La Gloire a souvent un comportement frivole et libertin ; elle menace d'abandonner son féal si elle ne trouve pas en lui des grâces toujours nouvelles.
La réalité est perpétuellement vivante, ardente, actuelle. Elle ne peut s'avarier ni se détruire, et elle ne dépérit pas.
Non : tout le monde sait désormais que dans l'histoire collective (comme dans l'individuelle) mêmes les hasards apparents sont au contraire presque toujours des volontés inconscientes (que, si l'on veut, on pourra bien appeler destin) et, en somme, des choix.
Et rares sont les époques où le sommeil de la raison a été secondé, bercé, flatté autant qu'à la nôtre.
Un vrai roman, donc, est toujours réaliste : fût-ce le plus fabuleux! et tant pis pour les médiocres qui ne savent pas reconnaître sa réalité.
Or l'art, fût-il bienheureux, est une tentation irrésistible [...].
La valeur, même historique, d'un roman ne dépend pas de ses prétextes narratifs, mais de ses vérités. Il revient à l'intelligence, à la liberté de jugement et à l'attention des contemporains de reconnaitre leurs propres vérités - jusqu'aux plus cachées et inavouées - dans les représentations de leurs poètes.
L'érotisme est une affirmation spontanée de la vie, et un élément vital de la substance humaine ; et on ne peut le traiter comme un sujet méprisable quand on respecte la personne humaine dans son intégrité. Le vice de certaines sociétés et de certaines religions c'est d'avoir coupé en deux la personne humaine, la déclarant à moitié noble et à moitié méprisable ; et on a dû attendre la veille de l'ère atomique pour que la science proclame cette réalité : que la frustration de l'érotisme, elle aussi, comme le sommeil de la raison, engendre des monstres.
[...] il est certain que toute forme artistique, comme toute autre expression humaine, participe des crises périodiques de la société et de la vie : mieux, elle en est le centre sensible. Notre siècle est le lieu d'un passage dramatique qui peut se traduire, dans la psychologie, en une crise d'angoisse. Ainsi arrive-t-il qu'une grande partie des artistes d'aujourd'hui projettent dans le monde leurs propres images réelles (qu'ils appellent abstraites) de cette angoisse.