J'ai senti tout de suite,avec la même intensité, que c'était une chance que les enfants soient là. Ils étaient là plus éclatante des raisons pour lesquelles c'est tout de même une bonne chose que les humains existent. Sous leur regard il faudrait se tenir droit,encaisser,durer.On se sentirait plus coupables chaque fois qu'on plancherait,mais on serait aussi moins enclins à flancher.(p.54)
C'est un résumé parfait de l'histoire de ma vie: je réfléchis trop et je laisse passer ma chance.
Lui avait insisté pour m'inviter à déjeuner, en m'assurant qu'on maintiendrait les distances réglementaires. J'aurais pu partir avec quelques minutes d'avance,mais je suis sorti dès 11heures pour me dégourdir les jambes.La vie était devenue si sédentaire, on passait tant de temps claquemurés qu'il fallait saisir les occasions de liberté conditionnelle. (p.89)
Nous parlions de beaucoup de choses,mais surtout de ce qui nous liait: la passion des mondes fictionnels,le besoin permanent d'apprendre,le désir de faire dans nos vies le plus de place possible pour l'art.(p.47)
Je regarde son visage que le feu durcit comme un métal. L'honnêteté voudrait que je lui dise que je suis d'accord avec elle : le plus probable est de ceux qui profitent du vieux monde s'y accrochent aussi longtemps qu'ils le pourront,avec l'égoïsme forcené dont ils font toujours preuve. Ils ont tous les moyens de savoir que le pouvoir de destruction du système l'emporte de très loin sur sa force de construction, mais ça ne leur fait ni chaud ni froid,tant qu'ils tiennent les manettes ou que ça leur rapporte des quantités invraisemblables et obscènes de pognon. Je pourrais nuancer,évidemment, mais c'est tout de même à ça dans les grandes lignes que ressemble la vérité. Est-ce que c'est rassurant, quand on a dix'sept ans,d'entendre son père confirmer le bien-fondé de toutes les angoisses avec lesquelles on se débat ?(p.58)
Me revenait la phrase de Henry David Thoreau qui constate quelque part dans Walden que se retrouver pour manger, trois fois par jour, alors qu'on n'a rien de neuf à raconter, aucune expérience nouvelle dont se faire part, c'est comme se donner à regoûter chaque fois un autre bout du vieux fromage moisi que nous sommes.
J'ai commencé à me dire que j'avais besoin de la cave. On pouvait m'interdire de sortir dans la rue, comme les rues étaient à tout le monde, mais pas de m'enfermer si c'était mon désir dans ce lieu qui m'appartenait.
Dans les semaines qui ont suivi, en tout état de cause, j'ai dû me mettre à cohabiter avec un homme d'angoisse, qui essayait de prévoir plusieurs coups à l'avance, et avec un homme insouciant qui avait besoin par-dessus tout de ne penser à rien. Tous deux s'appelaient Elias Torres.
Les scientifiques répétaient depuis longtemps que nous faisions n’importe quoi. Le plus tentant était de penser à autre chose : le travail à abattre ; le motif de préoccupation du jour ; les raisons pour lesquelles on se sent toujours insatisfait. Il y avait assez de problèmes à notre échelle pour ne pas s’embarrasser de ceux qui paraissaient si insolubles et qui se ramifiaient aussi loin dans l’espace et dans le temps.
Si on laisse disparaitre plus d'un million d'espèces,il ne faut pas se leurrer,HOMO SAPIENS fera partie de la liste.