Avant que cette histoire de solitude, d’amour, de perte et de désespérance ne capture l’attention, c’est l’écriture de l’auteur anglais, né aux Bermudes en 1976, qui vrille l’esprit. Minutieuse, tranchante, urgente, variée, peuplée d’ellipses qui permettent d’envisager d’autres possibles, elle emporte et réjouit.
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Même les chiens est de ces livres qui nous lavent de cette honte. Nous n'avons pas à nous identifier aux paumés, nous n'avons pas à faire les drogués, à les imiter, mais nous ne sommes pas de l'autre côté, nous ne sommes pas finis, pas morts, nous sommes couchés parmi les chiens, nous avons l'ambition démesurée d'être traîtres.
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Ils devraient barrer les rues. Il devrait y avoir un joueur de cornemuse ou une quoi putain une fanfare de l'Armée du Salut ou quelque chose, des caméras de télé, des hélicoptères. On devrait arrêter le fourgon maintenant on devrait descendre du fourgon putain et le hisser sur nos épaules et faire lentement et furieusement claquer nos bottes dans les rues barricadées aux carrefours embouteillés et tous les chauffeurs descendraient de voiture et une sacrée foule derrière nous putain pendant qu'on dévierait de la rue principale pour couper à travers ce nouveau parc d'entreprises avec tous ces employés qui sortiraient en bras de chemise blanche pour nous regarder passer et tous les poivrots devant le King George déverseraient leur bière à nos pieds en guise de comment dire de sacrifice ou d'hommage à une vie pleinement vécue et ensuite dans Forest Road toutes les bonnes femmes comme une haie d'honneur uniforme court et bottes vernies s'avanceraient dans la rue pour fourrer dans son linceul des billets de vingt déjà pliés pendant qu'on continuerait à avancer en le portant bien haut en le portant devant l'église et droit à travers le portail du
Certains sont toujours mal à l'aise de rester assis comme ça, pourtant. Quand ils sont assis à attendre la même chose, chez le médecin, à l'office du logement ou n'importe où. Ils croient qu'ils doivent briser le silence. Mais pas Steve. Il pouvait rester assis à attendre en silence toute la journée s'il le fallait. Une chose qu'il avait apprise quand il était en manoeuvres. La patience. Il s'asseyait devant le centre, quelqu'un se mettait toujours à parler de la météo, de la police ou des demandeurs d'asile, Steve lui jetait seulement un regard et se replongeait dans sa lecture. La plupart du temps, ça suffisait.
Et ces jours-là il attendait là-bas comme ça. Que quelqu'un vienne le trouver. Que quelqu'un vienne l'aider. Juste allongé là-bas, à regarder le plafond, à attendre. Ou bien, comment, assis dans son fauteuil. Ça n'a même pas pris si longtemps que ça. Allongé là-bas à attendre de l'aide et ensuite, toute cette attente parvenue à sa fin, ses larmes toutes envolées ou quelque chose de plus ou moins comme ça.
Ce qui correspond à autre chose que nous connaissons. Etre allongé par terre à regarder en l'air, à attendre que quelqu'un passe et nous porte secours. Quand on a un problème. Une entorse à la cheville, une fracture du crâne, une crise d'épilepsie, de diabète, ou quand on est seulement trop bourré pour se relever sans comme qui dirait une main secourable.
Ce qui correspond au moment où vous êtes le plus invisible de tous. Regardez bien les chaussures des gens pendant qu'ils marchent autour de vous. On dirait qu'ils vont vous laisser là plusieurs jours. On dirait qu'ils vont vous laisser là le temps qu'il faudra.
Ils sont là, assis dans la baignoire, le miroir se couvre d'un nuage de buée, le robinet goutte en silence dans l'eau paisible, et nous regardons le nouveau papier peint qui commence à pâlir. La lumière du soleil rentre par la fenêtre et la porte ouverte de la cuisine, s'abat sur le motif à rayures au fond du vestibule et blanchit sa couleur. La porte d'entrée s'ouvre sous l'effet du vent, les gaz d'échappement en provenance de la rue s'égarent à l'intérieur et effleurent les murs, dépassant de fines couches de saleté qui collent aux traînées laissées par des mains graisseuses.