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EAN : 9782070361588
192 pages
Gallimard (26/07/1972)
3.59/5   22 notes
Résumé :
- Encore vingt minutes et c'est gagné.
- Vingt minutes
- Peut-être moins. Ne t'endors pas !
- Je ne m'endors pas... Philippe ?
- Oui.
- Tu vois le sommet ?
- Tout à l'heure, en tombant à la renverse, je l'ai vu.
- Comment est-il ?
- Il a une sale gueule... comme nous.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Voici un petit roman pas très long, (190 pages dans l'édition Folio, et encore écrit assez gros), mais d'une belle richesse d'écriture et de sens. Il a été couronné du Grand Prix du Roman de l'Académie Française et du Grand Prix de Littérature sportive (1969).
L'auteur, Pierre Moustiers (1924-2016) a laissé une oeuvre importante, essentiellement romanesque, et toutefois peu connue. « La paroi » est son plus grand succès, mais on peut citer également « L'hiver d'un gentilhomme » (1971) et « Un crime de notre temps » (1976). Ces trois romans ont été adaptés avec succès à la télévision.
Le cadre, c'est la montagne. Laquelle ? Peu importe. Les Alpes, vraisemblablement, mais la montagne ici se réduit à cette paroi sur laquelle deux hommes sont accrochés. L'histoire tient toute entre ces trois personnages : la paroi, qui n'est pas seulement un décor, et deux hommes, dissemblables au possible : le premier, Anthime Bresson, soixante ans, un ancien professeur, plutôt intellectuel, le second Philippe Costa, entrepreneur, pragmatique, et beaucoup plus jeune. Ces deux -là ne s'aiment pas, apparemment. Mais dans la solitude de la montagne, sur cette paroi où le danger aiguise les consciences, comme le froid aiguise le corps, où le ciel peut être tour à tour un allié ou un ennemi, les deux hommes et la paroi vont être les acteurs d'un huis-clos (à ciel ouvert).
Les écrivains de montagne l'ont souvent décrit, ce sentiment étrange que l'on a dans les grands espaces, la mer ou le désert : à la fois plénitude et petitesse. Mais ici ce n'est pas le côté grandiose, l'immensité des neiges, les cimes altières qui déclenchent les émotions : c'est cette paroi comme un défi, qui met les hommes face à eux-mêmes, avec leurs sentiments mitigés, avec leurs souvenirs, leurs espérances, et leur peur. La paroi, finalement, c'est un révélateur. Anthime et Philippe font l'apprentissage de la vie : une nouvelle vie, différente de celle qu'ils ont connue avant, en bas. Une tranche de vie particulière qui ne les concerne qu'eux deux, en cet endroit précis, en en ce lieu précis, sur cette satanée paroi. Les deux hommes se découvrent.
Le roman est âpre, prenant. L'histoire se déroule au présent, « en live » comme on dit en français d'aujourd'hui. Entre dialogues courts, monologues ou pensées ruminées, l'escalade est rythmée par la respiration des alpinistes, leur halètement, leurs poses…
J'ignore si l'auteur, comme Roger Frison-Roche, était un montagnard accompli, ou si comme Joseph Peyré ou Henri Troyat, il a travaillé par documentation et témoignages, plus que par expérience personnelle, peu importe après tout, le résultat est saisissant. Un chef-d'oeuvre de la littérature de montagne, et de la littérature tout court.
Ce roman a été récompensé par le Grand Prix de Littérature sportive. C'est l'occasion de dire à quel point le sport (par les valeurs qu'il véhicule) est un élément de la vie : le dépassement de soi, le choix de se mettre en danger, sont des façons de se construire. Ce roman en est une fois de plus la preuve. Avec en plus, ici, peut-être une autre dimension, humaine, psychologique, ou même métaphysique.
Un très beau roman. A conseiller à tous les montagnards (il y a fort à parier qu'ils le connaissent déjà)… et aux autres !
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Edition de 1969 (rabat de première page) :
"On ne sait pas au juste ce qu'Anthime et Philippe sont venus chercher sur cette paroi verglacée. Peut-être se lancent-ils un défi? Tout les oppose : l'âge, le caractère, les idées...
Au-dessus de quatre mille mètres, la montagne ne tolère ni l'improvisation, ni les partis pris insolites. Philippe a fort à faire pour convertir Anthime aux méthodes modernes. Les petits détails matériels qu'Anthime traite avec fantaisie posent des problèmes angoissants : l'équipement est un sujet constant d'affrontement entre les deux hommes. Anthime, qui refuse les accessoires du confort, expose sa vie et menace l'équilibre de la cordée. On se demande pourquoi Philippe a tant de patience à son égard.
