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Citations sur Phénoménologie de la perception (86)

Nous choisissons notre monde et le monde nous choisit.
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Nous sommes habitués par la tradition cartésienne à nous déprendre de l'objet : l'attitude réflexive purifie simultanément la notion commune du corps et celle de l'âme en définissant le corps comme une somme de parties sans intérieur et l'âme comme un être tout présent à lui-même sans distance. Ces définitions corrélatives établissent la clarté en nous et hors de nous : transparence d'un objet sans replis, transparence d'un sujet qui n'est rien que ce qu'il pense être. L'objet est objet de part en part et la conscience conscience de part en part. Il y a deux sens et deux sens seulement du mot exister: on existe comme chose ou on existe comme conscience.

L'expérience du corps propre au contraire nous révèle un mode d'existence ambigu. Si j'essaye de le penser comme un faisceau de processus en troisième personne - « vision », « motricité », « sexualité » - je m'aperçois que ces « fonctions » ne peuvent être liées entre elles et au monde extérieur par des rapports de causalité, elles sont toutes confusément reprises et impliquées dans un drame unique. Le corps n'est donc pas un objet. Pour la même raison, la conscience que j'en ai n'est pas une pensée, c'est-à-dire que je ne peux le décomposer et le recomposer pour en former une idée claire. Son unité est toujours implicite et confuse. Il est toujours autre chose que ce qu'il est, toujours sexualité en même temps que liberté, enraciné dans la nature au moment même où il se transforme par la culture, jamais fermé sur lui-même et jamais dépassé.

Qu'il s'agisse du corps d'autrui ou de mon propre corps, je n'ai pas d'autre moyen de connaître le corps humain que de le vivre, c'est-à-dire de reprendre à mon compte le drame qui le traverse et de me confondre avec lui. Je suis donc mon corps, au moins dans toute la mesure où j'ai un acquis et réciproquement mon corps est comme un sujet naturel, comme une esquisse provisoire de mon être total. Ainsi l'expérience du corps propre s'oppose au mouvement réflexif qui dégage l'objet du sujet et le sujet de l'objet, et qui ne nous donne que la pensée du corps ou le corps en idée et non pas l'expérience du corps ou le corps en réalité. Descartes le savait bien, puisqu'une célèbre lettre à Élisabeth distingue le corps tel qu'il est conçu par l'usage de la vie du corps tel qu'il est conçu par l'entendement.

Mais chez Descartes ce savoir singulier que nous avons de notre corps du seul fait que nous sommes un corps resté subordonné à la connaissance par idées parce que, derrière l'homme tel qu'il est en fait, se trouve Dieu comme auteur raisonnable de notre situation de fait. Appuyé sur cette garantie transcendante. Descartes peut accepter paisiblement notre condition irrationnelle : ce n'est pas nous qui sommes chargés de porter la raison et, une fois que nous l'avons reconnue au fond des choses, il ne nous reste plus qu'à agir et à penser dans le monde. Mais si notre union avec le corps est substantielle, comment pourrions-nous éprouver en nous-mêmes une âme pure et de là accéder à un Esprit absolu ? (pp. 230-232)
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La vraie philosophie est de rapprendre à voir le monde, et en ce sens une histoire racontée peut signifier le monde avec autant de profondeur qu'un traité de philosophie.
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Il ne faut donc pas se demander si nous percevons vraiment un monde, il faut dire au contraire: le monde est cela que nous percevons.

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La parole chez celui qui parle ne traduit pas une pensée déjà faite, mais l'accomplit.

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[ Découverte progressive de la vue chez les aveugles-nés opérés de la cataracte ]

C’est là ce qui demeure vrai dans les fameuses descriptions empiristes d’une perception non spatiale. L’expérience des aveugles-nés opérés de la cataracte n’a jamais prouvé et ne saurait jamais prouver que l’espace commence pour eux avec la vision. Mais le malade ne cesse de s’émerveiller de cet espace visuel auquel il vient d’accéder, et en regard duquel l’expérience tactile lui paraît si pauvre qu’il avouerait volontiers n’avoir jamais eu l’expérience de l’espace avant l’opération. L’étonnement du malade, ses hésitations dans le nouveau monde visuel où il entre montrent que le toucher n’est pas spatial comme la vision. « Après l’opération, dit-on, la forme telle qu’elle est donnée par la vue est pour les malades quelque chose d’absolument neuf qu’ils ne mettent pas en rapport avec leur expérience tactile », « le malade affirme qu’il voit mais ne sait pas ce qu’il voit (...). Jamais il ne reconnaît sa main comme telle, il ne parle que d’une tache blanche en mouvement ». Pour distinguer un rond d’un rectangle par la vue, il lui faut suivre des yeux le bord de la figure, comme il le ferait avec la main et il tend toujours à saisir les objets que l’on présente à son regard. Que conclure de là ? que l’expérience tactile ne prépare pas à la perception de l’espace ? Mais si elle n’était pas du tout spatiale, le sujet tendrait-il la main vers l’objet qu’on lui montre ? Ce geste suppose que le toucher s’ouvre sur un milieu au moins analogue à celui des données visuelles. Les faits montrent surtout que la vision n’est rien sans un certain usage du regard. Les malades « voient d’abord les couleurs comme nous sentons une odeur : elle nous baigne, elle agit sur nous, sans cependant remplir une forme déterminée d’une étendue déterminée ». Tout est d’abord mêlé et tout paraît en mouvement. La ségrégation des surfaces colorées, l’appréhension correcte du mouvement ne viennent que plus tard, quand le sujet a compris « ce que c’est que voir », c’est-à-dire quand il dirige et promène son regard comme un regard, et non plus comme une main. Cela prouve que chaque organe des sens interroge l’objet à sa manière, qu’il est l’agent d’un certain type de synthèse, mais, à moins de réserver par définition nominale le mot d’espace pour désigner la synthèse visuelle, on ne peut pas refuser au toucher la spatialité au sens de saisie des coexistences. Le fait même que la vision véritable se prépare au cours d’une phase de transition et par une sorte de toucher avec les yeux ne se comprendrait pas s’il n’y avait un champ tactile quasi spatial, où les premières perceptions visuelles puissent s’insérer. La vue ne communiquerait jamais directement avec le toucher comme elle le fait chez l’adulte normal si le toucher, même artificiellement isolé, n’était organisé de manière à rendre possibles les coexistences.
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Des générations l'une après l'autre "comprennent" et accomplissent les gestes sexuels, par exemple le geste de la caresse, avant que le philosophe en définisse la signification intellectuelle, qui est d'enfermer en lui-même le corps passif, de le maintenir dans le sommeil du plaisir, d'interrompre le mouvement continuel par lequel il se projette dans les choses et vers les autres. [...] Le sens du geste ainsi "compris" n'est pas derrière lui, il se confond avec la structure du monde que le geste dessine et que je reprends à mon compte, il s'étale sur le geste lui-même.
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Ce que je découvre et reconnais par le Cogito [...] c'est le mouvement profond de transcendance qui est mon être même, le contact simultané avec mon être et avec l'être du monde.
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C'est du fond de sa subjectivité que chacun projette ce monde "unique".
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Avoir un corps, c'est posséder un montage universel...
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