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Critique de jvermeer


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Ce curieux roman d'Octave Mirbeau « Dans le ciel » fut publié sous forme de feuilleton dans l'Écho de Paris en 1892-1893. Il faudra attendre seulement 1989 pour que le volume paraisse sous forme de roman.
Ce récit inachevé laisse une étrange impression de confusion. Mirbeau traverse une période difficile dans sa vie de couple, il doute sur sa carrière littéraire, et connaît des problèmes existentiels. le mal-être de l'écrivain en cette année 1892 se ressent physiquement dans ce roman sombre et pessimiste. Je n'ai pu m'empêcher de penser au livre d'Emile Zola « L‘oeuvre » paru 6 ans plus tôt qui contait lui aussi l'histoire d'un peintre Claude Lantier, en échec, qui finit par se pendre devant sa dernière oeuvre gigantesque.

Dans la seconde partie du roman l'auteur fait intervenir un narrateur, Georges, écrivain raté, qui est attiré par un jeune peintre halluciné, Lucien, dont le suicide dramatique terminera le livre. Cette partie du livre est, à mes yeux, la plus intéressante.
Il est évident que Lucien est largement inspiré de Vincent van Gogh décédé deux ans plus tôt en juillet 1890. À l'écriture du livre Octave Mirbeau venait d'acheter « Les iris » et « Les tournesols » de van Gogh. Il met en scène la tragédie de l'artiste moderne en décrivant les difficultés rencontrées par les peintres avant-gardistes de l'époque qui sont condamnés devant l'incompréhension rencontrée et leur idéal artistique qui se dérobe à une souffrance continuelle se terminant parfois par la mort.

Connaissant très bien la correspondance des dernières années de van Gogh, j'ai été tenté de faire des comparaisons entre les phrases des deux écrivains. le lyrisme est semblable.

— Mirbeau : « Un champ de blé immense, sous le soleil, un champ de blé dont on ne voyait pas la fin, et un tout petit faucheur, avec une grande faux, qui se hâtait, se hâtait, en vain, hélas! car on sentait que jamais il ne pourrait couper tout ce blé et que sa vie s'userait à cette impossible besogne, sans que le champ, sous le soleil, parût diminuer d'un sillon. »
— Vincent – septembre 1889 sur sa toile « Champ de blé avec faucheur » : « Je lutte avec une toile, un faucheur, l'étude est toute jaune, terriblement empâtée, mais le motif était beau et simple. J'y vis alors dans ce faucheur – vague figure qui lutte comme un diable en pleine chaleur pour venir à bout de sa besogne – j'y vis alors l'image de la mort, dans ce sens que l'humanité serait le blé qu'on fauche. C'est donc - si tu veux - l'opposition de ce semeur que j'avais essayé auparavant. Mais dans cette mort rien de triste, cela se passe en pleine lumière avec un soleil qui inonde tout d'une lumière d'or fin.

— Mirbeau : « Elle est admirable, la nature... admirable en ceci – écoute moi bien – qu'elle n'existe pas, qu'elle n'est qu'une combinaison idéale et multiforme de ton cerveau, une émotion intérieure de ton âme !... »
— Vincent - Février 1890 : « Les émotions qui me prennent devant la nature vont chez moi jusqu'à l'évanouissement… N'est ce pas l'émotion, la sincérité du sentiment de la nature qui nous mène, et ces émotions sont quelquefois si fortes qu'on travaille sans sentir qu'on travaille, lorsque quelquefois les touches viennent avec une suite et des rapports entre eux comme les mots dans un discours ou dans une lettre. »

— Mirbeau : « Les arcs constellés des ponts réfléchissaient dans l'onde leurs lumières qui serpentaient en zigzags tronqués et mouvants, ou bien s'enfonçaient en colonnades incandescentes, dans des profondeurs infinies, dans des ciels renversés, couleur de cuivre. »
— Vincent – septembre 1888 sur la toile « Nuit étoilée sur le Rhône » : « Lorsque tu y feras attention tu verras que de certaines étoiles sont citronnées, d'autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis. »... « La ville est bleue et violette, le gaz est jaune et ses reflets sont or roux et descendent jusqu'au bronze vert. Sur le champ bleu vert du ciel, la Grande Ourse a un scintillement vert et rose, dont la pâleur discrète contraste avec l'or brutal du gaz.

— Mirbeau : « Ah ! je ne sais pas ce que je voudrais... Mais je sens qu'il y a quelque chose de plus beau, peut-être, de plus grand que l'art... l'amour ! »
— Vincent – septembre 1888 : « plus j'y réfléchis plus je sens qu'il n'y a rien de plus réellement artistique que d'aimer les gens. »


Nous avons affaire à deux grands écrivains : Vincent van Gogh et Octave Mirbeau. Mirbeau était aussi critique d'art. Dans les deux cas, la qualité littéraire est la même.
D'autre part, Octave Mirbeau partageait avec « le suicidé de la société », expression d'Antonin Artaud désignant Vincent van Gogh, une exigence, une intransigeance, et un certain goût de l'absolu.
Grand admirateur du peintre, Octave Mirbeau contribuera à faire connaître son oeuvre.

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