Les Soeurs d'Auschwitz

L'histoire est simple: trois soeurs qui, enfants, ont fait le serment de se soutenir les unes les autres, et de se protéger, se retrouvent victimes de l'Histoire.

Slovaquie, 1942, Livia est arrêtée par les nazis. Cibi, sa soeur, fidèle à sa promesse, prononcé un jour insouciant d'été face à un père mal en point et désabusé, la suit dans l'enfer des trains. Elles sont déportées à Auschwitz. Magda, la troisième de la fratrie les rejoindra plus tard. Elles devront se serrer les coudes pour affronter la cruauté des camps, la faim, la maladie, et l'incertitude des lendemains.

Avec un tel sujet, difficile de ne point émouvoir dans les chaumières. On serait bien en peine de trouver quelque chose à redire tant le récit est nourri de bonnes intentions (le sacrosaint devoir de mémoire). Et puis, il ne faut pas oublier que l'autrice s'inspire d'une histoire vraie.

Seulement, une fois ces considérations mises de côté, il nous faut bien nous pencher sur ce texte et s'interroger sur ce que celui-ci a à nous dire de la Shoah. Au diable donc les convenances.

J'en ressors avec un sentiment d'incompréhension et de lassitude. Voilà. Peut-être même aussi de l'agacement face à un exercise littéraire qui me parait aussi pataud que voyeuriste.
Est-ce que l'autrice nous offre un nouveau regard sur "l'horreur des camps nazis" ? Non.
Est-ce qu'elle nous propose des personnages complexes, riches, et résiliants ? Non plus. Les soeurs sont interchangeables et ne possèdent guère de relief, même si j'ai pu parfois m'attacher à elles et éprouver de l'empathie.

Il faut rappeler que le lecteur, à de rares exceptions près, sait déjà tout des tortures et sévices infligés aux prisonniers. Grâce aux cours d'Histoire, notamment, mais aussi à une littérature et une filmographie déjà riche sur le sujet. C'est précisément parce que l'on connait déjà tout sur la solution finale qu'un film comme La zone d'intérêt a su marquer les audiences récemment en ne montrant absolument rien des horreurs qui s'y jouent.
Ce texte de Heather Morris, sorti bien avant la Zone d'intérêt, il faut le reconnaitre, raconte le quotidien des prisonniers sans omettre aucun détail. Ici, le lecteur sera servi. Les scènes s'enchaînent sans épargner personne. J'ai trouvé cela inutile, superflu, et mal écrit. Comme si le but était de remplir des pages et assouvir la curiosité du lecteur.

Le style d'ailleurs. Celui-ci est naif, et tombe souvent à côté. On a d'une part les méchants allemands, et les gentils prisonniers. Les dialogues sont lourds et se donnent la mission (mal venue) d'être pédagogiques. Blablabla, ici on n'a pas le choix. Ne juge pas les autres et contente-toi de survivre, ta bonté et ta foi en ta bonne étoile te sauveront.
Vraiment ? Mais quelle platitude!

Ne parlons pas de la couverture. D'une finesse redoutable (non): trois mains qui se cherchent, des couleurs pastels qui rappellent les rayures des fameux pyjama, et la photo d'Auschwitz en arrière plan.

Surfer sur une telle tragédie pour mettre en avant un texte aussi pauvre que celui-là, qui n'a rien à dire, sinon nous rappeler que, oui, tuer des juifs c'est mal, relève du mauvais goût. Je n'ai rien contre les oeuvres de fiction qui choisissent d'aborder la Shoah, et je salue encore une fois les intentions de l'autrice de vouloir mettre en lumière le sort des rescapés et de transmettre leur histoire.
En revanche, je ne cautionne pas cette façon complètement lourdingue de traiter le sujet, en faisant non seulement du camp d'Auschwitz un argument de vente des plus grossiers (Auschwitz apparait dans le titre, et sur la couverture, histoire que le lecteur ne se trompe pas - vous allez voir, il y aura de l'horreur à tous les carrefours!), et en proposant d'autre part un récit dont les ambitions littéraires rivalisent avec un vieux Danielle Steel.