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EAN : 9791097515300
182 pages
Editions la Trace (12/03/2020)
3.86/5   7 notes
Résumé :
Son itinéraire depuis son village sérère natal jusqu’à l’accueil
du pays colonisateur a eu raison de ses espérances.
Ballotté entre les valeurs anciennes qui forgèrent les vingt
premières années de sa vie et l’attrait vénéneux de la belle
France,
Arouna n’est plus de nulle part.
« Arouna ne répond pas », une quête identitaire, douloureuse
souvent, cocasse parfois,
dépassant la destinée individuelle pour rejoind... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« 𝘖𝘯 𝘤𝘩𝘰𝘪𝘴𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴 𝘴𝘦𝘴 𝘱𝘢𝘳𝘦𝘯𝘵𝘴, 𝘰𝘯 𝘤𝘩𝘰𝘪𝘴𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴 𝘴𝘢 𝘧𝘢𝘮𝘪𝘭𝘭𝘦.
𝘖𝘯 𝘤𝘩𝘰𝘪𝘴𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴 𝘯𝘰𝘯 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘵𝘳𝘰𝘵𝘵𝘰𝘪𝘳𝘴 𝘥𝘦 𝘔𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦,
𝘋𝘦 𝘗𝘢𝘳𝘪𝘴 𝘰𝘶 𝘥'𝘈𝘭𝘨𝘦𝘳 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘢𝘱𝘱𝘳𝘦𝘯𝘥𝘳𝘦 à 𝘮𝘢𝘳𝘤𝘩𝘦𝘳.
Ê𝘵𝘳𝘦 𝘯é 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵…
Ê𝘵𝘳𝘦 𝘯é 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵, 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘤𝘦𝘭𝘶𝘪 𝘲𝘶𝘪 𝘦𝘴𝘵 𝘯é,
𝘊'𝘦𝘴𝘵 𝘵𝘰𝘶𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘶𝘯 𝘩𝘢𝘴𝘢𝘳𝘥. »

De son Sénégal natal, Arouna se souvient. du sable chaud sous sa voûte plantaire, tapis ocre et siliceux aux brûlantes morsures. Des cotres aux cales ventrues emplies d'arachides, remontant le cours tranquille du fleuve sous une lune gibbeuse. Des bergers griots guidant, vers de plus verts pâturages, la transhumance de leurs cheptels N'dama ou leurs troupeaux Peul-Peul sous les élytres échoïques des cigales stridulantes. Des chaudes caresses de l'Harmattan, accompagnant le soir venu un kaléidoscope de lumières où se confondent le ciel, le soleil et la terre sous des teintes aux nuances mandarine et saumon, soufre et orpiment, cinabre et vermeil, pétrole et cobalt…

« Ê𝘵𝘳𝘦 𝘯é 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵…
Ê𝘵𝘳𝘦 𝘯é 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵, 𝘤'𝘦𝘴𝘵 𝘱𝘢𝘳𝘵𝘪𝘳 𝘲𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘰𝘯 𝘷𝘦𝘶𝘵,
𝘙𝘦𝘷𝘦𝘯𝘪𝘳 𝘲𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘰𝘯 𝘱𝘢𝘳𝘵. »

Pour Arouna, entreprendre le grand voyage vers Paris pour y réaliser ses études, c'est rendre hommage et faire honneur aux siens, ceux restés au pays. Ne pas oublier d'où il vient, ne pas oublier ses valeurs…

Mais Paris est une amante aux mille visages, une Gorgone au coeur de pierre qu'Arouna refusera de regarder en face pour ne pas sombrer dans ce chaos inhumain d'une ville qui ne lui ressemble pas, à l'âme corrompue, où tout va trop vite, où tout lui semble suffisant, superficiel et fuyant.

Pourtant, Paris est aussi la ville de Nora, sa belle amarre dans cette ville qui le repousse, son pilier qui lui permet de ne pas s'écrouler et l'empêche de se sentir de nulle part…

Être d'ici et d'ailleurs à la fois, c'est vivre en fantôme où que l'on aille. Trop noir pour Paris. Trop blanc pour Dakar… Entre ces deux Ailleurs, et avec Nora comme seul phare dans son ciel d'encre, Arouna devra puiser au plus profond de son puits de solitude pour y entendre la voix des anciens et y trouver sa voie intérieure. Pour exister et ne pas tomber.

