Citations sur La crucifixion en rose, tome 2 : Plexus (67)
L’être supérieur n’est pas, comme je le supposais jusque-là, plus lointain, plus détaché, plus abstrait. Bien au contraire. Seul l’être supérieur peut susciter en nous la soif qui se justifie, la soif de nous surpasser nous-mêmes en devenant ce que nous sommes véritablement. En présence de l’être supérieur, nous reconnaissons nos propres pouvoirs majestueux, nous n’aspirons pas à être cette personne, nous avons seulement soin de nous démontrer à nous-mêmes que nous sommes faits en vérité de cette même essence et cette même substance.
Manger est merveilleux, mais être mangé est un régal qui passe la description. Peut-être est-ce un autre, un plus extravagant genre d’union avec le monde extérieur. Une sorte inversée de communion. »
Lorsque l’homme, avec son pitoyable sens de la relativité, regarde dans le télescope et s’émerveille de l’immensité de la création, il entend confesser qu’il a réussi à ramener l’illimité au limité. Il acquiert, pour ainsi dire, un bail optique sur la grandeur infinie d’une création qui lui est insondable. Qu’importe s’il réussit à amener mille univers dans le foyer de son télescope microscopique ? Le processus d’agrandissement ne fait que rehausser le sens de la miniature. Mais l’homme se sent, ou prétend se sentir, davantage chez lui dans son petit univers, quand il a découvert ce qui se situe au-delà de ses limites. La pensée que son univers peut ne pas être plus grand qu’un infime corpuscule sanguin, cette pensée le transporte, berce son angoisse désespérée.
Certes, la Bible disait : « Demandez et il vous sera donné, frappez et il vous sera ouvert », mais on ne devait pas inférer de ces paroles qu’on n’avait qu’à cesser de travailler et devenir un mendigot.
Mais si nous étions véritablement humains, nous serions capables de toute chose, prêts à toute exigence, instruits de toutes les conditions de l’être. Nous devrions nous rappeler chaque jour, répéter comme une litanie, que notre être recèle la gamme complète de l’existence. Nous devrions cesser d’appeler à l’aide et en donner. Nous devrions cesser d’adorer et inspirer l’adoration. Par-dessus tout, nous devrions cesser de différer l’acte de devenir ce que nous sommes en fait et par essence.
Si je prenais le trolley ou le métro, je lisais debout, même à l'extérieur, sur la plate-forme du train aérien. En descendant du métro je continuais à lire.....lire les visages, lire les gestes, les démarches, l'architecture, les rues, les passion, les crimes. Tout, oui, tout, était noté, analysé, comparé et décrit-pour usage future.Etudiant un objet, un visage, une façade, je les étudiais de la manière dont ils devaient être consignés (plus tard) dans un livre, y compris les adjectifs, les adverbes, les prépositions, les parenthèses, que sais-je encore. Avant même que je n'eusse ébauché le plan de mon premier livre, mon esprit foisonnait de centaines de personnages. J'étais un livre ambulant...
Être embrasé d’esprit (qui est vie), irradier une joie éternelle, être serein au-dessus du chaos du monde et pourtant faire partie du monde, être humain, divinement humain, plus proche que n’importe quel frère –d’où vient que nous n’aspirons pas à être ainsi ?
L’argumentation n’est que de la poudre aux yeux. Le pape, Darwin, les kangourous –vous avez tout entendu. Ça n’a jamais aucun sens, de quoi ils parlent. Hier, c’était les travaux hydrauliques et comment guérir la constipation. Le jour d’avant, c’était la rébellion de Pâques. Le tout mêlé d’un tas de crottin de cheval –la peste bubonique, la révolte des Cipayes, les aqueducs romains et les plumes de cheval. Des mots, des mots… Ça me rend des fois marteau. Chaque nuit je discute dans mon sommeil. Le diable, c’est que je ne sais pas de quoi je discute. Exactement comme eux. Même mon jour de repos est fichu.
Je ne suis pas seul. Je suis au milieu d’autres solitaires. Et chacun de nous parle son propre langage unique ! C’est comme la rencontre de dieux éloignés, chacun enveloppé dans l’aura de son propre monde incompréhensible.
De loin en loin, je rencontrais un être à qui je sentais pouvoir me donner entièrement. Hélas ! ces êtres n’existaient que dans les livres. Ils étaient pis que morts pour moi : ils n’avaient jamais existé autrement qu’en imagination. Ah ! quels dialogues je menais avec les fantômes d’esprits parents ! Colloques fouillant l’âme, dont pas une ligne n’a jamais été enregistrée.