La fatigue, le froid, la faim, le danger permanent seraient-ils des motifs, et des preuves d'existence? Un même mépris anime peut-être ces deux êtres : celui de la facilité. Les étiquettes collées sur les hommes seront balayées par l'aventure."

Dans un cadre montagnard et avec une tension dramatique, c'est une histoire d'hommes, deux conceptions de la vie très opposées, deux existences qui se croisent et ne s'ignorent qu'en apparence. le récit est prenant, l'écriture fluide, les dialogues et les monologues s'entremêlent sans qu'on s'y perde, la lecture est agréable, et on comprend petit à petit la profondeur des sentiments sous cette couche de récit d'aventure.
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Un vieux professeur, un jeune entrepreneur et une paroi alpine à vaincre : un huis clos à trois, technique et intense, sans manichéisme, d'une pudeur et d'une beauté étonnantes.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/06/07/note-de-lecture-la-paroi-pierre-moustiers/

Ce sont certainement les lectures relativement récentes du fabuleux « Paroi » de Guillevic et du stimulant « Ouvrir une voie » d'Emmanuel Faber qui m'ont conduit à extraire de l'une de mes piles de « vieux » livres « en attente » cette « Paroi » de Pierre Moustiers.

Oeuvre sans doute la plus connue d'un romancier (Pierre Rossi de son vrai nom, 1924-2016) qui connut un succès populaire constant ou presque avec ses 26 ouvrages publiés entre 1957 et 2010, couronnée par le Grand Prix de l'Académie française à sa parution chez Gallimard en 1969, « La paroi » raconte, de très près, l'improbable ascension d'un sommet alpin difficile, qui pourrait se trouver dans les Écrins ou dans le Queyras (mais ce n'est pas vraiment important), sur ce qui ressemble fort à un coup de tête, par deux hommes que tout sépare en apparence.

Professeur vieillissant, veuf, ne se sentant plus guère à sa place, Anthime Bresson, grimpeur occasionnel, a décidé ce matin-là de se confronter une dernière fois, en catimini et peut-être bien pour en finir, à la montagne difficile et belle qui domine son village alpin. Philippe Costa, entrepreneur efficace, nouveau venu dans la contrée, grimpeur moderne et doué, l'a suivi en douce, un peu inquiet peut-être, mais ayant surtout quelque chose à lui demander. Sur la paroi, ces deux êtres qui furent brièvement amis avant que le choc de leurs convictions et de leurs esthétiques ne vienne en apparence les séparer irrémédiablement, vont affronter, en une négociation d'une rare subtilité, bien plus que la montagne elle-même : ce qu'ils sont et ce qui importe au fond pour eux, en un huis clos à trois (cette paroi est bien ici un personnage à part entière) d'une étonnante beauté, que renforcent le peu de mots prononcés et la pudeur remarquable de ces 180 pages.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Belle oeuvre de montagne que cette paroi dans laquelle deux alpinistes vont confronter leurs visions différentes à la fois de l'escalade et de la vie. Mais, autour des sommets, celle-ci prend toute la mesure de sa fragilité et il ne faut pas jouer avec elle car les pièges de la montagne l'emporte trop souvent définitivement. Ce livre va bien plus loin qu'une simple ascension car il pénètre au coeur de deux personnalités opposées que la confrontation avec les difficultés va exacerber.
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Quand derrière chaque effort se cache une difficulté, la montagne et ses sommets deviennent le théâtre d'affrontements démesurés. Ceux de deux égos, deux amoureux de la montagne, qui pensent la connaître et se connaître à travers elle. Sujet étonnant pour ce conte cathartique où se mêlent préjugés, affrontements, passion et déraison. Une oeuvre poétique et sombre où se révèlent toute la complexité des caractères, les espoirs humains et les désirs inassouvis de deux hommes que tout oppose.
Véritable jeu de lumière sur les versants abruptes des âmes, La paroi nous invite à cet étonnant voyage des sens et des sentiments vers les sommets clairs de l'attente. Un voyage vers l'Homme, vers soi et vers ces terribles préjugés qui nous obligent à nous affronter... A découvrir !
Lien : http://art-enciel.over-blog...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Une boule de feu crève le ciel qui se déchire dans une explosion assourdissante. L'air râpe la pierre en pétillant, tandis qu'un bloc se détache, au-dessous de la vire. On entend la roche qui plie, qui casse comme un essieu et qui bascule dans le vide (...) Philippe constate que ses mains tremblent, mais il attribue ce phénomène à des courbatures :
- C'est la fin du spectacle, dit-il. On a voulu nous impressionner.
