AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Lejonc Régis (Autre)
EAN : 9782374083322
40 pages
Little Urban (07/01/2022)
4.17/5   51 notes
Résumé :
"- Dès que j'irai un peu mieux, tu me feras passer la montagne.
- Je ne sais pas. Je vais y réfléchir.
- Ce n'était pas une question.
- Pour moi, c'en est une."

Le berger but un peu du lait de ses brebis à même le pot à traire. Puis il tendit le pot à l'assassin.

"Qui que tu sois, la montagne est plus dangereuse que toi."
Que lire après Le berger et l'assassinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
4,17

sur 51 notes
5
6 avis
4
4 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Peut-être LE roman graphique de 2022…
En tout cas, il ne manquera pas de figurer au top 10 de cette année tant le message philosophique et politique qu'il porte en lui (l'entraide, l'humanisme, la lutte contre le fascisme, l'exil) ainsi que la qualité des illustrations sont chargés l'un et l'autre de sens et de beauté.
Régis Lejonc n'avait jamais dessiné la montagne avant d'illustrer cet album ; c'est un vrai coup de maître ! Chaque illustration est un tableau vivant.
Et quant au texte d'Henri Meunier, il est lui aussi très beau ; succinct mais d'une densité rare, poétique, philosophique.
Par essence, en raison de son format très spécial, ce grand album (26,5 cm), assez court, bénéficiant d'un traitement des images exceptionnel a tout d'un conte moderne et désespéré porteur d'un message qui ne laissera personne indifférent.

Est-ce le texte qui soutient le graphisme ou bien l'inverse ? On ne le sait pas tant la fusion est complète si bien qu'une seule question demeure : « Mais dans quel rayon le glisser ? »
La réponse est bien entendue : « Partout et nulle part. »
Ce qui est bien là la preuve de l'universalité et du génie.
Commenter  J’apprécie          180
Il nous faudra attendre presque la moitié de l'album avant d'apercevoir âme qui vive dans les montagnes de cette histoire.

Nous parlerons des images de Régis Lejonc bien sûr car pour le texte d'Henri Meunier, les hommes seront bien là. Tous. Mais pas au même endroit.
C'est pour cela que le berger de l'histoire, qui ne voudra pas de bousculades dans ses montagnes, préférera repousser son hôte (qui s'est imposé) vers l'autre versant de sa grande montagne, comme il l'a demandé.

Il y aura du grabuge en bas, la balle extraite de la cuisse de "l'assassin" ne démentira pas que les esprits et les armes s'échaufferont ici-bas.
Qui est-il cet "assassin" ?
Nous nous attendrons à un criminel vrai de vrai, à quelqu'un qui a tué quelqu'un.
Il y aura le fond de décor de cette aventure.
Les montagnes ? 
Non, le fascisme.
Dans ce contexte historique, qui pourra dire que cet assassin est un assassin quand la justice est menée par des criminelles de la liberté ?

Où sommes-nous?
Dans les montagnes, certe, oui. Dans quelle partie du monde, voulait-on dire?
L'"assassin" avouera être pourchassé pour ses mots et qu'il s'est servi de ses mots comme d'une arme, c'est son crime.
Les mots de l'aventure seront importants car ils nous diront par quelques indices où nous sommes.
"Les chemises grises", les "fascistes", ainsi l'assassin appelle-t-il ses poursuivants.
Nous pourrions être tentés de penser aux soldats du dictateur italien Mussolini à cause du terme "fasciste" employé souvent sur son régime historique autoritaire.
Nous aurions été du côté italien des Alpes, prêts à passer alors logiquement en France.
Mais le terme "Chemises grises" est un indice.
Et oui, les grands lecteurs le sauront peut-être mais les uniformes des troupes fascistes italiennes des années 40 étaient verts.
En revanche, ceux des nazis allemands étaient bien gris, eux.
Alors?
Finalement, serions-nous en France prêts à échapper à l'invasion nazie ?
Pour aller où, dans quelle partie de l'hexagone ?
Car à cette triste époque d'occupation violente et de grande dictature, les nazis allemands se trouvaient à l'Est, déja près de l'Alsace (annexée par l'Allemagne, près de la chaîne montagneuse des Vosges). Partir au sud? du côté de l'Espagne et de ses guerres civiles franquistes ou vers l'Italie, écrasée par l'autoritarisme de Mussolini.
Où aller?
Les vrais assassins avaient pris sur cette période le pouvoir un peu partout, s'alliant les uns aux autres à l'occasion.
C'est l'enfer, me diriez-vous ?

