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J'ai mis du temps à entrer dans ce roman, un peu dérangée par la forte présence du metteur en scène démiurge que l'on sent actionner les ficelles de ses personnages sans leur laisser la moindre chance de s'en sortir. En fait, durant tout le roman, l'intrigue est propulsée par des situations reposant sur des erreurs, à commencer par celle d'Isaac, l'erreur initiale qui fait basculer dans la tragédie. Ce mauvais choix ne m'a pas paru très crédible, trop grossière, déroutante même alors qu'on vient à peine de faire la connaissance avec ce personnage qui restera au demeurant très opaque. La chorégraphie même du drame m'a semblé heurtée, forcée.

Si le scénario est très artificiel, Philipp Meyer a un talent fou pour sonder l'Amérique profonde, ici celle de la Rust Belt en Pennsylvanie, fracassée par la désindustrialisation et la paupérisation qui a suivi la fermeture des aciéries. A ce décor désenchanté de mobil-homes, bars, gares ferroviaires et prison d'Etat, répond une peinture sociale puissante, celle des dépossédés, de ceux qui sont restés là et rêvent de partir. Cette radiographie des déclassés, à défaut d'être neuve, ne manque pas de saisir.

Même si son incarnation est un peu inégale, la force du roman est de nous faire entrer dans la psyché des six personnages principaux de façon très immersive, par des flux de pensée quasi faulkneriens, d'une grande intensité pour dire les dilemmes moraux qui les envahissent. Si Isaac, celui par lequel le drame advient, m'a peu touchée, son ami Poe est très touchant, lui l'ex-star du football qui a raté son intégration universitaire et végète depuis entre ennui et bouffées de violence incontrôlable. Mais c'est sans doute le personnage de sa mère, Grace, qui est le plus réussi, on perçoit immédiatement, en quelques phrases, tous ses rêves déchus et sa terreur de voir son fils sombrer. Elle qui lutte au quotidien pour conserver sa dignité et protéger son fils de la réalité sordide d'une région où les femmes sont tout particulièrement à la merci de chaque accident.

Sans mélo, sans complaisance, sans condescendance, Philipp Meyer trouve la bonne distance et sonde les subtilités et les complexités de l'âme humaine, jusqu'à ses recoins les plus sombres qui la font déraper et vaciller. Autour des thématiques amitié – amour – loyauté – culpabilité – trahison, il n'est question que des choix que l'on fait dans une vie, ou plutôt des choix que l'on croit faire. Les personnages sont sans cesse en mouvement, mais toujours sur un fil. La narration est implacable, la déterminisme social désespérant, le fatalisme omniprésent. La présence forte de la ville de Buell et des stigmates de sa chute, décrite admirablement, renforce cette impression d'enfermement qui se referme sur les personnages, sans échappatoire possible.

Ce n'est-être pas LE grand roman contemporain sur le rêve américain perdu ( dans la même veine, je lui préfère largement le brillant Ohio de Stephen Markley ) mais incontestablement, on sent tout le potentiel de l'auteur qui explosera de façon éclatante dans le Fils, son formidable roman suivant.
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Isaac, un jeune américain, partage seul et difficilement la vie de son père malade depuis que sa mère s'est suicidée et que son unique soeur est partie étudier à Yale et s'y est mariée. Alors un jour Isaac part. Après avoir volé les économies de son père, il fait un détour par le mobil home où son copain Billy vit avec sa mère. Ces deux-là ont raté leur chance de quitter la Rust Belt, surnom donné à une région industrielle du nord-est des Etats-Unis durement touchée par le déclin industriel où sévit le chômage et la misère sociale. Isaac est un jeune homme brillant qui aurait pu intégrer une université prestigieuse, quant à Billy, il avait eu une proposition pour sa carrière de footballeur mais par manque d'ambition, de courage ou par devoir, ils sont restés à Buell. Isaac convainc Billy de faire un bout de chemin avec lui, mais dans les premières heures de leur fuite, ils tombent sur trois clochards et c'est le drame ! Pour défendre Billy, Isaac lance violemment un projectile qui tue l'un d'eux. Mais qui va devoir payer ? Quelles vies la mort accidentelle de ce SDF va-t-elle briser ?

