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Critique de Lamifranz


Voici un petit roman pas très long, (190 pages dans l'édition Folio, et encore écrit assez gros), mais d'une belle richesse d'écriture et de sens. Il a été couronné du Grand Prix du Roman de l'Académie Française et du Grand Prix de Littérature sportive (1969).
L'auteur, Pierre Moustiers (1924-2016) a laissé une oeuvre importante, essentiellement romanesque, et toutefois peu connue. « La paroi » est son plus grand succès, mais on peut citer également « L'hiver d'un gentilhomme » (1971) et « Un crime de notre temps » (1976). Ces trois romans ont été adaptés avec succès à la télévision.
Le cadre, c'est la montagne. Laquelle ? Peu importe. Les Alpes, vraisemblablement, mais la montagne ici se réduit à cette paroi sur laquelle deux hommes sont accrochés. L'histoire tient toute entre ces trois personnages : la paroi, qui n'est pas seulement un décor, et deux hommes, dissemblables au possible : le premier, Anthime Bresson, soixante ans, un ancien professeur, plutôt intellectuel, le second Philippe Costa, entrepreneur, pragmatique, et beaucoup plus jeune. Ces deux -là ne s'aiment pas, apparemment. Mais dans la solitude de la montagne, sur cette paroi où le danger aiguise les consciences, comme le froid aiguise le corps, où le ciel peut être tour à tour un allié ou un ennemi, les deux hommes et la paroi vont être les acteurs d'un huis-clos (à ciel ouvert).
Les écrivains de montagne l'ont souvent décrit, ce sentiment étrange que l'on a dans les grands espaces, la mer ou le désert : à la fois plénitude et petitesse. Mais ici ce n'est pas le côté grandiose, l'immensité des neiges, les cimes altières qui déclenchent les émotions : c'est cette paroi comme un défi, qui met les hommes face à eux-mêmes, avec leurs sentiments mitigés, avec leurs souvenirs, leurs espérances, et leur peur. La paroi, finalement, c'est un révélateur. Anthime et Philippe font l'apprentissage de la vie : une nouvelle vie, différente de celle qu'ils ont connue avant, en bas. Une tranche de vie particulière qui ne les concerne qu'eux deux, en cet endroit précis, en en ce lieu précis, sur cette satanée paroi. Les deux hommes se découvrent.
Le roman est âpre, prenant. L'histoire se déroule au présent, « en live » comme on dit en français d'aujourd'hui. Entre dialogues courts, monologues ou pensées ruminées, l'escalade est rythmée par la respiration des alpinistes, leur halètement, leurs poses…
J'ignore si l'auteur, comme Roger Frison-Roche, était un montagnard accompli, ou si comme Joseph Peyré ou Henri Troyat, il a travaillé par documentation et témoignages, plus que par expérience personnelle, peu importe après tout, le résultat est saisissant. Un chef-d'oeuvre de la littérature de montagne, et de la littérature tout court.
Ce roman a été récompensé par le Grand Prix de Littérature sportive. C'est l'occasion de dire à quel point le sport (par les valeurs qu'il véhicule) est un élément de la vie : le dépassement de soi, le choix de se mettre en danger, sont des façons de se construire. Ce roman en est une fois de plus la preuve. Avec en plus, ici, peut-être une autre dimension, humaine, psychologique, ou même métaphysique.
Un très beau roman. A conseiller à tous les montagnards (il y a fort à parier qu'ils le connaissent déjà)… et aux autres !
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