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Citations sur Les Croix de bois (BD) (12)

La première conséquence morale de la guerre, pour beaucoup de jeunes gens, fut de leur révéler une fraction d'humanité dont tout les séparait.
Avant la caserne, qu'avaient-ils fréquenté ? Uniquement leurs compagnons d'études, de plaisir ou de travail, toujours recrutés dans le même milieu.
Le jeune bourgeois ignore le peuple comme le fils d'ouvrier ignore la bourgeoisie et, le plus souvent, ils se dénigrent sans se connaître. Avec la guerre, tout cela change.
Ces étrangers vont pouvoir s'observer l'un l'autre. Et dans des circonstances où l'on ne peut pas tricher.
À tout instant, c'est une nouvelle épreuve, devant la fatigue, devant le danger, devant la mort, brave ou lâche, franc ou fourbe, bon ou mauvais. Pas de faux semblant, pas de supercherie dans ce grand confessionnal que furent les tranchées. (P.15)
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C'est vrai, on oubliera. Oh ! Je sais bien, c'est odieux, c'est cruel, mais pourquoi s'indigner : c'est humain ... Oui, il y aura du bonheur, il y aura de la joie sans vous, car, tout pareil aux étangs transparents dont l'eau limpide dort sur un lit de bourbe, le cœur de l'homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond ...

On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacer lentement dans le cœur consolé de ceux qu'il aimait tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois.
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Des morts qui protègent des vivants, je ne connais pas de meilleure définition possible de cette guerre.
Et doucement, le soir silencieux tisse sa brume, seul grand linceul de toile grise, pour tant de morts qui n'en ont pas.
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Dehors, la nuit aux aguets écoutait la tranchée. Elle était tranquille ce soir-là.
On n'entendait ni le sourd ébranlement du canon, ni le sec crépitement de la fusillade.
Seule, une mitrailleuse tirait, coup par coup, sans colère ; on eût dit une ménagère lunatique qui battait ses tapis.
Autour du village, c'était le lourd silence des campagnes frileuses. Mais soudain, sur la route, un bourdonnement s'éveilla, grossit, roula vers nous, et les murs se mirent à trembler ... Les camions.
Ils roulaient pesamment, avec un bruit cahotant de ferraille.
Les autobus, naguère, passaient ainsi sous mes fenêtres et me tenaient éveillé, tard dans la nuit.
Comme je les détestais, en ce temps-là !
Sans rancune, pourtant, ils revenaient me voir dans mon exil. Comme autrefois, ils faisaient tressauter mon demi-sommeil, et je sentais trembler les murs. Ils venaient me bercer.
Est-ce drôle, on n'entend pas leurs durs cahots sur le pavé, ce soir, ni les vitres qui tremblent, ni le passant attardé qui appelle ...
Leur bruit ne fait plus qu'un ronron dans ma tête qui s'endort ... Ils grincent, ils cahotent, ils sont passés ...
Adieu, Paris ...
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Si les savants s'étaient donnés autant de mal pour découvrir des choses utiles que des trucs pour tuer le monde, il y a une paie que les chauves pourraient se faire la raie.

[p48]
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Quand je dirai "je" dans les Croix de bois, c'est Larcher qui parlera. D'ailleurs, vous avez vu, c'est lui qui sera assis sur ce seau qui m'a laissé un si bon souvenir.
Comme vous le savez déjà, je serai aussi Demachy. C'est lui qui revivra quelques moments par lesquels je suis passé, ou que l'on m'a racontés.
Et c'est donc Larcher qui vous fera comprendre mon état d'esprit à cette période. Pour compliquer encore un peu les choses, je me servirai aussi plus tard de Sulphart pour donner mon point de vue sur les permissions.
Bref, ce jour-là sur mon seau, j'étais en train de penser à Mado. Je prenais une feuille et commençais à lui écrire une lettre (p.40)
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Trois jours, cela fait trois jours que nous tenons le cimetière pilé par les obus.
Rien à faire, qu'à attendre.
Quand tout sera bouleversé, qu'il ne devra plus rester qu'un mélange broyé de pierre et d'hommes, ils attaqueront.
Alors, il faudra qu'il surgisse des vivants.
La vie, mais cela se défend jusqu'au dernier frisson, jusqu'au dernier râle.
Il en faut de la force pour tuer un homme ; il en faut de la souffrance pour abattre un homme ...
Cela arrive, pourtant. L'espoir s'envole, la résignation, toute noire, s'abat lourdement sur l'âme.
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Perdus dans la grisaille comme s'il ne pouvait y avoir qu'un même aspect pour un même martyre. C'est là, quelque part ... L'odeur fade des cadavres s'efface, on ne sent plus que le chlore, répandu autour des tonnes à eau. Mais, moi, c'est dans ma tête, dans ma peau que j'emporte l'horrible haleine des morts.

Elle est en moi, pour toujours : je connais maintenant l'odeur de la pitié.
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C'est un grand troupeau hâve, un régiment de boue séchée qui sort des boyaux et s'en va par les champs, à la débandade.
Nous avons des visages blafards et sales que la pluie seule a lavés. On marche d'un pas traînant, le dos voûté, le cou tendu.

Arrivé sur la hauteur, je m'arrête et me retourne pour voir une dernière fois, emporter dans mon âme l'image de cette grande plaine couturée de tranchées, hersée par les obus, avec les trois villages que nous avons pris : trois monceaux de ruines grises, sans un arbre, sans un toit, sans rien qui vive, et partout mouchetée de tâches minuscules : des morts, des morts ...

Comme c'est triste, un panorama de victoire !
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Cachée dans les hautes herbes, la tranchée ennemie se devinait à peine, derrière la toile barbelé des araignées de fer.
Les Allemands ne tiraient plus, et leurs canons même se taisaient.
Seuls quelques 210 essoufflés passaient très haut, avec un glouglou de bouteille qui se vide, et allaient tomber sur le village, empanachant les ruines d'un lourd nuage d'usine.
Des morts, il y en avait partout : accrochés dans les ronces de fer, abattus dans l'herbe, entassés dans les trous d'obus.
Ici des capotes bleues, là des dos gris. On en voyait d'horribles, dont le visage gonflé était comme recouvert d'un masque épais de feutre moisi.
D'autres étaient charbonneux, les yeux déjà vides : ceux des premières attaques.
On les regardait sans émotion, sans dégoût, et quand on lisait un numéro inconnu, au col de la capote, on se disait simplement : "Tiens, je ne savais pas que leur régiment avait donné ...".
C'était la bataille sans ennemis, la mort sans combat. Depuis le matin, que nous nous battions, nous n'avions pas vu vingt Allemands.
Des morts, rien que des morts.
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