Un roman sombre qui dépeint de tristes vies gâchées, brisées ; les personnages sont riches et l'histoire qui interroge sur les liens familiaux et la loyauté est intéressante, mais que c'est long et répétitif !
Lien : http://www.levoyagedelola.com/
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Pennsylvanie, au milieu de nulle part, dans une petite ville appelée Buell… Chaque minute s'égrène avec lenteur, chacun se connaît puisque chacun a vécu avec « l'autre » depuis la nuit des temps. le temps du plein emploi est terminé, il ne reste que de la rouille, rust, signe des bâtiments industriels jadis féconds laissés à l'abandon. Restent la misère, les bars où s'épanchent ces pauvres hères, les paradis artificiels pour rêver à d'autres cieux. Découragement, amertume, désolation, désespoir. Poussière, délabrement, avenirs nébuleux. Dans ce climat sombre, sans le moindre espoir de sortir de sa condition, une amitié improbable lie deux êtres : Isaac English et Billy Poe. Pour échapper à leur avenir sombre, ils décident de quitter la ville ensemble. L'un pour fuir un père malade, l'autre son addiction aux bagarres qui lui servent à oublier sa carrière sportive ratée. Mais, Buell ne laisse pas s'échapper ses habitants aussi facilement… Avant leur départ, ils se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment. L'escalade de drames qui va en découler touche plusieurs personnages de cette communauté, dans leur chair, dans leurs âmes, mais aussi dans les liens qui les unissent.

Dans « American Rust », Philipp Meyer brosse le portrait d'une Amérique en perdition. Pas celle des grandes mégalopoles, celle des bourgades où les gens crèvent, où pour oublier, ils s'adonnent à toute sorte d'addictions. le travail existe à peine, et lorsqu'il existe, ce ne sont que quelques dollars grappillés çà et là qui n'offrent aucune échappatoire. En faisant le focus sur cette ville gangrenée par la pauvreté, les maigres subsistances, il met la lumière sur un pays qui se renie. Ce reniement passe par les personnages et à travers eux, par des relations humaines gangrenées. Lorsque le drame surgit, chacun doit sauver sa peau, et pour se faire, est prêt à tout, parfois jusqu'à renier ses propres convictions ou sa propre morale. Il faut s'adapter. Ainsi, Harris, le shérif local, censé représenter la loi va franchir de nombreuses lignes rouges. Ainsi Grace, mère de Billy sera prête à tout pour sauver son fils. Ainsi Lee, soeur de Isaac demandera l'impossible à son ancien amant. Chaque personnage, profondément enraciné dans le sol poussiéreux de Buell, viscéralement abîmé par cette ville qui lui a tout pris, devra se débattre avec sa propre conscience. Les relations amicales sont durement mises à mal. Les relations familiales oscillent entre attachement et dépendance indomptable. Les relations amoureuses sont truffées de mensonges, de non-dits et de tromperies. Les relations humaines vacillent entre droit et devoir, justice et illégalité.

« American Rust » a été publié pour la première fois en 2009. Il devait alors faire partie des précurseurs du genre roman noir sociétal. Depuis, d'autres ont abordé la thématique de cette Amérique qui se meurt, et dont la destruction programmée provient de ses propres entrailles. Nous sommes bien loin du rêve américain, mais plus le temps passe, plus ce pays réceptacle de tous les rêves s'écarte de ses idéaux par le biais de ses propres dissonances et de ses propres choix. Chacun porte ici une croix qu'il ne parvient même pas à décoller du sol, s'engluant dans la lenteur du temps qui s'égrène, dans l'avenir sombre qui se profile à l'horizon. Et pourtant… Philipp Meyer parvient à faire jaillir la lumière sur la jeune génération, celle qui peut encore s'en sortir, telle Lee. Comme si, sous des couches de poussière et de rouille, il était encore possible de faire jaillir une source de vie, d'espérance et de foi en l'avenir. Ce roman choral est touchant par ses multiples vérités et entre dans la lignée des grands romans américains qu'il faut avoir lus afin de se faire sa propre idée sur ce pays en constante mutation, qui brille par ses idéaux en laissant les pauvres sur le bord de la route. L'écriture de Philipp Meyer, réaliste et poétique n'empêche pas la visualisation, à mon avis, d'une Amérique à la mort programmée.

