Nous portons toujours en nous ceux que nous avons perdus...c'est que leur poids ne pèse pas trop lourd sur nos épaules, qu'il ne nous empêche pas d'avancer.
Tu passes ta vie toute seule dans un appartement pourri, sans jamais recevoir personne. Tes parents te prennent pour une ratée, et tu n'as même pas le courage de démissionner du boulot le plus pathétique qui soit. Tu es une ratée! Pire encore, tu es une ratée qui se permet de donner des conseils aux autres.
Ces premiers mois, c'était comme si j'avais perdu une couche de peau : je ressentais tout plus intensément. Je me réveillais en riant ou en pleurant, je voyais le monde comme si un filtre avait été retiré.
Chaque jour, j'avais l'impression de vivre la vie de quelqu'un d'autre.
Même si je parvenais à tout oublier, les gens ne cesseraient jamais de m'associer à la mort de Will. Mon nom serait lié au sien pour aussi longtemps qu'il existerait des pixels et des écrans. Les gens me jugeraient en se basant sur les informations les plus superficielles -si toutefois ils détenaient la moindre information-, et je ne pouvais rien y faire.
Ma mère m'avait dit qu'accompagner Will jusqu'au bout m'affecterait pour le restant de mes jours. Mais j'avais cru qu'elle voulait parler de moi, psychologiquement. J'avais cru qu'elle voulait parler de la culpabilité avec laquelle je devrais apprendre à vivre, de la peine, de l'insomnie, des éclats de colère incontrôlables, de l'incessant dialogue intérieur avec quelqu'un qui n'était plus là.
C'est le probleme quand on a vécu un événement tragique et bouleversant. On pense qu'on devra seulement s'en remettre : supporter les flash-backs, les nuits sans sommeil, revoir sans cesse les mêmes images, toujours se demander si on a fait ce qu'il fallait, si on aurait pu changer le destin en prenant une seule décision autrement.
Autour de moi, un million de gens vivent, respirent, mangent, se disputent. Un million de vues complètement séparées de la mienne. J'en ressens une étrange sérénité.
-Tu fais ça avec tous tes patients?
-Seulement ceux qui ont survécu.
Il emplissait de sa carrure toute l’embrasure de ma porte, une boîte à outils dans une main et un sac de courses dans l’autre.
- Oh, mon Dieu ! m’écriai-je. Le fantasme féminin ultime !