Les inventeurs et l'étoile de la victoire, tome 1

Incontournable Novembre 2021


J'en aurai mit du temps à le lire,amorcé en Novembre, repris en juin, mais le soucis quand on est libraire jeunesse est qu'on a des lectures à faire chaque mois, précisément pour être à jour. Ce qui peut donner des écarts de lecture de près de six mois! Mais je ne regrette pas d'avoir persisté pour ce roman-ci, fort sympathique et qui met en vedette un personnage historique: Ada Lovelace, sous son nom de jeune fille Ada Byron, considérée comme la première programmeuse informatique au monde.


1828, Royaume-Unis. La vie du 3e Lors de Devonshire n'est pas de tout repos. Convaincu d'être le garçon le plus malchanceux qui soit, en atteste le nombre questionnable de décès sordides parmi ses proches, Georges ne quitte pas sa résidence au 8 Dorset Square. Cependant, le 2e Lord feu son père était un joueur et a laissé son fils criblé de dettes. Obligé de les rembourser avec ce qui lui reste, la résidence se vide et tombe en ruines. Il ne lui reste comme héritage qu'une carte, laissée par son grand-père explorateur. Elle mènerait, semble-t-il, au plus gros joyau au monde, l'Étoile de la victoire. Quand un jeune homme roux tente de subtiliser le précieux objet, un allié insoupçonné en la personne de sa voisine se manifeste. Ada Byron, qui a le même âge, une douzaine d'année, est une inventrice de génie aussi audacieuse que savante. Quand Frobisher, le valet resté fidèle à George, se fait kidnapper par une mystérieuse Organisation, elle lui propose son aide. Avec le concours d'Oscar, un jeune artiste qui attend d'être retrouvé par son père pirate, et de la petite orang-outan Ruthie, le quatuor s'embarque pour une aventure en sol européen pour trouver la précieuse pierre. Et quand je dis "embarquer", c'est dans un avion mécanique en forme d'oiseau, celui-là même qui trône sur la couverture, et inventé par Ada, évidemment.


Roman d'aventure aux accents Steampunk, "Les inventeurs" a été un bon moment, malgré quelques petits éléments plus ou moins convenus. Déjà, je ne comprend pas pourquoi on qualifie les jeunes ados "d'inventeurs" quand seule Ada l'est vraiment. Il y a un certain nombre de petits détails improbables, comme les pas enfarinés de George qu'il a trainé sur plusieurs centaines de mètres de sol pavé ( Impossible, je pense bien) ou le "plan inventé" d'Ada, qui aurait élaboré de gros mensonges tout en ayant raison en même temps ( plutôt confus). C'est le genre d'histoire où "l'incroyable carrément improbable" arrive, avec certaines facilités de circonstances, mais qui reste globalement divertissant. Parfois, dans les univers non-magique, on y trouve un certain degré de magie.


J'ai eu un coup de coeur pour Ada, une rare représentante des génies féminines ayant réellement existée. Elle est du genre pragmatique, stoïque, pas très modeste ( avec raison) et un brin déconcertante, parfois. Si elle a indéniablement un cerveau hors du commun pour les chiffres et les sciences, le mat blesse sur ses rapports humains. Mais, bon, Georges est dans le même bateau...ou plutôt le même avion. Ce jeune aristocrate a un tempérament nerveux, méfiant, boudeur et un peu snob. Il a grandi sans parents, contraint de gérer des dettes et pense être porteur d'une poisse de calibre Olympique. Ce n'est pas le héro le plus attachant, mais sa réelle inquiétude pour le sort de son valet, Frobisher, était attendrissante. On voit rarement des nobles tenir à leurs domestiques, mais Georges aime Frobisher, ça se voit et ça se sent. Sans doute à la manière d'un oncle ou d'un tuteur, même. C'est d'ailleurs pour lui qu'il va sortir de son piteux cocon pour aller récupérer un trésor introuvable, avec une jeune fille qui a un caractère fort qui ne lui plait pas, a priori. Georges et Ada ont souffert des deux côté du manque de sociabilisation avec leurs pairs, ce qui peut expliquer leur maladresse sociale, surtout l'un envers l'autre. Cependant, c'est précisément un des enjeux de l'histoire: Faire confiance, aller au-delà des premières impressions. Oscar est le personnage gentil et rêveur du groupe, il tient la cohésion du groupe. Ruthie semble assez secondaire, mais quand elle est là, elle est l'élément rassurant de George. Et accessoirement, étant un singe, elle est assez futée. Sauf quand elle a mangé le pilon d'Oscar...


Aussi, il y a plusieurs éléments intriguants dans les objets, comme cet oiseau mécanique aéronautique, la clé enchâssée que vous verrez vers la fin ou même la maison d'Ada, truffée de pièges et d'expériences scientifiques. On va même rencontrer Darwin. Si, si, l'un des scientifiques associés à la théorie de l'évolution ( pauvre Alfred Wallace, qui reste encore dans son ombre, mais à qui ont doit la Théorie de la Sélection Naturelle, trop souvent associée à Darwin - Fin de parenthèse). Il m'a bien fait rire quand il a signifié que l'Homme est l'animal le plus "sage"!


J'apprécie la démarche de l'autrice, qui a voulu donner à la vraie Ada Lovelace une enfance à la juste mesure de son intelligence remarquable, loin de son état souffreteux et prenant place dans les airs, où elle aurait aimé aller un jour. Ada Lovelace a vécu de 1815 à 1852. À douze ans, elle rêvait de voler et aura consacré de réelles intentions à cet effet avec un traité de "volologie" et sur l'anatomie des oiseaux. Hélas, à treize ans, elle tombe gravement malade et sera alitée des années. À 19 ans, elle se maria et devient comtesse de Lovelace et sera connue sous ce nom. Elle avait pressenti que les ordinateurs seraient bien plus que des machines à calculer et est considérée comme la première programmeuse informatique ( oui, je me répète).


Ce fut une agréable balade en compagnie de ces atypiques personnages et leur quête déjantée. Un tome 2 est prévu et j'espère avoir du temps pour m'y consacrer. Il y a une baleine mécanique sur la couverture qui a l'air fort intéressante...


Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.