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Buell est une petite ville de Pennsylvanie qui périclite depuis la fermeture de ses aciéries. La plupart des adultes sont au chômage et les jeunes cherchent à partir. Isaac a vingt ans et s'occupe de son père invalide. Sa soeur Lee est partie pour ses études et leurs liens se sont distendus. le jeune homme a renoncé à son rêve d'étudier à Berkeley pour s'occuper de son père invalide. Il decide un jour de prendre la route en direction de la Californie, il envisage une nouvelle vie. Son ami Billy, une ex-star de football, l'accompagne sur le début de son voyage. Mais le hasard place les deux jeunes hommes dans une situation dramatique. le peu d'espoir qu'ils avaient concernant leur avenir vole en éclat en une nuit.
Philipp Meyer nous entraîne dans l'Amérique des déshérités, celle où les anciens vivotent et où les jeunes fuient. Il n'y a pas de travail à Buell, pas d'espoir et les seuls qui y restent sont ceux qui ne peuvent pas en partir. Isaac doit veiller sur son père handicapé et Billy tourne en rond dans sa vie morne. Ils évoluent dans un paysage de friches industrielles et de désespoir. L'intrigue nous attrape dès le début. Les deux jeunes hommes sont pris dans une situation inextricable rapidement. Entre eux existe un lien d'amitié fort. Ils se sont sauvés la vie mutuellement, se sont attachés l'un à l'autre par de actes plus que par de mots. C'est la loyauté qu'ils ont l'un envers l'autre qui guide leurs choix. Ils prennent chacun des chemins differents mais ce lien là ne se dément pas. Chacun à sa manière va éprouver la violence, la solitude et la peur.
La soeur de Isaac, Lee revient voir son frère et son père. Elle est partie étudier la droit avec cette idée en tête : « sauve toi d'abord, tu les sauveras ensuite ». Mais elle se rend compte qu'elle ne peut pas leur venir en aide. le choix qu'elle a fait ne fonctionne pas, elle ne peut sauver qu'elle-même. Rongée par la culpabilité et tiraillée entre deux mondes, Lee est un personnage intéressant car complexe. Est-ce que son choix de partir est égoïste ou gouverné par une nescessité ? Est-ce que finalement cela n'était pas la seule solution dont elle disposait ? Elle ne se sent nulle part à sa place. Son rapport à sa région natale est ambivalent, elle éprouve une répulsion et un attachement mêlés pour Buell.
Les questions de culpabilité et des choix qui impactent nos vies traversent le roman. Les personnages s'interrogent à plusieurs reprises sur les vies qu'ils auraient menées si ils avait pris d'autres décisions. Tous portent le poids de leur renoncement et de leurs blessures passées. Les adolescents n'ont en face d'eux que des adultes indécis et malheureux. Ils ressassent le passé et sont incapables d'offrir un espoir à leurs enfants. Ils font face à la question la plus cruelle qui soit, celle du sens de la vie sur terre.
Le rythme du roman va crescendo, alternant les trajectoires des divers personnages et happant le lecteur. Philippe Meyer nous offre des portraits bienveillants de personnages brisés. Même si le thème du roman a souvent été abordé en littérature américaine, j'ai pris un grand plaisir à lire ce livre car les personnages y sont attachants.
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Les éditions Albin Michel ont décidé de rééditer le premier roman de Philipp Meyer dans une traduction révisée de Sarah Gurcel, 10 après sa parution sous le titre « Un arrière-goût de rouille ».
Bonne idée parce que nous sommes nombreux à avoir été impressionné par « le fils », une saga familiale ambitieuse et incroyablement maitrisée que je vous recommande fortement.