Nous n'en ressentirons pas les braises en tous cas avec le récit d'Henri Meunier, l'auteur s'attachera à la relation de ses deux personnages, le berger solitaire mais amical et le fugitif un peu écorché vif devant les preuves de bonté.
"Chats échaudés, craindront l'eau froide", le fugitif ne pourra s'empêcher de repousser les avances chaleureuses du berger qui lui tendra la main pour enfin souffler et baisser sa garde.
Nous ressentirons l'offre comme un luxe que le fugitif ne pourra pas se permettre, sans doute en cette période historique aussi où la peur pourra en pousser quelques-uns à trahir les amis.

L'aventure posera donc un peu un suspens subtil et nous fonctionnerons comme eux, pas à pas, nous devrons continuer de lire pour attendre de glaner d'autres indices pour identifier notre "assassin" présumé et ses poursuivants.
Persévérance et patience.
Le décor peut-être trahira-t-il l'endroit, la cachette et l'endroit du passage où le berger guidera "l'assassin" (car vous ne sauriez l'ignorer, jeunes lecteurs, les montagnes ne sont pas identiques, certaines plus longues ou plus hautes que d'autres. Alors, si nous grimperons haut très haut, où serons-nous?)
Attendez! Page20, notre berger lâchera enfin aux jeunes lecteurs l'indice d'un lieu!
Ainsi pourrez-vous savoir où les deux héros se trouvent.
Mais en attendant, dans l'espoir d'un contexte plus apaisé, "l'assassin "sera placé "en quarantaine" dans une cache près des montagnes, le temps de pouvoir le déplacer (il faudra que la saison se prête à la traversée car on ne va pas affronter les montagnes quand bon nous chante, sauf si c'est pour précipiter sa pauvre situation en instance d'exécution, évidemment).

Le roman illustré sera évidemment à conseiller à un jeune public ados capable d'entendre les terribles récits du fascisme. Henri Meunier se contentera des faits, nous épargnant les débordements et excès d'humeurs des hommes après l'"assassin". C'est plein d'émotion car entre le berger et l'assassin", ces gens d'injustice ne feront aucune différence.
Alors, que restera-t-il ?

Les deux seront un peu comme isolés sur une île déserte, incapables paradoxalement de renouer avec l'humanité des paroles et des gestes. Les contacts du fugitif seront secs et abrasifs, les réponses du berger seront implacables : il est chez lui.
L'assassin a peut-être tué un homme, finalement.

Les illustrations de Rémi Lejonc seront splendides, le panorama montagneux tapissé de verdure, laissant apercevoir ses genoux caillouteux par endroits, baignés d'une lumière éclatante ou voilé d'un linceul bleuté lunaire.
La montagne est aussi belle que dangereuse. L'"assassin" préférera tenter sa chance avec la montagne pour avoir son mot à dire, pour avoir la chance du dernier mot sur cette terrible existence s'il réussit à l'affronter.
Les descriptions d'Henri Meunier donneront l'avantage au calme de l'exil, à la douceur naturelle de la vie de berger, traire les brebis, faire du fromage, la vie continuera, malgré tout.
Il y aura là une résistance saine et vivifiante à la guerre des hommes qui s'imposera tranquillement ailleurs, avec ce havre de silence et de clochettes.
La montée de cordée devra porter le duo vers une sagesse dont l'auteur souhaitera nous faire profiter à l'extrême fin.
Ils devront se faire confiance si ils ne veulent pas chuter tous les deux.

