples, les tournures parfois influencées du parler campagnard. La traduction française choisit de rendre les prétérits par des passés composés, accentuant le détachement du point de vue. Malgré quelques anglicismes et transparences à la syntaxe anglaise, elle restitue le tempo lancinant des paragraphes où, comme dans la poésie bucolique de Virgile, l'humain et les règnes de la nature se mêlent pour finir par se confondre, au rythme lent du passage inexorable des ans.
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Rebecca, Becky ou Bex Shaw, 13 ans, disparaît dans la nature pendant les vacances du Nouvel An, qu'elle passe avec ses parents dans un village de la région du Peak District. Tout est fouillé, même les réservoirs des environs – en vain.
En 13 chapitres, l'auteur nous décrit ensuite la vie du village pendant les 13 années qui suivent. La vie continue. Certains éléments restent les mêmes, comme Rebecca, Becky ou Bex Shaw, et l'image que tout le monde a gardé d'elle: pas très grande, blonde, vêtue de bleu et de blanc. D'autres éléments changent: les gens de son âge grandissent et deviennent adultes; les autre villageois vieillissent doucement; les animaux suivent leurs cycles saisonniers. On découvre les habitants du village dans leur vie de tous les jours: la femme prêtre, les bouchers qui font faillite, le fermier avec son quad, le couple asiatico-anglais et leurs bébés jumeaux, le coureur de jupons – une description d'un village anglais contemporain typique. A chaque chapitre on nous accorde quelques phrases à leur sujet, une chronique de leur vie qui s'écoule. On garde l'impression que la jeune fille va réapparaître car elle est toujours présente dans les esprits.
La structure de ce roman me plaît, avec des éléments presque identiques qui se répètent de chapitre en chapitre; des éléments qui se superposent de chapitre en chapitre pour nous faire entrer dans la vie des personnages ou pour nous décrire la faune et la flore des environs du village; des phrases sur des sujets variés qui se suivent sans changer de paragraphe. Fascinant.
Et régulièrement on rappelle Rebecca, Becky ou Bex à notre souvenir; une description certaine de ce qu'elle portait; des révélations au compte-goutte sur sa personnalité et sur les amis de son âge qu'elle s'était faits au village… On espère que le chapitre 13 va être une révélation.

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