Autrefois à Buell, ville sidérurgique de Pennsylvanie, les gens pouvaient gagner 30 $ à 40 $ de l'heure. Mais ça c'était avant. Avant que les usines ferment où soient délocalisées. Il ne reste plus que quelques jobs à 5 ou 7 $ de l'heure. Beaucoup de personnes sont parties à la recherche d'un avenir meilleur mais pour ceux qui sont restés, « La moitié des gens se sont tournés vers les services sociaux, les autres sont redevenus chasseurs-cueilleurs. Une exagération, mais pas tant que ça. ».

Les deux personnages principaux sont deux amis, Isaac English et Billy Poe. Isaac est un jeune homme brillant mais qui est resté coincé à Buell, s'occupant de son père veuf et malade alors que sa soeur, Lee, a fui faire ses études à Yale où elle a trouvé un riche mari. Billy Poe, lui, était la star du football à l'école, les universités étaient prêtent à l'accueillir mais il n'a jamais franchi le pas et finalement il végète dans le mobil home de sa mère.
Isaac va décider de prendre la route et comme tout bon personnage steinbeckien, il part à pied pour la Californie. Il demande à son ami de l'accompagner pour une partie du voyage sauf qu'il ne vont pas aller bien loin avant qu'un événement tragique les stoppe et change leur vie à jamais.

Voilà pour l'intrigue dont je ne vous parlerai pas en détail afin de ne rien divulgâcher. On est typiquement dans le genre de roman qui plonge le lecteur dans le coeur de l'Amérique contemporaine, celle économiquement dévastée, celle de la crise, des maisons abandonnées, celle du rêve perdu et du désespoir. Je suis très bon public des histoires de ce genre même si on peut reprocher à celle-ci de nous parvenir alors que d'autres auteurs ont déjà merveilleusement exploité la thématique. Je pense à Michael Farris Smith, à David Joy et consorts. Il y a forcément une impression de déjà-vu. Il convient donc de ne pas oublier qu'il a été écrit en 2009 pour ne pas bouder son plaisir.

Car plaisir, il y a ! Elle fonctionne plutôt très bien cette histoire (même si à mon gout ça lambine un peu par moment). Meyer écrit avec une telle assurance, avec un tel réalisme qu'en quelques chapitres, vous êtes ferré. Les paysages du déclin industriel sont très bien rendu, tout comme les répercussions sur les choix et les décisions des habitants. La narration alterne entre les personnages à chaque nouveau chapitre et l'auteur compresse une énorme quantité d'informations sur les personnages dans d'efficaces dialogues internes qui vous donnent l'impression de les suivre depuis déjà 4 tomes.

Si je ressors de ma lecture avec un plaisir mitigé en raison d'un petit côté réchauffé, j'ai globalement apprécié cette histoire qui met au centre l'amitié et la loyauté avec cette question : jusqu'où peut-on aller pour protéger un être cher ? Faut-il se sauver ou sauver l'autre au risque de sa propre sécurité ?
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: Bienvenue à Buell, dans la réalité Fayette County (Pennsylvanie) où l'auteur situe son roman, dans une région touchée de plein fouet par la crise de la sidérurgie, qui a détruit l'emploi et tout ce qui fait la vie, les infrastructures sociales et les services publics. Buell c'est un endroit qui tue les espoirs et les envies, c'est la négation de l'avenir, c'est la mort lente, l'environnement qui enterre les vies des personnes qui n'ont pas le courage ou les moyens de partir…
Et dans ce lieu mort – sauf du point de vue de la nature - il y a deux jeunes, Isaac et Billy les héros de ce livre magnifique qui parle principalement de l'amitié entre eux. Billy est le top au niveau physique et Isaac sur le plan intellectuel… Et Isaac, c'est en plus le frère De Lee, dont Billy est amoureux… Isaac est un surdoué qui n'est pas parti pour aller étudier à l'Université car il est resté pour s'occuper de son père ; sa soeur en revanche a fui vers une autre vie. Quant à Billy, il est revenu alors que le sport était sa porte de sortie…
Une rencontre avec des vagabonds tourne mal… Isaac en tue un et c'est Billy qui est soupçonné puis accusé et jeté en prison. C'est là que toute la grandeur de Billy se révèle… il a toujours pensé que son destin était de finir en tôle et que Isaac était promis à un bel avenir… Pendant ce temps, Isaac décide de partir finalement pour aller à l'Université, à l'autre bout du pays, sans savoir que Billy a été jeté en prison… pas simple de voyager en solitaire…
Autour de ces jeunes il y a aussi les parents, et un flic, chef de la police locale, amoureux de la mère de Billy… Un flic qui se demande jusqu'où il peut aller pour que cette femme et son fils…
Dans ce lieu de désolation et de dégringolade, où l'espoir n'a plus trop sa place, je vous laisse en compagnie de personnages en fuite, tant physiquement que psychologiquement … vont-ils s'en sortir ? vont-ils se laisser couler ? se sacrifier ? fuir ? assumer ?
Un grand merci à Albin-Michel et Terres d'Amérique pour leur confiance et cette belle découverte.

