« Ils étaient d'accord : le livre représentait un énorme danger car, pour beaucoup de gens, il était susceptible de provoquer la terrifiante possibilité d'une réflexion indépendante. D'accord également quand le padre, soufflant et transpirant, déclara que le seul moyen de lutter efficacement contre le danger était d'incarcérer tous les suspects. D'accord aussi pour dire que la méthode souveraine dans le combat contre l'hérésie était de réduire à néant tous les livres, auteurs et lecteurs louches, parce qu'il n'y aurait pas d'ordre dans le monde tant que vivraient des hommes qui feraient l'expérience de penser par eux-mêmes. » .
Au déclin du XVIème siècle, un jeune carme espagnol est envoyé à Rome en « stage d'observation » pour rapporter chez lui tous les enseignements qui permettront à la redoutable Sainte Inquisition d'être encore plus performante.
Au terme d'un séjour fait de dévotion et d'admiration pour la grande charité qu'il prête au censeurs romains, celui-ci assiste à un ultime bûcher, celui de
Giordano Bruno [https://fr.wikipedia.org/wiki/Giordano_Bruno], prêtre apostat et intellectuel hérétique. Son obstination à prêter la moindre allégeance à ses bourreaux l'amène à renoncer à l'Inquisition.
Non parce que celle-ci est un acte abjecte et inadmissible... Mais parce qu'elle est vouée à l'échec : si des hommes aussi fiers et courageux s'opposent à elle, notre carme estime que c'est en vain qu'elle exercera son pouvoir, les irréductibles ne seront jamais vaincus (ou sauvés, selon le point de vue)
Sandor Marai nous propose, sous forme d'une lettre de confession, un récit à l'écriture à la fois ample et compassée. L'Inquisition y est décrite dans tous les détails, fort peu réjouissants, par un homme qui lui est totalement dévoué, dans une complaisance liée à son aveuglement, selon un un procédé par moments un peu trop didactique. Ce n'est qu'à la page 206 (sur 254) qu'il a brusquement son illumination, par un mécanisme qu'on s'explique mal, puisque jusque là le doute ne s'était pas le moins du monde immiscé en lui. Ce retournement brutal est certainement la faiblesse du livre. S'ensuivent alors l'exil en Suisse où il côtoie la société civile et les protestants, et une ouverture à l'autre sans pour autant qu'il renie sa foi. Il découvre une liberté, ainsi que le prix qu'elle peut coûter : celle d'autoriser le savoir, et l'écrit, au côté de la foi.
A travers l'Inquisition, Marai dénonce tous les régimes totalitaires, et postule que par la résistance et la persévérance, les opprimés détiennent une force et peuvent vaincre.