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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La Crucifixion en Rose (tout rapprochement à faire avec le concept de Téléphone Rose serait fortuit…) est une oeuvre de grande envergure qui s'ouvre avec un premier volume intitulé Sexus (ici encore, le titre est explicite). Cette trilogie prétend être la somme de l'existence de Henry Miller. En réalité, on comprendra qu'il ne s'agit que d'une somme sélective, bien loin de rappeler tous les évènements de la vie de l'écrivain. Les morceaux mis en premier plan sont surtout ceux qui permettent au livre de mériter son titre.

Ainsi, les premières pages nous présentent un Henry Miller qui ne semble pas être du premier âge –en tout cas pas pour un homme qui prétend écrire le récit complet de son existence. L'écrivain n'est encore qu'un écrivaillon, certes, mais il est déjà marié à Maude –une femme qu'il s'empressera de tromper sitôt nommée dans les pages du livre- et père de plusieurs enfants –qui ne seront évoqués qu'à une ou deux reprises, lorsqu'ils apparaîtront comme des empêcheurs de baiser en rond. Existence monotone dont les origines ne méritent pas d'être évoquées ? Henry Miller marque le début de sa véritable existence avec la rencontre de Mara, une jeune femme simple, complètement insouciante et volage –bien loin de l'hystérique Maude qui, entre pudibonderie et nymphomanie, incarne aux yeux de Miller le prototype de la femme dégénérée. Pourtant, il y reviendra, partagé entre le dégoût et le désir insatiable de se fourrer dans tout ce qui possède des attributs féminins. D'ailleurs, Miller ne se contente ni de Maude, ni de Mara, aussi satisfaisantes que puissent (parfois) être l'une ou l'autre. Rappelons qu'il convient d'honorer le titre du livre… Cinq pages ne s'écoulent pas sans que Henry Miller ne soit assailli par des pensées, des pulsions ou des envies qui lui fassent aussitôt dresser le mât. Lorsqu'il passe à l'acte, il se fait plaisir, aussi bien dans l'acte physique en lui-même que dans les souvenirs qu'il en conserve et qu'il retranscrit par la suite dans de longues pages regorgeant de précisions sensitives. Certains passages sont crus, mais parviennent mal à dissimuler la joie fanfaronne ressentie par Miller à l'idée de se répandre dans une écriture sciemment provocante. Ce côté narquois est parfois agaçant mais Miller est irréprochable : il réussit à représenter la réalité des relations sexuelles dans ce qu'elles ont de plus terre-à-terre, que cela soit plaisant pour lui-même et le lecteur ou non.


« Quand je revins au supplice, j'avais l'impression que ma pine était faite de vieux bouts d'élastique. Tous mes nerfs étaient morts, à cette extrémité ; c'était comme si j'avais enfoncé un morceau de suif raide dans un tuyau d'écoulement. Par-dessus le marché, la batterie était complètement à plat ; s'il devait arriver quelque chose, cela relèverait de la noix de galle, de la teigne, de la goutte de pus dans une solution d'émincé de cancoyote. Ce qui m'étonnait, c'est que ça continuait à se tenir levé comme un marteau ; ça avait perdu toute apparence d'outil sexuel ; ça vous avait un air écoeurant de machin-truc bon marché droit sorti du prisunic, de fragment d'engin de pêche brillamment coloré…moins l'appât. Et sur ce machin-truc, éclatant et glissant, Mara se tortillait comme une anguille. »


En refusant toute complaisance dans la description des relations qui unissent plus généralement les hommes –en dehors du seul cadre des relations sexuelles-, Sexus apparaît comme un livre qui sonne juste, loin de toute naïveté hallucinée. Publié pour la première fois en 1949, on sent que cette mise à mal de toutes les conventionalités qui régissent habituellement les rapports humains permet également de justifier l'attrait évident que Miller ressent pour l'esprit d'émancipation qui commence à bourgeonner au milieu du siècle passé. En cherchant à revendiquer l'expression libérée et totale de son être, Miller en vient paradoxalement à perdre toute singularité, devenant seulement un des étendards de l'opposition aux normes de son époque. Son comportement, à présent, pourrait être rapproché de la bannière trop connue du « Sexe, drogue et rock'n'roll ». On ne peut pas reprocher à Miller d'avoir anticipé le succès de masse de ce mode de pensée ; il n'empêche, il avait vu faux en pensant qu'il suffirait à lui seul à permettre l'épanouissement des « rejetés de la société bien-pensante ».