Je voulais absolument terminer le roman avant le lancement de la série sur Canal+, le 25 novembre car je préfère toujours lire le livre avant de voir la série et non l'inverse (si je regarde la série je rajouterai un commentaire). Et ce qui est certain c'est que je vais me procurer l'autre roman de l'auteur, qualifié de chef d'oeuvre, « le Fils »
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Quand les usines qui, autrefois prospéraient, ferment, alors c'est toute une ville qui s'éteint et qui sombre peu à peu dans une misère sociale profonde et irrémédiable. La jeunesse a deux solutions : fuir et tenter de se construire un avenir ailleurs ou rester et… s'enfoncer.

Voilà l'ambiance générale de ce roman noir, qui dresse le portrait du rêve américain brisé. Aucun moment de douceur ou d'espoir, on y lit que détresse et dégringolade. Un petit temps d'adaptation est nécessaire pour s'habituer à la plume de l'auteur, violente, familière, brute. Un roman choral qui ne nous laisse apercevoir que peu de lumière. Les personnages sont bien construits et chaque chapitre a un style différent selon qui est concerné. Malheureusement pour moi, le personnage d'Isaac n'a pas réussi à me convaincre. J'ai essayé de toutes mes forces de ressentir un temps soit peu d'empathie pour lui mais je n'y suis pas arrivée. Sa façon de penser, de réagir ne m'ont pas convaincue. J'ai davantage apprécié Billy Poe, grâce à sa loyauté, son côté rustre et solide alors qu'il n'est finalement qu'un coeur solitaire. La vie de chacun, que ce soit les deux amis, Grace, Lee, Harris ou Henry est le miroir de la triste société dans laquelle ils vivent. C'est pesant, on ne peut même pas parler de désillusions puisque dès le départ, le ton est donné : ça ne va pas être la joie.

J'ai mis du temps à lire ce livre, beaucoup trop de temps je trouve. Difficile pour moi de m'y plonger avec envie, préférant parfois le laisser dans mon sac lors de ma pause déjeuner plutôt que de profiter de ce temps habituellement consacré à la lecture. J'y suis retournée certaine fois à reculons. Non pas que je n'ai pas été sensible à cette histoire, je pense simplement que ce n'était finalement pas le bon moment pour moi. J'ai eu le sentiment de m'enliser dans ce récit qui ne promet aucun avenir aux personnages.



Ce qui est cependant remarquable, c'est cette capacité à peindre une ambiance dénuée de tout bonheur dans cette petite bourgade d'Amérique brisée par une crise économique épouvantable. American Rust n'est absolument pas un ouvrage de distraction, il est avant tout une plongée dans les méandres d'une réalité bien trop peu exposée.

« Tu peux bien aller où tu veux, c'est toujours la même gueule que tu verras au réveil dans le miroir. »

J'ai lu énormément d'avis positifs au sujet de ce roman de Philipp Meyer, je les comprends tous et pourtant, j'ai ce sentiment persistant d'être passée à côté. Pourtant les nombreuses réflexions concernant des sujets aussi intéressants que dramatiques sont vraiment bien travaillées et parfaitement décrites. C'est un livre fort, poignant et difficile, je le reconnais mais malheureusement pour moi, il me manque quelque chose que je suis bien incapable d'identifier aujourd'hui. Comme je vous le disais, peut-être était-ce le mauvais timing? Ou bien est-ce les personnages? Je ne saurai répondre avec certitude.

