Citations sur En rêvant à partir de peintures énigmatiques (8)
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Un oiseau qui traverserait des nuages, que des nuages traverseraient...
Tandis qu'il volerait les ailes étendues largement par-dessus les mers, non plus criant, perpétuellement affamé, mais devenu contemplatif...
Oiseau en plein ciel, traversé de ciels.
** Voir René Magritte « Le Retour », 1940, huile sur toile.
Maisons alignées.
Appliquées à la façade, debout, dos à la pierre,
à une certaine hauteur, en suspension sans
appui, immobiles, des hommes en rang, corrects,
habillés pour sortir, en pardessus et le chapeau
sur la tête, tous strictement semblables sauf
pour la taille. Il y en a trois.
Façades de maisons, façades d’hommes.
Aucun n’entre, ni ne sort. Pas en situation
pour entrer. Comme plaqués dessus ils
demeurent en surface. À part, les hommes !
Pas d’accueil dans la maison inhumaine,
mais qui affiche « hommes ».
Anonymes, gardant la distance, figés chacun
en son étroit espace régulier, qui ne doit pas
être réduit. Maintien à maintenir.
p.10
Deux nuages sont entrés dans la chambre, rôdent autour des meubles, mais sans insister, toujours nuages, toujours pour au-delà, pour absence, entre fenêtre et porte, distraits, pas apprivoisés, petits, véritables poussins de nuages, pas pour cela moins nuages, toujours dans leur espace, dans leur monde, éludant les relations comme l’œil du guépard dont, quoi qu’on fasse, on ne peut croiser le regard, qui toujours se porte au loin, attendant du lointain seul l’événement.
La lune, lassée d’être toujours derrière, cette fois se présente devant les arbres de la forêt, devant une maison isolée, toute naturelle, pas moins particulière, et faisant rêver, la même apparemment qui chaque mois refait ses éternelles figures qui se suivent sans surprise.
Rien autant que le banal ne peut être support pour l’insolite.
Occupant le tableau presque entier, une contrebasse, la contrebasse, au corps considérable, à l’allure pleine de suffisance, marquée de deux grandes virgules, ou clefs.
Fermé à la nature, aux voix de l’audace, ou aux voix de l’impossible, ce gros, ce borné, ce duc parmi les instruments repose sur un faux-col.
Un canal. La rue tranquille, plombée,
en attente... comme quand il n’y a plus
rien à attendre.
Les fenêtres pareilles, puritaines, fermées,
des fenêtres à se jeter par la fenêtre...
p.23
Deux nuages sont entrés dans la chambre,
rôdent autour des meubles, mais sans insister,
toujours nuages, toujours pour au-delà,
pour absence, entre fenêtre et porte, distraits,
pas apprivoisés, petits, véritables poussins
de nuages, pas pour cela moins nuages,
toujours dans leur espace, dans leur monde,
éludant les relations comme l’œil du guépard
dont, quoi qu’on fasse, on ne peut croiser le
regard, qui toujours se porte au loin, attendant
du lointain seul l’événement.
Tableau plein, mais qui vide, négateur qui
pourtant prolonge, traître qui défait ce qu’il
apporte, ayant malignement introduit celles-là
même qui rendent « absent », les cotonneuses
présences des espaces aériens.
p.9