Je suis laide.
Il y a des matins comme aujourd'hui, où je ne supporte plus le reflet que me renvoie mon miroir, ni l'ignoble pharmacie de crèmes et lotions alignées sous mes yeux. Ma peau est constellée de boutons purulents. J'ai tout essayé; rien ne peut guérir de cette lèpre et du dégoût qu'elle inspire.
Je suis seule.
Cet état m'est devenu naturel, nécessaire. Sans témoin, mon visage purulent se rassure; il se supporte. Cloitrée dans ma chambre pendant des heures, parfois des journées entières, je lis, j'écris, je travaille. Ma laideur a fait de moi une sorte de surdouée. Au début mes notes compensaient ce que je décelais dans les yeux des garçons; la gêne, la pitié, le mépris. Mais on s’habitue à être la première; on ne s'habitue pas à être laide.
Zoé à la Comédie- Française, en juin 2015, a lu un extrait de "L'espion de Richelieu" lors de l'évènement "Les petits champions de la lecture".