« 𝘑𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘯é 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵…
𝘑𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘯é 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘵, 𝘭𝘢𝘪𝘴𝘴𝘦𝘻-𝘮𝘰𝘪 𝘤𝘦 𝘳𝘦𝘱è𝘳𝘦
𝘖𝘶 𝘫𝘦 𝘱𝘦𝘳𝘥𝘴 𝘭𝘢 𝘮é𝘮𝘰𝘪𝘳𝘦. »

🌅 🌄 🌇

J'avoue avoir eu quelques difficultés à rentrer dans ce roman, où le « je » alterne avec le « il », où je ne parvenais pas à trouver le fil conducteur des premières pages, trop de détails incompris, avec une sensation de brouillard « brouillon » comme voile imprégné sur mes pupilles… Au point de redéposer par deux fois ce roman dans ma bibliothèque.

Pourtant l'écriture est belle. Ce n'est pas le livre qui est en cause. Pas le bon moment, pas le bon angle d'attaque…

Alors j'attends quelques jours, je le reprends. Je prends un peu de recul, je le parcours à présent comme on contemple un tableau de loin, en apprécie davantage les contours, la rondeur et la musicalité des mots, les nuances des couleurs.
Et c'est alors que s'ouvrent mes yeux sur toute la poésie de l'écriture de Michelle Mosiniak.
Je me rapproche un peu, je reviens sur ces détails, sur ces mots qui m'apparaissent maintenant bien plus précis, sur cette palette de couleurs vives dont j'apprécie enfin le nuancier dans ces moindres recoins.

Michelle Mosiniak a connu cette Afrique qu'elle dépeint. Cela se ressent dans cette évasion continentale à laquelle elle nous convie.
Avec beaucoup de justesse, elle parvient également à nous faire ressentir les tourments et les absences de repères de tous ces déracinés, errant dans les limbes en quête d'identité, dans un Ici et Ailleurs où ils n'existent pas vraiment.
 
Merci à Babelio et aux Editions La Trace, que j'apprécie particulièrement, pour cet envoi en Masse Critique. A nouveau un très bon moment passé avec Michelle Mosiniak et cette belle maison d'éditions !
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"La beauté d'Arouna rend Nora lyrique"...
La rencontre de ces deux solitudes rêveuses s'est faite par hasard dans un bel immeuble haussmannien, lors d'une soirée où ils ont été conviés séparément et où il leur semblait n'avoir rien à faire.
L'attirance est immédiate entre cette petite institutrice fascinée par l'Afrique et ce grand noir, émigré volontaire.
Arouna ne parvient pas, malgré plusieures années passées en France, à se fondre dans un Paris tumultueux n'ayant rien en commun avec son Sénégal natal.
Un Paris où il se sent toujours tel le visiteur toléré d'un musée privé.
Sa relation avec Nora, pourtant intense, en est fragilisée, envahie de silence.
Une peur... devenir esclave de leur amour.
Parce qu'il n'a pas voulu s'incruster, jouer les nègres danseurs, s'est installée l'impression de n'être personne, de n'appartenir complètement à aucune culture, de n'être de nulle part.
Sa terre lui manque qu'il sent être sa seule vraie liberté, le seul moyen d'éviter l'étouffement.

Avec une plume séduisante, colorée et pleine de poésie, Michelle Mosiniak nous fait le portrait d'un homme qui pourrait être n'importe quel émigré de n'importe quel pays.
Déracinés, ils perdent un peu de leur identité tout en perdant un peu de leur existence.
Je me suis attachée au personnage d'Arouna, grand gaillard perdu dans le flux de ses sentiments.
L'auteure nous dresse également le portrait presque sensuel d'une Afrique aux mille parfums et à la chaleur torride dont le corps d'Arouna porte à jamais l'empreinte sur sa peau d'ébène.
Un très beau livre...un de plus pour les éditions La Trace !
Et merci à David de m'avoir permis de le découvrir 🙂
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Arouna est en couple avec Nora, une blanche, après avoir été avec Lucie. Ce natif du Sénégal vit ces histoires en France, pays dans lequel il s'est installé, en quête d'un avenir radieux. Cependant, le couple (formé avec Nora) n'est pas le sujet principal du livre mais sert de fil conducteur pour aborder les questions de l'identité, de l'exil, du rapport à soi, à l'autre et des usages de son nouveau pays.

