Les livres, pour les plus remarquables d'entre eux, provoquent en nous des choses. Des visions dantesques, une attente parfois fébrile, du rire. Quelque fois, plus rarement, ils font appel à nos sens.
DANS LES EAUX DU GRAND NORD s'apparente quasiment à un odorama de papier, on sentirait presque le suif, l'âcreté de la sueur, de la peur. Ce ne sont certes pas des senteurs agréables, comme le dit l'auteur : "ça sent l'entrejambe". Ce n'est pas donné au premier venu de nous entourer d'effluves si aigres soient-elles, à la force de sa plume, à la suggestion de son style.
Je ferais ici, un parallèle, complètement incongru, sans transition aucune, avec SI C'ÉTAIT VRAI, le livre de
Marc Levy, évoquant lui le fumet d'un morceau de tofu congelé. J'ai lu ce livre, je n'en ai rien gardé mais je me souviens que les premières pages étaient d'une banalité confondante, parmi les plus oubliables de ma carrière de lecteur compulsif. Je ne suis pas près d'oublier le premier chapitre des EAUX DU GRAND NORD, saisissantes, à la fois terribles et d'une grande beauté.
Ian McGuire est un poète avant tout. Il lui en resté un petit truc... Une science de la scansion, du mot juste et la sobriété. Ian n'en fait point trop, ce qui lui laisse quand même une touffue marge pour nous donner des scènes prodigieuses.
Bienvenue sur un baleinier, un monde d'hommes à moitié abrutis, où l'hygiène la plus élémentaire ressort du doux rêves ; un amalgame de crasse, de transpiration, de merde et de sperme. Ian arrive à nous faire voir la beauté dans tout ça, une beauté déviante, illusoire peut-être, mais réelle.
S'appuyant sur un solide travail documentaire, sur une intrigue au cordeau (le style n'est pas tout),
Ian McGuire nous harponne (forcément) et ne nous lâche plus, jusqu'au dénouement brutal, incisif. L'achèvement de la joute entre un homme mauvais, mu par ses instincts, ses impulsions, rusé et complexe...
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