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Citations sur La cage dorée (8)

En me changeant au milieu des autres filles de mon cours, j’écoute distraitement les conversations. Elles parlent de garçons, de bars et de boîtes de nuit, de leurs études. Mais surtout de garçons. La manière parfois très crue dont certaines relatent leurs conquêtes me choque un peu, par moments. Je me demande ce que ça doit faire comme effet d’avoir une attitude normale envers les hommes, de ne pas redouter leurs attentions, de se sentir libre d’accepter leurs avances, de ressentir du désir. Tout cela m’est totalement étranger. J’observe le ballet de la vie autour de moi de derrière la vitre opaque de ma souillure. Je suis irrémédiablement différente, marquée par le sceau invisible de la honte et du secret, incapable de me lier intimement à qui que ce soit, ne serait-ce que pour avoir une amie. Ce serait trop risqué. Comment expliquer pourquoi je ne peux pas sortir ? Comment expliquer que je n’ai jamais eu de petit ami, et que je n’en veux pas ? Ma vie n’est qu’un vaste mensonge, un vaste secret honteux, que je ne peux partager avec personne, même si j’en avais envie, ce qui n’est pas le cas.
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Ma tension intérieur grandit à mesure que je m'approche du grand appartement que mon père et moi partageons dans le 16e arrondissement. Les battements de mon coeur accélèrent progressivement et résonnent dans ma cage thoracique. Ma gorge se noue. Mes mains deviennent moites sur le volant. Quand je me gare dans l'allée privative, à ma place habituelle, tous mes muscles sont raides d'appréhension. Je déglutis pour essayer de dissiper la boule qui m'obstrue la gorge, mais bien sûr ça ne marche pas. Allons, ça ne sert à rien de tergiverser. Plus j'attendrai pour rentrer, plus je serai punie durement pour mon retard.

J'attrape mon sac à main sur le siège passage et ouvre la portière de mon Audi. Je me prépare psychologiquement à ce qui m'attend : je m'absente de moi-même, je me retire petit à petit dans les profondeurs de mon esprit, mes pensées s'effacent. Je met un pied devant l'autre sans penser à rien, jusqu'à arriver devant la porte de l'appartement. Je sors la clé, déverrouille et entre.

Le salon est plongé dans la pénombre, mais je sens l'odeur de son cigare, et je sais qu'il est là. Peu à peu je distingue sa silhouette sur le fond caramel de son fauteuil préféré, tourné vers la porte. Je suspends mon sac à man et ma veste au porte-manteau, machinalement, et ôte mes escarpins avant de les ranger dans le petit placard de l'entrée.

- Tu sais depuis combien de temps je suis là à t'attendre?

Sa voix, comme je m'y attendais, est chargée de colère. J’aperçois l'extrémité rougeoyante de son cigare, et frémis d'appréhension. De son autre main, il tient un lourd verre en cristal avec un fond de scotch. J'essaie d'estimer combien il a bu. La bouteille est presque vide, mais je ne sais pas depuis combien de temps il l'a entamée. Papa ne boit pas tant que ça, je ne pense pas qu'il l'ait ouverte ce soir.

-Viens ici!

Son ordre claque comme un coup de fouet et je sursaute avant de m'avancer vers lui. Mes pieds, dans mes collants, s'enfoncent dans l'épais tapis. Je m'arrête à un mètre de lui.

- Tu t'es faite sauter? demande-t-il avec agressivité.

La même question rituelle, chaque soir. Et il semble toujours redouter que je réponde oui.