Un choix de vie assumé par Arouna qui se demande néanmoins, où est sa "vraie place". Passées les premières désillusions comme la saleté du métro qu'il imaginait parfumé, il manifeste son écoeurement en apprenant la mort d'une veille dame, affamée et isolée. Une honte dans un pays d'abondance.

La comparaison est vite faite avec son pays natal où dit-il, "un village mourrait de honte" si un tel évènement se produisait. Ainsi, l'accumulation des déceptions, le pousse à retourner à Dakar. Qu'en sera-t-il de sa relation avec Nora ? avec les siens retrouvés ? Ce retour sera-t-il une chimère comme l'aura été sa vie en France ?

Arouna et Nora évoquent tour à tour leurs vécus et leurs ressentis, et l'introspection de l'un se confond parfois avec le récit. Un choix narratif par moments déroutant mais qui dans l'ensemble demeure agréable à lire.

Je remercie Masse Critique Babelio et les éditions La Trace de m'avoir fait découvrir cet ouvrage.
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Chef-d'oeuvre absolu ! » Arouna ne répond pas » est un flambeau. Ce n'est pas un livre du hasard, venu de cette contrée intemporelle. Ici, c'est la vie qui ouvre la voie au sublime, à la force des contraires assemblés. le souffle magistral d'une écriture qui métamorphose le lecteur. Dans cet espace où rayonne l'entendement de l'importance. Dire le vivifiant, la profondeur du puits. Ce joyau littéraire est si humble que la beauté n'a aucune crainte. Elle saura s'élever dans ce verbe admirable et se tenir digne. En osmose avec un filigrane chaleureux quasi théologal. Avant de dire l'ampleur, la marche invisible, l'alliance des regards, la puissance et l'aura de cet homme Arouna. Il faut rester sur les lignes nobles qui divinisent. La hauteur d'encre, macrocosme, voûte lactée, désert, où la respiration est juste un grain de sable qui éternise son chant vertueux. « Arouna ne répond pas » se mérite. Plus qu'une histoire, il est un chemin où l'initiation est mappemonde, parchemin et sceau. C'est dire son souffle salvateur ! Comme un regain qui affirme sa venue, sans le dire, le montrer et l'imposer. C'est un livre boussole, digne. Michelle Mosiniak connaît les courants des dualités vêtues, les gestes alloués au langage d'ébène. Cette épiphanie est un alphabet qui élève Arouna dans la cour des nobles. Prendre attention à ce grand livre, à l'alchimie qui s'opère. Avant de le lire comme un miracle des coeurs qui enchantent. Michelle Mosiniak délivre une histoire glaise des sens, dentelles sur des genoux écorchés. Des retournements existentialistes en porte-voix. le chemin est à l'instar d'un labyrinthe. Arouna est un modèle d'homme dont la sagesse est régénératrice. Litanies, chants du monde. Laissez venir à vous Arouna. Il vous donnera l'essence des parcours où le courage est un horizon qui peut s'atteindre subrepticement. « Arouna ne répond pas. Il manque de ressort. Son itinéraire depuis le village jusqu'à l'accueil du pays colonisateur a eu raison de ses espérances. » Arrivé en France à 20 ans. Il va rencontrer Nora. « L'Afrique réelle, je l'ai aimée façon coup de foudre, c'est-à-dire de manière viscérale et subite. » Ce qui va survivre entre tous les deux, c'est le partage des fragments de terres. Attacher leurs âmes au mélange des couleurs. Les habitus emmêlés dans les draps chiffonnés d'ardeur, d'amour. C'est unir les gestes de la fraternité. C'est d'une pureté inégalable. Les mots de Michelle Mosiniak sont des signes (cygnes). Il se passe au travers de ce grand récit qui touche l'universalité, la quête, le pèlerinage des retrouvailles intérieures. Chercher en l'autre la force qui sauve. Arouna va revenir dans l'antre matrice d'une natalité nourrie d'épreuves. « Retour au pays natal. Il aurait aimé rentrer en conquérant avec des lauriers et de l'or plein les poches… Alors pour se donner du coeur au ventre, il convoque en une adresse muette ceux qu'il est doux d'évoquer, ceux du temps où ses yeux étaient confiants… » Arouna a les mains en offrande. Il voudrait cueillir les fruits de sa destinée. Ses pas entre ses mondes écartelés sont des espaces où le vide attire. Est-ce ici l'issue ? Arouna se berce de son intelligence intuitive. Dans cet éveil au frémissement gémellaire. Nora l'étudiante, l'auberge espagnole, le corps brûlant et l'âme mélancolique. L'ampleur de ce récit donne le vertige des cimes. Apprendre par coeur le parcours des clefs semées telles des Sésames. Se trouvent alors les sillages d'un retour sur soi-même. L'intensité bouleverse. « Les lieux abandonnés sont les seuls lieux rassurants……. Leur inertie fait écho à son propre renoncement… » Que va-t-il se passer dans les entrelacs des doutes d'Arouna ? « Arouna marche à un rythme soutenu, en longues foulées de berger. ». Rayonnent dans ce très grand, très grand livre, la résilience et les fiançailles des regards. Les empreintes dans le sable des espérances. L'altérité surpassant ses propres questionnements. Un levier salvateur et le bercement de la 7ème vague rédemptrice. La passerelle d'un langage qui rime avec La Rose du Petit Prince. Beau à pleurer. Un livre lumière. Publié par les majeures Editions La Trace qui nous prouvent une nouvelle fois une haute qualité éditoriale.
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La littérature possède ce pouvoir extraordinaire de nous faire voyager d'un continent à l'autre le temps de changer de lecture. A peine avais-je quitté les Goldman à Baltimore, que je me suis retrouvée entre la France et le Sénégal avec "Arouna ne répond pas", un roman de Michelle Mosiniak sur le déracinement, à la fois lumineux et nostalgique.