Anthime se tourne vers lui spontanément et rit. Rien ne vaut l'humour bien placé. Il faut reconnaître, en toute justice, que ce jésuite a de bons côtés.
- Vous m'étonnez, dit-il.
- Chacun son tour.
- Oui, chacun son tour. On se trompe toujours un peu quand on est sûr de quelque chose.
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Et maintenant Philippe retombe, sans le vouloir, sur le premier souvenir sollicité : Anthime prenant la tête de la cordée. Il retrouve l’expression exacte qu’avait le vieux professeur au moment de se mesurer avec le roc : ce pincement des lèvres pour retenir un sourire de triomphe et les rides qui frétillaient au coin des yeux. Une sale besogne l’attendait pourtant. En lui laissant la responsabilité de la cordée, Philippe, cette fois, ne lui faisait pas de cadeau : des schistes lustrés, à moitié pourris, avec des prises recouvertes de boue congelée. Aucune assurance possible. Philippe, en le voyant partir, avait le cœur étrangement serré. Une folie ! Presque un assassinat. Ce n’était pas l’itinéraire normal. En bonne règle, il fallait prendre sur la droite, dans le rocher surplombant : escalade artificielle de grand style, avec pitons, étriers, double corde ; de quoi écœurer ce pauvre Anthime, lui donner des remords pour le restant de ses jours. Alors, en désespoir de cause, Philippe avait choisi la route pourrie, l’avait choisie pour Anthime. Il fallait bien lui donner un os à ronger. Et le vieux faune s’en était tiré comme un dieu : léger, subtil dans ses manœuvres, ne tâtonnant, pour ainsi dire, jamais. Un courage ! Une chance ! Cet homme avait le génie de l’improvisation. Philippe avait manqué dévisser quand il avait grimpé à son tour, mais Anthime, qui avait retrouvé le granit, l’assurait ferme.
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Il s'interroge, en ce moment, sur le sentiment bizarre, inexplicable qui semble l'attacher à Philippe. Au fond, malgré tout ce qui les oppose, ne sont-ils pas en commun le mépris d'un certain bien-être et des contingences ? En dépit des apparences, Philippe n'est pas indifférent au massacre de la nature. Un technocrate serait-il sensible ? Anthime s'étonne de cette vague d'indulgence qui attaque son coeur à l'improviste ; indulgence à l'égard de Philippe mais encore à l'égard de tous les contemporains, de leurs idoles et de leurs théories. Mes griffes sont usées, pense-t-il. Mon intransigeance se rouille.
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- Encore vingt minutes et c'est gagné.
- Vingt minutes
- Peut-être moins. Ne t'endors pas !
- Je ne m'endors pas... Philippe ?
- Oui.
- Tu vois le sommet ?
- Tout à l'heure, en tombant à la renverse, je l'ai vu.
- Comment est-il ?
- Il a une sale gueule... comme nous.
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Une minute de répit. Anthime reprend son souffle. Il a posé son menton sur la pierre, tout près de sa main recroquevillée. Son nez tranchant, craquelé par le soleil, s’arrête à deux centimètres de la main, au-dessus des veines qui saillent entre les écorchures. Le vent du nord râpe ses cheveux gris, taillés en brosse, brûle ses paupières et fait jaillir des larmes qui gèlent entre les cils. Six heures du matin. Le soleil de glace éclabousse une arête de granit, coule entre les dentelures. Anthime respire à petites goulées contre la pierre. Ses narines fument et le spectacle de cette vapeur blanche le repose ; mais le cri de Philippe s’enfonce dans sa nuque comme un clou :
– Bresson !
Anthime ne sursaute pas, ne se retourne pas. Il lève la main d’un geste étriqué pour montrer qu’il a entendu et que cela ne l’intéresse pas. Il mord sa lèvre inférieure. Un beau concours de circonstances, vraiment ! Avoir tout combiné pour passer inaperçu et rencontrer précisément ici l’homme que l’on cherche à éviter le premier. Au mois de juin, le refuge n’est pas gardé. Personne ne s’aventure dans les parages. Anthime est arrivé hier soir à cinq heures. La porte du refuge était entrebâillée. Un touriste à l’intérieur, un seul : Costa. Ce Judas a trouvé le moyen de sourire.
La rage inspire Anthime, le distrait de toute prudence. Sur des dalles convexes, il brise ses ongles ; mais Philippe gagne du terrain. On le sent derrière le rocher, tout près. Anthime tâtonne, le bras engagé jusqu’à l’épaule dans une fissure. Philippe hoche la tête. Ce n’est pas le bras qu’il faut engager mais le pied. Ah ! Ces amateurs !
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