Citations sur Hispaniola, tome 1 : Calixte (42)
Durant son règne, la famille Duvalier a détourné à son profit 80 % de l’aide économique versée à Haïti.
(page 217)
Julienne est une fè trisi, une commère. Il suffit de lui confier un secret qui ne doit pas être répété, pour que dans la minute tout le marché soit au courant. Je soupçonne Manman Olivette d’avoir informé volontairement Julienne de ma réussite au certificat.
(page 88)
Le père Céleste ne se permet pas d’évoquer le retour de mon père pour qu’il donne lui aussi son accord. Il sait parfaitement que si les hommes jouent les gros bras dans toutes les cahutes de la cité, ce sont les femmes qui ont le pouvoir.
François Duvalier a exercé une implacable dictature, corruption, répression, exécutions, plus de 2000, rien que pour l’année 1967. Papa Doc a détourné des millions d’aides internationales, en quatorze ans de règne sanglant, il a fait fonction de calamité naturelle plongeant Haïti au dernier rang de la pauvreté en Amérique latine. En 1971, il n’y avait que 80 Km de routes goudronnées, 3000 téléphones, un budget dérisoire sur lequel le président prélevait 10% pour ses frais personnels. 86 % de la population étaient illettrés.
Notre Kabann c’est Charlemagne Fontaine, mon grand-père qui l’a construite. Comme toutes les Kabann de la cité, elle est faite de matériaux de récupération, planches, tôles, bâches en plastique, ferrailles. La plupart des maisonnettes sont minuscules, moins de 9m2, les murs sont faits de tôles ondulées complètement rouillées, le toit est bas, un adulte peut à peine s’y tenir debout. À l’intérieur, des parents avec plusieurs enfants s’entassent la nuit pour dormir. La journée, quel que soit le temps, tout le monde vit dehors. La cité Simone c’est un immense bidonville, un dédale de baraquements, d’allées sombres, d’égouts à ciel ouvert. Une ville dans la ville, puante et grouillante.
La majorité des étals sont tenus par des femmes , beaucoup d'hommes ne travaillent pas , ils préfèrent passer leurs journées à jouer aux dominos tout en buvant du clairin . Angeline Janvier vend du savon , des produits pour se maquiller et aussi des médicaments à l'unité . Myrlande Jeunesse vend des condiments qui redonnent une virilité à ton mari ou à ton amant comme tu le souhaites . Beaucoup de vieilles matrones viennent lui en acheter en espérant retrouver des plaisirs disparus . P.19
Il y a une pénurie d’enseignants compétents, les faibles salaires n’incitent pas les jeunes diplômés à choisir cette voie. Le coût des études et la précarité des familles ne permettent pas aux enfants défavorisés d’accéder à l’école. Chaque établissement souffre de l’absence de moyens financiers et matériels. Les bibliothèques et les outils pédagogiques sont inexistants, et c’est surtout le règne de la débrouille.
(page 152)
Le père Céleste me salue en m'ébouriffant les cheveux . Il se racle discrètement un peu la gorge et il nous annonce avec sa douce voix qu'une famille de France a accepté de me parrainer . Parrainer ? Ni Manman Olivette ni moi-même ne savons ce qui se cache derrière ce mot inconnu .
P.93
Je m’appelle Calixte Fontaine, j’habite Village Démocratie, un des quartiers de la cité Simone. Je vis avec mes parents : Toussaint Fontaine et Manman Olivette Fontaine et aussi Daniya ma petite sœur et Ma’Umtiti ma grand-mère. Notre maison est la plus grande du quartier. Il y a une pièce qui sert de cuisine, de salle à manger et de chambre pour mes parents. Une grande tenture permet d’accéder à la seconde pièce que je partage avec Daniya et Ma’Umtiti. La nuit, je ne dors pas très bien, ma sœur pousse régulièrement de petits cris et ma grand’mère ronfle dès qu’elle est couchée. Il n’y a pas de toilettes chez nous, pas plus que chez les autres habitants de la cité Simone, il y a une fosse plus loin où il faut se rendre, mais la nuit on fait dans un récipient de peur de croiser un rat ou un esprit malfaisant.
Elle a dû quitter sa maison pour une résidence de personnes âgées. Manman Olivette trouve que les Français sont vraiment des gens etranj, bizarres. Quelle idée d’enfermer dans un même endroit ceux qui détiennent la sagesse. En Haïti personne n’imagine abandonner ses parents âgés, ils sont le nanm nan, l’âme de la famille.