AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Vies Minuscules (91)

La morgue ouvrait aussi sur cette cour : parfois sous un drap une forme couchée passait, dont les brancardiers plaisantaient par la fenêtre ouverte avec les malades : je n'étais pas sous ce drap, mes yeux voyaient l'été, j'avais loisir de parler des morts. Je conserve de ces jours un souvenir d'enchantement profond. Je lisais le Gilles de Rais, (...). Je pensais à l'été vendéen qui calcinait à cette heure les ruines de Tiffauges, aux hautes herbes pareilles à celles qu'avait foulées l'Ogre, jadis, aux rivières d'argent bordées d'arbres tendres sous lesquels il avait pleuré, de repentir et d'horreur. Rien, pour lire cette histoire, ne me convenait mieux que la proximité des chairs souffrantes dans les draps pâles, sous le rire vainqueur de juillet : la bêtise conquérante des infirmières me faisait absoudre Gilles; la patience angélique de certains moribonds me le faisait maudire.
Commenter  J’apprécie          40
Je découvrais les livres, où l'on peut s'ensevelir aussi bien que sous les jupes triomphales du ciel. J'apprenais que le ciel et les livres font mal et séduisent.
Commenter  J’apprécie          170
Mon avenir s'incarnait, et je ne le reconnaissais pas ; je ne savais pas que l'écriture était un continent plus ténébreux, plus aguicheur et décevant que l'Afrique, l'écrivain une espèce plus avide de se perdre que l'explorateur ; et, quoiqu'il explorât la mémoire et les bibliothèques mémorieuses en lieu de dunes et forêts, qu'en revenir cousu de mots comme d'autres le sont d'or ou y mourir plus pauvre que devant - en mourir - était l'alternative offerte aussi au scribe.
Commenter  J’apprécie          20
Marianne n’était pas un lecteur de roman; la leurrer était sans noblesse: elle m’envoyait chaque jour des lettres brûlantes, elle avait foi en moi, elle n’avait consenti à cette séparation, pour elle si douloureuse, qu’afin que j’écrivisse.
Commenter  J’apprécie          20
Il était tout autre, Roland, et pourtant si semblable; déraisonnable aussi certes, mais sa déraison n’avait rien du panache voyou, de la gouaille un peu morose, maboule, qui forçait en Rémi l’admiration des gosses; son extravagance était plus pure, abrupte et comme indigente: pas de colifichets, collections pittoresques ou coups d’éclat séditieux; rien de monnayable dans les codes enfantins, rien dont il pût s’enorgueillir, se faire un public, mettre de son côté les rieurs, c’est-à-dire tous. Il lisait des livres.
Commenter  J’apprécie          20
Or le père aimait son lopin : c’est-à-dire que son lopin était son pire ennemi et que, né dans ce combat mortel qui le gardait debout, lui tenait lieu de vie et lentement le tuait, dans la complicité d’un duel interminable et commencé bien avant lui, il prenait pour amour sa haine implacable, essentielle.
Commenter  J’apprécie          40
mon avenir s'incarnait, et je ne le reconnaissais pas; je ne savais pas que l'écriture était un continent plus ténébreux, plus aguicheur et décevant que l'Afrique, l'écrivain une espèce plus avide de se perdre que l'explorateur; et, quoiqu'il explorât la mémoire et les bibliothèques mémorieuses en lieu de dunes et forêts, qu'en revenir cousu de mots comme d'autres le sont d'or ou y mourir plus pauvre que devant - en mourir - était l'alternative offert aussi au scribe.
Commenter  J’apprécie          20
N'étions -nous pas au même titre de malheureux usagers des mots, par nous trop peu savamment maniés pour qui devinssent à notre usage l'arme souveraine qui toujours atteint son but, pour lui la débâcle d'une chair et pour moi le bouclage d'un livre? Lui échappait la chair blanche, les feuillets toujours blancs de mon livre hélas inabordable ne m'échappaient pas moins;
Commenter  J’apprécie          20
Je convoquais des lieux invisibles et nommés. J découvrais des livres, où l'on peut s'ensevelir aussi bien que sous les jupes triomphales du ciel. J'apprenais que le ciel et les livres font mal et séduisent. Loin des jeux serviles, je découvrais qu'on peut ne pas mimer le monde, n'y intervenir point, du coin de l'oeil le regarder se faire et défaire, et dans une douleur réversible en plaisir, s'extasier de ne participer pas : à l'intersection de l'espace et des livres, naissait un corps immobile qui était encore moi et qui tremblait sans fin dans l'impossible vœu d'ajuster ce qu'on lit au vertige du visible. Les choses du passé sont vertigineuses comme l'espace, et leur trace dans la mémoire est déficiente comme les mots : je découvrais qu'on se souvient.
Commenter  J’apprécie          30
Qu'est-ce donc que quelques années encore de vie, quand on est riche de tant de pertes ?
Commenter  J’apprécie          110






    Lecteurs (1730) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1744 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}