Arouna est né au Sénégal qu'il a quitté à vingt ans pour venir en France, un rêve qui ne fut pas à la hauteur de ses espoirs. Il vit désormais entre deux pays, deux continents, deux cultures. Il est d'ici et d'ailleurs. Il n'est en fait de nulle part… "…c'est le paquebot qui l'année de ses vingt ans a fait de lui ce naufragé éternellement à mi-chemin entre Dakar et Marseille, celui-de l'entre-deux, incapable à jamais d'accoster dans la baie de la tranquillité."
Pourtant, après avoir été marié, avoir eu des enfants, avoir fui tout ça, il rencontre Nora et pour eux "… cela commence comme un film français, façon Nina Campaneez… En douceur apparente… En tout cas, c'est en 1980 que se noue leur histoire…" Et c'est ainsi que nous allons suivre ce couple… un noir "…chez moi dans mon pays, le Sénégal, vous connaissez ? Mon père avait des troupeaux. J'ai été berger. Ici, bien sûr, je suis plutôt un invité exotique, un nègre danseur…", et une blanche, totalement dépourvue de préjugés " Oh ! vous savez les vérités générales, les noirs dansent bien, les Français aiment le camembert et le vin rouge…"

J'ai aimé l'écriture de Michelle Mosiniak, parfois chaotique et maladroite, mais malgré tout poétique, colorée, voire parfumée. Et ses passages nombreux et étonnants du "je" au "il" ne m'ont pas gênée. J'ai aimé aussi sa façon de traiter un sujet douloureux, celui de l'exil, même si dans ce cas il est volontaire. J'ai apprécié de la même manière l'étude toute en délicatesse des différentes cultures et de la difficulté des êtres à se comprendre. J'ai enfin ressenti beaucoup de plaisir au souvenir évoqué de l'exposition des statues d'Ousmane Sow, dont celle du guerrier Massaï qui m'a ramenée sur le Pont des Arts, près de vingt ans après.

