On a souvent un peu raison et un peu tort à la fois. Le révolté peut sans mal désigner les régions où sa colère a germé. Sa rancœur a des sources, toujours les mêmes, intarissables, comme la faiblesse humaine. Le fataliste a, lui aussi, constaté les flots ininterrompus de cette couardise. Il en a déduit l’inutilité de tenter de les endiguer. L’un croit que le mal n’existe que pour être combattu. L’autre le croit inévitable, consubstantiel à l’expérience humaine.
Parce qu’il est si personnel, j’ai attendu longtemps pour proposer ce texte au lecteur. Il s’agissait de ne pas me laisser définir par ces faits passés, de ne pas être la SDF qui écrit des livres. Je connais la société française et sa propension à enfermer les minorités en particulier dans les aspects dégradants — ou perçus comme tels — de leur trajectoire.
La nécessité d'éradiquer la misère doit obséder d'abord ceux qui vivent dans l'opulence.
Les Parisiens aiment dire merde à tout. C'est pour ça qu'ils ont des chiens.
Tout le monde sait où se trouve le fossé Tous les jours, on voit quelqu'un s'en approcher un peu trop près. On le regarde . De loin. Tendre la main, c'est déjà côtoyer l'abysse. Parfois cela arrive à ceux que l'on aime. Ça ne change rien. L'amour n'est pas toujours plus fort que la peur. Surtout celle-là de nos jours. La peur du déclassement. La terreur qu'inspire l'exclusion sociale.
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La confiance est toujours un risque.
Elles vaquent
au meurtre du temps.
Assassinat sans fin.
Crime toujours imparfait
car illusoire.
Le temps est impérieux
il est une distance à tenir
Une obligation d'endurance vaille que vaille.
Pas de péridurale
pour accoucher de soi.
Inutile de mourir pour disparaître. Il suffit de n’être rien pour personne.
Aujourd'hui comme hier, on peut entrer en France de façon tout à fait régulière et perdre le droit d'y résider. Les accidents de la vie poussent des personnes de toutes origines et conditions sociales dans le fossé de l'exclusion.
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