Citations sur Dans son silence (189)
D’ordinaire, elle travaillait pendant des semaines, des mois même avant d’entreprendre un nouveau tableau…
… Mais, cette fois, elle modifia radicalement son processus créatif. Elle termina la toile quelques jours à peine après la mort de son mari. Cela suffisait à l’estimer coupable. Retourner à l’atelier si vite après le décès de Gabriel trahissait un extraordinaire manque de sensibilité…
Le choix d'un amant et le choix d'un thérapeute sont deux processus assez proches. On doit se demander : est-ce que cette personne sera honnête avec moi, écoutera les critiques, admettra avoir commis des erreurs et ne promettra pas l'impossible ?
Le problème, c'est que nous sommes devenus tellement frileux que nous préférons avoir recours à la surmédication plutôt que prendre des risques. Il nous faut être assez courageux pour nous adapter à la folie, pour l'accueillir plutôt que d'essayer de l'emmurer.
[ entretien en milieu psy ]
- Eh bien, m'accueillit-il sans lever les yeux. Comment cela s'est-il passé ?
- Cela ne s'est pas passé, à proprement parler.
Il me regarda, perplexe. J'hésitai.
- Pour progresser avec elle, j'ai besoin qu'[elle] soit en mesure de penser et d'éprouver des émotions.
- Absolument. Et cela vous préoccupe parce que… ?
- Parce qu'il est impossible de communiquer avec quelqu'un à qui l'on administre de si fortes doses de médicaments. C'est comme si elle était sous l'eau.
[...] on confond souvent amour et feu d'artifice, passion et dysfonctionnement. Mais le véritable amour est très calme, très tranquille. Il est ennuyeux, comparé au tumulte de la passion. L'amour est profond, calme et constant.
(p. 128)
(...) une éminente psychiatre dans le domaine des violences sexuelles m'a dit un jour qu'en trente ans de travail avec des pédophiles elle n'en avait pas rencontré un seul qui n'ait été victime d'actes pédophiles. Cela ne signifie pas que tous les enfants victimes de violences sexuelles deviendront des agresseurs, mais il est impossible qu'un individu n'en ayant pas subi devienne à son tour agresseur. Personne ne naît mauvais.
Il est étrange de découvrir la vitesse à laquelle on s'adapte à l'univers étrange d'un service psychiatrique. On se familiarise avec la folie. Et pas seulement avec celle des autres, avec la sienne aussi. Nous sommes tous fous, je crois, d'une certaine façon.
Alicia est une sirène muette, mon garçon ; elle nous attire vers les rochers contre lesquels nos ambitions thérapeutiques se brisent.
- Je me sens assez souvent frustré pendant nos séances.
- Et en colère ?
- Oui, je suppose.
- Vous vous sentez comme un père frustré, qui s'occupe d'un enfant difficile ?
- Oui, je voulais lui venir en aide, mais je ne sais pas vraiment si elle veut qu'on l'aide.
Nous ne nous sommes plus adressé la parole de la soirée. Nous sommes allés nous coucher en silence.
Ce matin, nous avons fait l’amour et nous nous sommes réconciliés. Il semble que nous résolvions toujours nos problèmes sur l’oreiller. Cela paraît plus facile quand nous sommes nus et ensommeillés sous les couvertures de murmurer « pardonne-moi » et de le penser sincèrement. Toutes les défenses et les fausses excuses sont abandonnées en tas sur le sol avec nos vêtements.