Un roman chouette et au sujet fort.
Commenter  J’apprécie          10
Pour entamer l'année 2022, Little Urban frappe fort en réunissant deux auteurs jeunesse prolifiques dans une ambiance froide et rude.

C'était en ce qui me concerne ma première rencontre avec le duo Henri Meunier et Régis Lejonc, n'ayant lu le premier que sur Jurassic Poule, une petite BD détonante. J'avais également entendu parler du second mais dans un registre bien différent. Ainsi je ne les attendais pas du tout sur ce registre car Little Urban propose ici avec eux quelque chose de bien plus adulte : une sorte de nouvelle illustrée destinée à de grands enfants ou des adultes amateurs de beaux livres illustrés.




Le Berger et l'Assassin est en effet une nouvelle qui rappelle par son ambiance les oeuvres provençales et âpres de Pagnol avec ces grands espaces et cette montagne fascinante et sauvage. Illustrée par de grandes planches de dessins tout en aplats de couleur de Régis Lejonc, rappelant les estampes japonaises, l'objet livre surprend. On y ressent toute la puissance de la nature et son côté sauvage et indomptable mais paisible aussi à sa façon.

L'histoire, elle, a quelque chose de rude et authentique. C'est une sacrée expérience de lecture. Elle rappelle un certain vieux film : le juge et l'assassin. On suit un assassin réfugié à la montagne fuyant l'oppression et un berger bourru mais gentil qui l'aide dans son périple et le cache. Une histoire en duo sans le moindre nom et avec très peu d'échange de paroles où l'âpreté du décor se mêle à celle de leur histoire pour un récit puissant et quasi silencieux où la montagne nous marque.

J'ai beaucoup aimé cette ambiance à l'ancienne, un peu désuète, rappelant la littérature du début XXe avec cette montagne comme seul espace de liberté. Les auteurs y greffent en plus le thème de la montée des extrêmes en Europe dans ces années-là. Il y a donc un niveau de lecture supplémentaire fort intéressant qui donne envie de creuser la chose.

Ce premier album de l'année fut donc une belle surprise, riche en enseignements, avec à nouveau une montagne qui m'a fascinée comme décor et une histoire puissante à lire comme un témoignage.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          120
Cet ouvrage qui offre des illustrations en très grand format (A3) est particulièrement atypique. Nous faisons la connaissance de deux personnages, sur lesquels nous ne savons rien et qui sont uniquement définis par leur surnom. Nous en déduisons que l'assassin est donc en fuite et que le berger le dissimule.

Contrairement à la grande majorité des ouvrages de Little Urban, nous ne somme pas ici en présence d'un livre jeunesse. Les textes sont extrêmement poétiques et d'une syntaxe parfois complexe et soutenue. L'histoire en elle-même est également assez noire et austère, mais les illustrations viennent quelque peu adoucir tout cela. La montagne y est dessinée sous toutes ses coutures. Tantôt froide, rougeoyante ou encore habitée par cette nature sauvage.

Cet ouvrage envoutera les amoureux de la poésie, d'autant que cette dernière est au service d'un écosystème aussi magnifique que fragile.
Les notions de confiance, d'instinct et de dépassement de soi, sont aussi au coeur de ce récit. Un récit aussi déstabilisant qu'éblouissant.
Commenter  J’apprécie          60
Le berger et l'assassin

« Dès que j'irai un peu mieux, tu me feras passer la montagne. ? Je ne sais pas. Je vais y réfléchir. ? Ce n'était pas une question. ? Pour moi, c'en est une ». le berger but un peu du lait de ses brebis à même le pot à traire. Puis il tendit le pot à l'assassin. « Qui que tu sois, la montagne est plus dangereuse que toi »

Dès le début de l'histoire, je suis happée par l'écriture. Elle ne ressemble pas à celle empruntée d'habitude, par les albums jeunesse. Elle me fait plus penser à celle de la nouvelle. du roman psychologique. Nous sommes dans un huis clos à l'ambiance acérée et poétique. La construction des personnages est fouillée. le langage accompagne avec beaucoup de magnificence le dessin et les couleurs.