Sexus redevient singulier lorsque, entre deux parties de jambes en l'air avec l'une ou l'autre des femelles de son entourage, et une bravade adressée à l'ordre établi (maudit soient le travail et la famille, destructeur de la pure innocence de mon âme préservée !), Miller s'interroge sur son obsession des mots et de l'écriture. Les questions ne sont pas nouvelles : qu'est-ce qui nous pousse à écrire ? quelle absence, quel manque cherchons-nous à pallier à travers l'utilisation des mots ? Les réponses apportées par Miller semblent être le fruit d'une longue maturation. C'est à ce moment-là où l'écrivain se retire de l'action frénétique –sorte de réaction de terreur dans laquelle on le sent obligé de prouver au lecteur qu'il est bien cet homme émancipé qu'il rêve d'être- qu'on sent enfin émerger une individualité à part entière, faite de réflexions et d'expériences singulières. Enrichis de ces passages qui nous permettent de prendre conscience que Miller ne se dupe pas quant à son art, on apprécie alors à leur juste valeur les moments au cours desquels la prose de l'écrivain s'emballe dans des descriptions burlesques et sordides. On n'est jamais loin de l'émerveillement, tant les images que convoque Miller interpellent l'imaginaire du lecteur.


« Nous étions maintenant allongés au creux d'une dune de sable suppurante, à côté d'un lit d'herbes puantes et onduleuses, au bord sous le vent d'une route macadamisée, sur laquelle les émissaires d'un siècle de progrès et de lumières roulaient, dans ce fracas familier et sédatif dont s'accompagne la plane locomotion de ferblanteries à cracher et péter, étroitement tricotées à coups d'aiguilles en acier. le soleil se couchait à l'Ouest comme d'habitude, dans le dégoût cependant, et non dans la splendeur et le rayonnement –pareil à une omelette somptueuse noyée dans des nuées de morve et de glaires catarrheux. C'était le décor idéal pour scène d'amour, tel qu'on le vend ou le loue dans les drugstores, relié cartonné, bonne petite édition de poche. »


En 668 pages, l'écrivain évoque seulement un tiers de ce qu'il juge convenable d'appeler son « existence ». Cette densité tient aux détails et aux anecdotes dont Miller se répand dans un souci d'hyperréalisme qui pousse au voyeurisme.

Plexus et Nexus se profilent à la suite de ce premier volume… Ce serait sans doute risqué de se jeter tout de suite dessus –risque de saturation. Il n'empêche, Henry Miller a réussi à susciter suffisamment d'intérêt pour nous donner envie de le retrouver dans les volumes suivants de la Crucifixion en rose, même s'il faudra sans doute attendre un certain temps afin que l'assimilation de ce premier volume se fasse dans son intégralité…