Je reste cependant satisfaite d'avoir découvert ce livre édité il y a environ une dizaine d'années sous le nom de Un arrière-goût de rouille qu'Albin Michel a décidé de rééditer sous un nouveau nom avec une toute nouvelle traduction et qui va être d'ici quelques jours diffusé en adaptation série sur la chaîne au grand C. Je suis d'ailleurs assez curieuse et tentée par cette nouvelle série qui pourrait, qui sait, mettre en lumière les zones d'ombres que j'ai ressenti. Me montrer ce que je n'ai pas su voir, et peut-être me permettre de prendre conscience que je suis passée à côté de quelque chose d'énorme (ou pas…).
En bref

Une lecture assez longue, pesante et peu réjouissante dû à l'ambiance et aux nombreux sujets abordés. Une plume atypique, originale, qui colle parfaitement à l'intrigue. Des personnages brisés, les fantômes d'un passé pourtant prospère, un décors de désolation où la rivière est une sorte de fil rouge. Tout semble être lié à elle, le passé, les destins et toute cette histoire. A vous de voir si vous souhaitez la suivre ?

Lien : https://black-books.fr/2021/..
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Buell, petite ville du comté de Fayette dans la vallée de la Monongahela en Pennsylvanie a eu son heure de gloire, portée par l'industrie sidérurgique triomphante. La crise est passée par là, les fermetures et délocalisations aussi. « La stabilité sociale repose sur la stabilité de l'emploi, c'est aussi simple que ça ». Alors beaucoup sont partis ; d'autres sont restés.

Isaac English et son pote d'enfance Billy Poe font partie de ces enfants de la crise, restés au pays quand tant de jeunes le fuyaient. Études ou sport, les opportunités ne manquaient pourtant pas. Sens du devoir ou peur de l'inconnu, ils n'ont pas franchi le pas.

Mais un matin tout s'emballe pour Isaac et Billy. « Un jour au mauvais endroit », des mauvaises rencontres, une baston et un cadavre laissé sur le sol. Pour Billy, aux antécédents embarrassants, direction la prison. Pour Isaac, la fuite. Pour Lee, la soeur d'Isaac amoureuse de Billy, Grace la mère de Billy, et Harris, shérif local et amant de Grace, place à l'inquiétude, aux remords et à l'indécision sur l'attitude à adapter et le soutien à apporter.

American Rust de Philipp Meyer – ressorti dix ans après Un arrière-goût de rouille dans une traduction révisée de Sarah Gurcel – est un roman noir et social, dont l'apparente lenteur est à l'image de l'écoulement des journées dans cette Amérique délaissée et désespérée. Ceux qui y vivent rêvent d'un improbable avenir ailleurs, quand ceux qui y reviennent retrouvent dans leurs racines des vertus insoupçonnées.

Avec style et bienveillance, Meyer nous immerge dans une galerie de personnages abîmés, qui souffrent de failles profondes : Isaac et la mort de sa mère, sa dépendance à son père, son double imaginaire et courageux qui le porte dans son rebond ; Grace la mère courage, la maîtresse aimante, prête à tout et même qu'un « homme meure pour que vive son fils » ; Harris le gardien des âmes qui tente de maintenir malgré tout des équilibres disparus.

Et dans ce gâchis social et humain, une interrogation persiste : à qui la faute ? À celui qui a tué ? Celui qui a été défendu ? Celui qui a provoqué ? Ou bien aux parents ? À la société ? À la dérégulation économique sauvage ?

Un roman sombre et profond donc, qui m'aura cependant laissé un peu sur ma faim : car si cette exploration sociale de l'Amérique des oubliés pouvait être originale il y a dix ans, le thème a été depuis souvent traité (Offutt, Joy, Pochoda, Meno, Rash ou Farris Smith…), laissant parfois un goût daté ou de déjà vu à cette lecture.