- Non papa, je réponds doucement.
- Montre-moi.
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Et ça signifie, évidemment, de retourner vivre avec mon bourreau. Je l’ai supporté des années durant, j’en suis capable. Je m’effacerai en moi-même pour ne rien ressentir. Et si ça devient trop difficile, il me restera toujours une solution. Ma solution de secours, mon recours ultime. Je n’ai pas peur de la mort. C’est la vie qui est terrifiante. Elle peut être merveilleuse aussi, j’y aurai goûté une semaine. Sept jours de bonheur, c’est déjà pas si mal. En tout cas, mieux que tout ce que j’avais pu imaginer. Un beau cadeau que Phénix m’aura fait. Un souvenir à chérir, auquel m’accrocher dans les pires moments à venir. Alors, mon choix me semble moins pénible, même si des sueurs froides m’humectent le dos et le front, même si mon ventre se tord de douleur et d’angoisse. Je prononce lentement les mots qui me ramèneront à ma prison personnelle : ...
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- Non, princesse. Non, ce n’était pas ça. Quand on aime une femme, on ne la frappe pas. On la caresse – il passe doucement sa grande main sur mon crâne – on l’embrasse – je sens sa bouche sur mes cheveux – on prend soin d’elle, et on fait tout pour qu’elle soit heureuse. On ne l’enferme pas, on ne restreint pas ses libertés, on la veut épanouie, on veut l’aider à accomplir ses ambitions, à réaliser ses rêves. C’est ce que je veux pour toi. Être avec toi, t’accompagner, te soutenir, te chérir. Je te montrerai.
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bourgeoises. Et elle, c’est tellement la petite princesse pourrie-gâtée que c’en est un cliché ambulant. Au déjeuner, elle est assise avec Stéfie, qui se fait toujours un devoir de se montrer gentille avec les stagiaires. Il faut voir comment la nouvelle joue les mijaurées en picorant dans sa salade, que bien sûr elle ne termine pas, parce qu’il ne faudrait surtout pas prendre du poids.
Pourtant, pour autant que je puisse en juger à travers son atroce chemisier en soie écrue, véritable offense pour les yeux, elle pourrait largement se le permettre. Elle a l’air maigre comme un coucou. Mais ces filles des beaux quartiers ont toutes comme ambition suprême de rentrer dans une taille zéro. À vue de nez, celle-ci doit pouvoir s’en enorgueillir.
Elle se tient bien droite sur son tabouret, comme si elle avait pris des leçons de maintien, et elle s’essuie la bouche entre chaque bouchée avec sa serviette en papier. Chacun de ses gestes est étudié, élégant, mesuré. On dirait qu’elle est en train de bouffer chez l’ambassadeur, nom de Dieu. Rien que de la regarder, ça m’énerve. J’espère presque qu’elle va faire tomber de la vinaigrette sur son haut, mais bien sûr mademoiselle est trop parfaite pour que cela puisse se produire. D’ailleurs, elle en ferait sans doute une maladie.
J’en ai vu défiler, pourtant, de ces filles nées avec une cuillère en argent dans la bouche, mais celle-ci m’agace particulièrement. Je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être à cause de notre rencontre ce matin, quand, dans la cage d’escalier, elle avait l’air tellement terrifiée par mon apparition. On aurait dit qu’elle pensait que j’allais l’agresser ou la violer. Évidemment, elle ne doit pas avoir souvent l’occasion de croiser des types dans mon genre dans le 16e. Là-bas, dès qu’on n’a pas le teint blanc comme neige, on fait tache. Bon, ici aussi, je fais un peu tache, mais je me suis battu et j’ai mérité ma place, alors que cette fille, pour accéder à son stage, il a juste fallu que son papa allonge un chèque.
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- Non, princesse. Non, ce n’était pas ça. Quand on aime une femme, on ne la frappe pas. On la caresse – il passe doucement sa grande main sur mon crâne – on l’embrasse – je sens sa bouche sur mes cheveux – on prend soin d’elle, et on fait tout pour qu’elle soit heureuse. On ne l’enferme pas, on ne restreint pas ses libertés, on la veut épanouie, on veut l’aider à accomplir ses ambitions, à réaliser ses rêves. C’est ce que je veux pour toi. Être avec toi, t’accompagner, te soutenir, te chérir. Je te montrerai.
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Madeleine a raison, son fils est trop bien pour moi. Qu'est-ce-que je pourrais lui apporter, à part une petite amie complètement bousillée, qui se transforme en glaçon dès qu'il aura envie de la baiser ? Une petite amie incapable de le soutenir, tellement elle est paumée ? ... Une épave. C'est comme ça que je me sens. Qui pourrait avoir envie d'un boulet pareil dans sa vie ? Phénix mérite mieux, ça, c'est sûr. Il a beaucoup de succès auprès des filles, il n'aura pas de mal à se remettre et à trouver une meilleure petite amie que moi. Je rassemble quelques affaires dans une valise, retrouve mon sac à main – mon portable est à l'intérieur – et appelle un taxi. Avant de descendre, je jette un dernier regard à cet appartement où j'ai passé les meilleurs moments de ma vie.
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Je m’en veux aussi de ne pas pouvoir m’empêcher de loucher sur son cul quand elle

me tourne le dos et se penche. Il faut dire que dans sa jupe moulante, il est sacrément bien mis

en valeur. Et putain, qu’est-ce qu’elle est jolie ! Son visage est l’un des plus fins, des plus

délicats que j’ai jamais vu. Avec sa peau de blonde à la pâleur translucide, ses traits sont

magnifiés, et il émane d’elle une fragilité qui me fait un effet détestable. Putain, j’ai horreur

de réagir comme ça, comme tous les types qui doivent se faire prendre au piège de sa beauté

vulnérable et gobent l’hameçon avec l’appât. Je suis bien placé pour savoir que les apparences

sont trompeuses et qu’en général, les filles qui semblent les plus fragiles sont les pires garces

du monde. Je me suis fait avoir une fois, pas question qu’on m’y reprenne.
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