Un ouvrage particulièrement touchant

Lien : https://memo-emoi.fr
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Déjà les prémisses du soleil incendient le contour des grands arbres tandis que le sable moins meuble annonce la fin du village avec ses itinéraires nivelés par les hommes et les bêtes. C’est là que commence la zone sans clôture, le no man’s land convoité, l’espace où les bras d’eau salée serpentent au milieu de la boue séchée, ridulée et qu’il sent sous la minceur de ses semelles.

Conscient à cet instant de sa propre légèreté, il laisse sa pensée voleter au plus près des derniers baobabs, touche au passage leur écorce grenue, sans raison, comme ça, juste pour en éprouver la texture, satisfait de leur permanence trapue et tutélaire.

Au moment d’atteindre la dune au-delà de laquelle tout bascule, il ralentit le pas, contourne à dessein le marigot, scrute sa fermentation assoupie, inspire l’odeur d’eau croupie et de fruits pourrissants. Les mouches n’ont pas encore entamé le ballet qui viendra avec les heures de canicule au point que l’on peut les croire disparues à tout jamais. Lavé, décanté, dépouillé de toute souillure, vierge de toute entrave, Arouna est là comme à l’aube du premier jour, homme néolithique, émerveillé de découvrir ses muscles et leur mécanique, ses poumons et leur soufflerie, le cœur et le cerveau indissolublement liés.

Libre, comme le vent marin maintenant proche dont il hume les relents iodés avant même que n’apparaisse à sa vue l’infini de l’océan, contenant la dérive de sa vieille terre aimée. Encore quelques pas, arrêt sur la crête avant de dévaler la pente et s’affaler juste avant la limite imposée par l’eau, enraciner ses doigts dans le sable, attendant sans le savoir de devenir pierre que rien ne pourrait déloger.
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C'est un géant avec du plomb dans l'aile. Un athlète recru. Dans le temps, il y a eu ces foulées infatigables des longues jambes. Un arpenteur passant, apparemment sans mal, de la solitude plate et torride du sable aux boulevards du dimanche à Paris. Le corps avançant comme un bateau gréé avec ce balancement imperceptible. Une jambe puis l'autre, les bras marquant un rythme bien plus ancien que lui. Fatigue ? Connais pas jusqu'au jour où quelque chose se détraque. La marche n'est plus cette mécanique élastique, cet assemblage huilé; il arrive que le pied hésite une fraction de seconde avant de prendre appui sur le sol.
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A ce moment, une mince bande gris pâle apparaît à mes yeux sans sommeil, là où le fleuve doit toucher le ciel. La bande de gris va maintenant s’élargissant et mange la nuit, installant au-dessus de l’eau une brume aux teintes délicates. Violet des perles de couronnes funéraires. Le vent rabat les parfums de la grande selve africaine : humus, fruits pourrissants, bois rongés, lianes gorgées de sucs glaireux. Alors cela s’engouffre en moi, oppressée par cette énigme splendide.

Derrière mes yeux se forme l’image de plus en plus nette des contours de toute chose s’affirmant : déchirement du voile laissant voir la surface argentée du fleuve et ses rives impénétrables. Ma propre légèreté à cet instant. Mon appartenance. Et soudain, l’eau est incendiée par le soleil, depuis le fond du paysage, tandis qu’un calao à gros bec annonce par son cri moqueur l’éblouissement du jour.
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Partir de chez soi est une amputation. D'un coup, d'un seul coup, comme d'un couteau déterminé, vous voilà séparé de tout ce qui allait de soi. Impossible, comme le raconte je ne sais plus quel écrivain, de faire comme en Iran où une coutume a institué que la première étape d'un voyage n'excède jamais cinq ou six kilomètres pour le cas ou quelqu'un aurait oublié quelque chose chez lui et puisse y retourner... Ou peut-être changer d'avis !
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Alors dans un pays où les maisons sont de foie gras, les rivières de vin, où coulent le miel et le lait on peut mourir de faim. Comment ses parents, ses enfants, ses voisins ont-ils laissé faire cela, la question le taraudait. . .

Masse Critique
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