Les chemises grises poursuivent l'un et maltraitent l'autre. Ceci va unir le destin de deux hommes dont la vie est à l'opposée. Pour tenter de sauver leur peau, ils vont apprendre à se connaître, s'apprivoiser. Et se respecter. Nous assistons à la naissance d'une belle solidarité malgré la tension bien présente. le berger comprend que pour désamorcer la colère de son compagnon de fortune, il doit faire preuve de bienveillance. L'assassin sait bien qu'il ne peut s'en sortir, sans l'aide de cet homme rencontré au détour de sa fuite.

J'ai aimé cet album. Et pourtant je ne peux nier que la solution choisie par le berger m'a attristé. Certains choix nous amènent vers l'inimaginable. La guerre, quelquefois n'était-elle pas basée sur l'inconcevable ?

Henri Meunier est né en 1972 à Suresnes et vit aujourd'hui à Bordeaux. Il a étudié les arts plastiques. Premier album le paradis illustré par Anouk Ricard, en 2001. Il a écrit et/ou illustré plus de quatre-vingts albums. Il collabore avec Nathalie Choux, Anouk Ricard, Benjamin Chaud ou Régis Lejonc. Avec ce dernier, il a remporté le prestigieux prix Sorcières en 2017 pour Coeur de bois.
Régis Lejonc est Autodidacte. Auteur et illustrateur de littérature jeunesse depuis 1995. Il a publié environ 80 livres. Et a reçu de nombreux prix dont le grand prix de l'illustration en 2010.

Claudia
Lien : https://educpop.fr/2023/05/2..
Commenter  J’apprécie          60


critiques presse (1)
Culturebox
10 janvier 2022
Certes il y a le berger et l'assassin, mais il y a aussi un troisième personnage dans ce récit : la montagne. L'illustrateur la connaît bien, il a passé son enfance et son adolescence en Haute-Savoie. Et que la montagne de Régis Lejonc est belle, et grandiose ! C’est d’autant plus vrai que l’album est en très grand format.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Dans la vie, il n'y a pas de sommets. Pas de points. Nous nous en inventons pour jouir du réconfort d'un possible destin. La vérité c'est que les jours succèdent aux jours. Rien de plus. Et chacun avance. Comme il peut. De sa naissance à son trépas. À notre mort, un autre prend la suite. Nous allons, tous liés en cordée. De petit pas à petit pas, de vertige en vertige, l'humanité se tient dans l'ascension comme dans la chute.
Commenter  J’apprécie          30
- Tu veux savoir ? s'enquit l'assassin après un long silence. Pour l'homme que j'ai tué, je veux dire.
- Je ne préfère pas, répondit le berger. Des justifications, on en trouve toujours. Des bonnes et des mauvaises. Aucune n'est valable. Le mal qui est fait ne peut pas se défaire.

[p30]
Commenter  J’apprécie          40
Peut-être bien que chacun fait ses petits pas et rien de plus. Et à coup sûr, certains de nos pas vont de travers quand d'autres sont de velours. Crétins à part, qui peut différencier sans l'ombre d'un doute les pas qui nous portent vers les sommets de ceux qui nous en éloignent ?
Commenter  J’apprécie          40
Tu as forcé mon refuge. Tu m'obliges à monter avec toi ou à descendre pour te livrer aux miliciens. À marche égale, je suppose qu'il est plus estimable de choisir l'inconnu à l'ignominie.
Commenter  J’apprécie          40
Moi, je suis l'homme du milieu. Je vis à l'écart de toutes les choses, les belles comme les laides, parce que je ne sais pas vivre autrement. Je ne sais rien de toi. […] Mais en venant ici, tu as mis fin à mon asile. Tu as forcé mon refuge. Tu m'obliges à monter avec toi ou à descendre pour te livrer aux miliciens. À marche égale, je suppose qu'il est plus estimable de choisir l'inconnu à l'ignominie.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Henri Meunier (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri Meunier
Affreux jojos et deux autres Minibulles
autres livres classés : albumVoir plus
Les plus populaires : Jeunesse Voir plus


Lecteurs (85) Voir plus




{* *} .._..