Lien : http://colimasson.over-blog...
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A conseiller aux adolescents de ce début de millénaire obscur. Une bien meilleure initiation aux joies du sexe que les pornos du net...
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Premier volet d'une trilogie indispensable, Sexus est un pseudo-roman nous racontant le parcours sexuel d'un artiste qui n'en est pas encore véritablement un (lui manque juste l'oeuvre - mais comme nous l'explique merveilleusement l'auteur - p 185 à 189 -, c'est moins l'oeuvre que sa condition qui fait d'un homme un artiste). Ici l'histoire n'est prétexte, semble-t-il, qu'à la confidence de pensées métaphysiques sur l'Art, le rapport de la société au sexe et dans une moindre mesure son rapport avec l'Amour. Mais c'est avant tout une oeuvre autobiographique où chacun jugera de ce qu'il sera bon de conserver et d'appliquer à soi : quelle importance accorder au regard des autres lorsqu'on aime une femme, jusqu'on peut-on aller pour dire à cette femme qu'on l'aime du plus profond de notre chair, qu'attend réellement une femme de la part d'un homme, la tromper sexuellement sans la quitter n'est-ce pas aussi lui prouver à quel point on l'aime, ne pas la comprendre entièrement signifie-t-il vraiment quelque chose, une femme qui s'abandonne sexuellement et complètement à vous ne mérite-t-elle pas d'être aimée... ? Autant de questions qui bousculent les clichés et l'ordre établi sur la manière de se comporter sexuellement, voire affectivement, dans notre société actuelle. Loin du romantisme contemporain exacerbé et finalement fabriqué, une réflexion qui risque de laisser des traces. En tous cas une histoire bien plus passionnante que les mièvreries dont nous avons coutume de voir perpétuellement remplies les librairies (la mondialisation de la culture est en marche), même si certains passages tournent effectivement parfois à la pornographie et qu'on ne peut croire que tout cela soit totalement "vrai".
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Je ne vais pas me lancer dans une analyse sur l'oeuvre d'Henry Miller mais j'ai l'impression, à la lecture de Sexus, qu'il y a quelque chose de fondamental. L'auteur a beaucoup mis de lui dans ce récit. Il fait partie de ces écrivains qui se sont servi d'eux-même comme personnage étalonne leur société.

À travers un récit à la première personne, Henry Miller fait de lui, son oeuvre d'art littéraire. Sexus, premier tome de la trilogie La crucifixion en rose, nous raconte, sans filtre apparent, la naissance de l'écrivain qu'il est devenu.

Personnellement, j'aime les auteurs qui s'affranchissent des conventions, de la pruderie, de la bien-pensance et qui écrivent ce qu'ils ont dans le ventre sans se demander ce qu'en pensera le lecteur (ou la censure). Dans le genre Henry Miller est allé loin, surtout sur le sexe. du coup, censure. Et le sexe n'est-ce pas le dernier bastion d'auto-censure? Quand on songe à toute la violence qui s'étale dans les livres, digne des plus grands psychopathes, sans qu'un pénis se dresse.
La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/sexus-l..
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Autobiographie d'Henry Miller (tome 1 sur 3 de la Crucifixion en rose), ce livre est un hymne à la vie. L'auteur critique la société de consommation, le modernisme, le travail. Alors quel alternative ? Employé dans une entreprise télégraphique « cosmococcyque » - ne chercher pas le sens -, Miller se dit écrivain. Dans le livre il ne nous raconte pas son travail d'écriture, pourtant, subtilement, l'oeuvre est en cours, devant nous.

L'ouvrage est un long plaidoyer pour la vie d'artiste, dont le statut est difficile, mais la tâche noble. Vivre en tant qu'artiste demande beaucoup de sacrifice, ne pas faire comme tout le monde. D'un autre côté Miller est tout le temps en train de quémander des dollars. On se demande ce qu'il fait de son fric – de son salaire d'employé -, il le dépense en viré nocturne, restaurant, bamboula. Peu de gens prenne ce chemin qui n'est pas celui de la facilité, d'une vie rangée. Au contraire, selon lui le monopole du travail « reviens de droit aux abrutis ».

Dans un mémorable paragraphe, Miller se lance dans un plaidoyer pour la création qui est à l'opposé du travail selon lui. L'auteur s'interroge sur le processus créatif, d'où vient l'inspiration romanesque.

Le livre est entrecoupé de scène de sexe plutôt cru, surtout pour l'époque (1949). Ces scènes témoignent de l'impérieux besoin de vivre de Miller, sans contrainte, de façon anarchique. Il quitte sa femme pour sa maîtresse mais a besoin de sauter sur tout ce qui bouge. Même quand le décor est carrément glauque (femme alcoolisé, prostituée, scène scatologique etc) il penses encore au sexe.