Un sentiment heureusement compensé par la force d'un style qui m'a séduit et par l'heureux penchant de Meyer à relativisersa noirceur : « Rien de ce dont l'humanité était capable, même dans ce que la nature humaine avait de pire, rien ne durerait assez pour compter, c'est ce qu'enseignait le moindre cours d'eau, la moindre montagne : on avait beau polluer, on avait beau déforester, la nature se réparerait, les arbres vivraient plus longtemps que nous et certaines pierres survivraient même à la fin du monde. Tu l'oublies, des fois, tu commences à te laisser affecter par la laideur des hommes. Peu importe, ça aussi c'était éphémère, comme le reste ».
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ALERTE COUP DE COeUR !
J'ai passé un sublime moment de lecture avec American Rust, cette réédition du roman de Philipp MEYER traduit par Sarah Gurcel chez Albin Michel – Terres d'Amérique. Une lecture qui vous suit alors que la dernière page est tournée.
Tout d'abord, je souhaite attirer votre attention sur la couverture magnifique de laquelle émane toute l'essence du pur roman noir américain. Elle annonce déjà l'atmosphère du roman.
Ensuite, parlons un peu de l'histoire. C'est assez simple aux premiers abords. L'intrigue prend place dans une petite ville de Pennsylvanie qui fut un haut lieu de la sidérurgie mais complétement écroulée économiquement maintenant. Isaac et Poe sont 2 amis d'enfance de 20 ans dont les vies sont déjà bien riches en coups durs. A la suite d'un événement dramatique, leurs vies vont basculer.
Je n'en dis pas trop hein…
Les personnages sont époustouflants : il s'agit bien là des laissés pour compte de la déchéance de la Rust Belt. Modeste voire pauvre. Vivant de l'aide alimentaire et du braconnage. Certains sont partis et d'autres restent attachés sentimentalement à cette ville et entrent dans un mode de survie.
Chaque personnage est touchant à sa façon. Il n'y a rien de tout noir ou tout blanc. Et l'alternance des points de vue des personnages immerge complément le lecteur.
C'est une formidable histoire d'amitié, de liens familiaux et d'amour. Une ode à la rédemption. Des passages très violents ancrent le lecteur dans la réalité des faits et la folie y est dépeinte d'une façon très émouvante.
Une lecture que l'on vit pleinement. Les amateurs du genre seront ravis et pour les autres : plongez-vous dans cette atmosphère particulière.
Merci à Albin Michel – Terres d'Amérique pour cette formidable découverte et j'ajoute « le fils » de Philipp MEYER à ma wish-list.
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Bonjour à vous Bande de Lecteurs Fous aujourd'hui avec Alfred nous vous proposons de découvrir le roman de Philipp Meyer, AMERICAN RUST, aux Éditions Albin Michel, un roman de la collection Terres d'Amérique.


Au menu l'histoire d'une amitié improbable entre deux jeunes hommes dans une Amérique à bout de souffle et abattue. L'envie de partir, jusqu'à la mort d'un homme, et ensuite faire les bons choix, ou pas !


Bon alors Alfred, ceci est le premier roman de Philipp Meyer que je me suis faite une joie de découvrir. Et en plus d'une quatrième de couverture qui m'interpellait, j'étais aussi emballée par le fait de savoir que ce roman serait adapté en série.


Alors oui j'ai adoré l'histoire d'Issac et de Billy  Poe, les liens qui les unissent, les secrets et les petits rien qui font une vie. La lecture était plutôt fluide à l'image de la rivière que nous retrouvons tout au long de l'histoire.


 J'ai pris plaisir à découvrir l'Amérique profonde, fatiguée et marquée que nous dépeint l'auteur à travers des paysages magnifiques, dans un style d'écriture qui peut paraitre déroutant au début mais dont je suis me faite très vite. 


Déconcertant également le final qui m'a laissé sans voix, car je dois avouer que je ne sais pas si l'auteur laisse libre cours à l'imagination de son lecteur, ou bien si je n'ai tout pas compris. 


En bref mon Alfred, AMERICAN RUST est roman social très prenant et déroutant avec lequel j'ai pris beaucoup de plaisir. 

Et le mot de la fin que la Force soit avec vous et dans vos lectures ! N'hésitez pas à venir nous dire si vous avez lu ce roman ou si vous aimeriez le lire.



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