Il serait tentant de penser que
La onzième plaie n'est rien d'autre qu'un énième thriller mettant en avant la pédophilie pour des raisons bassement commerciales.
Vous seriez alors très loin du compte.
Ici, la pédophilie n'est pas un prétexte pour écrire un polar. C'est le propos même du livre, qui se trouve être un roman policier se situant aux frontières du thriller et du roman noir, avec même une dose d'anticipation. Ce sujet délicat est d'ailleurs traité par
Aurélien Molas sans concession. Si certaines scènes peuvent être difficiles à lire, l'auteur ne verse jamais dans la surenchère et les passages les plus délicats ne sont jamais proposés au lecteur gratuitement.
En revanche, cela n'empêche pas les ingrédients du genre d'être au rendez-vous. Mieux,
Aurélien Molas en fait un très bon usage, les mariant avec talent. du début à la fin, le suspense est omniprésent et les rebondissements très nombreux. Après coup, lorsqu'on se rend compte que l'auteur nous a mené en bateau à chaque fois qu'il le voulait, on a du mal à croire qu'il s'agit là seulement d'un premier roman.
Kolbe, Broissard, Léo, Blandine. Ces personnages ont un point commun : ce sont des policier pour qui leur métier est bien plus qu'un gagne-pain. Il s'agit pour eux quasiment d'une raison de vivre et ils y mettent toute leur énergie, sans compter leurs heures ou leurs nuits blanches. Humains, faillibles, fragilisés, voire traumatisés : ils sont intéressants, et même particulièrement attachants pour certains. J'ai beaucoup aimé le personnage de Léo, un jeune policier qui fait de la chasse aux pédophiles une question personnelle. Doué devant un écran, il utilise au mieux les nouveaux outils informatiques pour traquer les cybercriminels.
Le roman, qui se déroule dans un futur très proche montre Paris en proie à de terribles émeutes, lesquelles tournent presque à la guerre civile. Les exclus et les mécontents en tous genre se rassemblent pour mettre la ville sans dessus dessous. Les voitures sont brûlées. Les forces de l'ordre, en qui plus grand monde ne croit, sont agressées, ce qui rend plus difficile encore la tâche de nos enquêteurs, avec qui beaucoup ne souhaitent pas collaborer. Ainsi, interroger les habitants de quartiers « sensibles », comme la Cité des 4000 à La Courneuve, devient une mission quasiment impossible tant les risques encourus par les policiers sont importants.
Malheureusement, quand on voit ce qui se passe en ce moment dans ces fameuses ZUS (zones urbaines sensibles) où le taux de chômage des jeunes hommes est proche de 45%, on en vient à se dire que les scènes décrites par l'auteur pourraient très bien se retrouver sous peu dans les journaux télévisés.
Quoiqu'il en soit,
Aurélien Molas signe avec
La onzième plaie un premier roman marquant qui, espérons-le, en appellera d'autres. Cet excellent polar mérite largement d'être lu, autant pour son propos que pour l'efficacité de son intrigue.
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