Pendant ce temps il ne s'occupe pas de sa fille. Si elle est cité plusieurs fois, il ne s'intéresse jamais à elle.

C'est une oeuvre que l'on vit physiquement, forte en intensité et en émotion. L'allusion au corps est souvent présente, Miller vit, mais ses observations cherche à le faire grandir, il tutoie dans certains passages une forme de spiritualité jamais vraiment atteinte. Sa philosophie, semble t-il penser, c'est sa vie d'homme libre.

Certains trouverons Miller antipathique, macho, pourtant on s'attache facilement au personnage. On ne le plaindrait pas, mais ses réflexions sur la vie sont parfois d'une grande profondeur. le rêve, synonyme de création est omniprésent. Parfois on se demande si Miller n'en rajoute pas, s'il ne fantasme pas. Alors ouvrage autobiographique ou surjoué ? Un roman c'est la liberté, alors ne doutons pas que s'il en a rajouté, il n'a pas tout dit...

Au niveau du style et de l'atmosphère, l'ouvrage ressemble à Voyage au bout de la Nuit (Céline), mais avec une toute autre histoire à raconter.
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Il commence fort. Dès le premier paragraphe, il m'a eu. Tout mette en jeu comme il l'a bien écrit, l'enjeu est nul car l'estime de lui-même se résume en deux mots : un raté. Ainsi, le voyage commence. Une quête de la belle. Celle qui vous empoisonne, vous obsède. C'est elle la bonne, l'unique. Elle vous rendra heureux, vous sortira de vos basques et surtout elle consolera vos chagrins. Tout cela, n'est que fantasme car la réalité n'est tout autre. L'image du paumé est bien dépeint ici, pas de fric, une obsession pour une fille de joie dont il rêve et se projète même dans un futur imaginaire, le héros cherche sa plume et son obsession est d'y arriver à pondre un livre ou même écrire quelque chose dont ses amis se réjouiront. le début du livre est morcelé d'hésitation dont un écrivain peut ressentir. le héros vagabonde d'un coin à autre sans aucun sens comme un auteur qui en quête du fil conducteur. le style est présent et le ton aussi, il y a tout pour vous reconnaitre en ce héros, ce héros qui cherche sa belle et qui sait quoi d'autre pour le satisfaire et finir par apporter une réponse à sa question : suis-je capable d'écrire un bon livre ?
Après une bonne rasade d'alcool, il se met à écrire un texte très bon. Qui peut savoir, est-ce à cause de l'alcool, l'écrivain réussi à se libérer et chier une bonne bouse ou c'est vraiment parce qu'il est comme le paumé chanceux, à qui la fin de la journée un coup de vent lui apporte une pincée d'épices pour un bon plat improvisé. L'écrivain à en devenir, à l'image de l'auteur, n'hésite pas à se comparer à des personnages de romans connus et à des auteurs qu'il admire : Kafka, Dostoïevski, Whitman et plein d'autres. Il y a dans sa quête une bonne dose de Pedro Juan Gutiérrez, un apprenti de Gutiérrez plutôt. Quelques anecdotes semées par-ci et par-là rappellent la touche du maître. Un écrivain frustré par ses ratés et son manque d'investissement dans une quête plus sérieuse, il va même chercher le soutien auprès d'amis qu'il n'hésite pas à rabaisser dès qu'on tourne la page. Parfois, il arrive à cracher un bon jet. Et d'autres fois, il chie de la merde. Ce livre, bien écrit, vous donnera le goût de lire de bout en bout et surtout chercher le beau dans toute chose. Miller explore l'inconnu et dépeint son histoire avec humour et plaisir, parfois se laisse aller, comme un hommage à ses maître, dans un réalisme sale mais ficelé de bout en bout pour sentir le goût des choses.
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Pas (si) amoral ou immoral, pas (si) vicieux, pas (si) pervers.
Certes des idées et actes pas toujours conventionnels, mais surtout un vrai écrivain, et un roman puissant. A lire, une fois (au moins) dans la vie.
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