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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Ce petit roman historique prend la forme d'une lettre écrite par le héros, jeune étudiant inquisiteur espagnol envoyé à Rome entre 1598 et 1600 pour se perfectionner dans sa pratique. Il raconte son stage romain, ses expériences et les raisons pour lesquelles il abandonne l'Inquisition, et ne retourne pas en Espagne. Comme récit à la première personne, ce roman, malgré sa brièveté, n'échappe pas toujours au verbiage, mais c'est un peu la loi du genre : seuls Proust, Gide et Céline évitent ce piège. Ce type de récit s'explique par une bonne raison : faire partager au lecteur le point de vue du narrateur, pur fanatique, indifférent au monde qu'il ne voit pas vraiment. Il est tout à sa tâche et ne voit inconvénient à tuer les hérétiques. Il s'extasie devant la beauté d'un grand bûcher et les émotions chrétiennes de l'assistance. Les pendaisons et décapitations romaines le laissent sur sa faim, l'hérétique, selon lui, étant traité avec trop de douceur. L'auteur impose donc au lecteur d'adopter le regard de cet esprit étroit et borné, qui écoute avec admiration les grands rêves de son supérieur hiérarchique, pour qui l'Inquisition est trop artisanale. Il rêve de traiter les mal-pensants de façon plus globale dans des camps à la soviétique où les contrevenants seraient concentrés et rééduqués...

Le narrateur termine son stage sur le cas difficile du philosophe Giordano Bruno, brûlé vif à Rome en 1600. Pour la première fois, il voit un condamné qui ne craint pas l'enfer, repousse le crucifix et méprise tout le spectacle des hommes autour du sacrifice humain catholique dont il est la victime. Une conversation approfondie du héros, avant son retour pour l'Espagne, avec le grand inquisiteur Bellarmin achève de le persuader d'abandonner la carrière inquisitoriale et de partir au loin.

A-t-il été converti au Vrai, au Bien et à la Tolérance, comme dans le roman bien-pensant d'Umberto Eco, et le film qui l'a suivi, "Le Nom de la Rose" ? Pas du tout. Il reste fermement persuadé de la vérité du catholicisme romain et de la nécessité d'éradiquer l'hérésie par le fer et par le feu. Simplement, il comprend que c'est impossible. Tant qu'il restera un homme, un seul, comme Giordano Bruno, pour résister, pour ne pas croire, l'entreprise totalitaire est vaine, puisqu'elle échouera à soumettre toute l'humanité au papisme. C'est par découragement que ce jeune inquisiteur abandonne la partie.

"Car tant qu'il y aura un homme suffisamment obstiné pour maudire ceux qui le supplicient dans la chambre de torture et pour continuer à affirmer ce pour quoi on le brûle sur le bûcher, tous nos nobles efforts se réduiront littéralement en fumée. Ce n'est pas dans ma foi que je me suis trompé, mon frère, c'est dans mon métier. Et c'est toujours une grande tristesse quand on comprend que le métier que l'on a appris est inutile".

"Il est à craindre que tant qu'un tel homme existe quelque part, il soit vain de faire frire les autres sur le gril, de les cuire dans l'huile et de les casser sur la roue. J'avais appris que la Sainte Cause était plus importante que tout, qu'il fallait un Seul Berger et un Seul Troupeau. Mais c'était avant d'être frappé comme par la foudre par un doute effrayant : un homme peut compter plus qu'un troupeau."

Roman étrange, assez pénible à lire, malgré des accents et des passages qui rappellent un peu "Un homme obscur" de Marguerite Yourcenar. Mais autant Yourcenar se sert du regard naïf de son héros simple pour contempler la Hollande du XVII°s, autant Marai, ici, recourt délibérément au point de vue borné d'un fanatique que visite une soudaine prise de conscience, très partielle et peu vraisemblable. La critique du totalitarisme au nom de l'individu est certes bien louable, mais ne frappe pas juste : les communismes se fondent autant sur la peur et l'intimidation que sur l'extermination physique, et la conversion de tous leur est indifférente. Il leur suffit de mentir assez longtemps pour que tous finissent par croire que deux et deux font cinq. L'ouvrage de Marai ne manque donc pas d'originalité, mais souffre de nombreux défauts.
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Neuvième lecture de Sandor Marai, et ma passion pour cet écrivain ne se dément pas, bien au contraire. du côté de Stockholm il fut souvent évoqué mais non... Justice (c'est le cas de le dire avec La nuit du bûcher) lui est rendue car l'action se passe à Rome où un carme espagnol, 1598, prend en quelque sorte des leçons d'inquisition pendant quelques mois. C'est que les hérétiques sont nombreux en cette fin de XVIème Siècle et que l'Eglise veille au grain. Je suis donc resté à la même époque que mon dernier livre chroniqué, La Religion. Epoque troublée, mais toutes les époques ne le sont-elles pas? Sandor Marai, qui eut maille à partir avec le régime de son pays, a pas mal voyagé avant de décider de son ultime destination, choisissant la nuit en 1989 aux Etats-Unis. En 1974 c'est en Italie qu'il vivait lors de l'écriture de la nuit du bûcher.

Même si Bernardo Gui, le sinistre Grand Inquisiteur du Nom de la Rose, est évoqué c'est deux siècles plus tard que Marai a situé l'action de ce beau roman. L'auteur hongrois qui a beaucoup écrit sur les derniers conflits a également souvent utilisé L Histoire, Casanova par exemple dans La conversation de Bolzano.Le moine d'Avila est ainsi éduqué aux méthodes du Saint-Office pour faire avouer les hérétiques. C'est que c'est tout un art dans cette Rome où la délation va bon train, où l'on se dévisage plus que de raison, et où les orthodoxes de mardi peuvent devenir les déviants du jeudi. C'est en fait une longue lettre qu'écrit ce moine à son frère Urbain, dans laquelle il revient sur son accueil romain, son initiation près des confortatori, des prêtres mais aussi des notables réunis en une confrérie, et chargés de fortifier l'espoir des condamnés, bénévolement par charité chrétienne ou parfois par curiosité et voyeurisme.

le moine (on ne sait pas son nom) sera finalement admis à l'ultime nuit d'un des plus célèbres "giustiziabili", Giordano Bruno, qui malgré sept années de geôle et de torture ne se sera jamais repenti. La doctrine de Giordano Bruno n'est pas l'objet du livre. Mais le questionnement du moine, ses hésitations, ses doutes, ainsi que l'influence de l'écrit suite à la diabolique invention de l'imprimerie, sont par contre au centre du roman de Sandor Marai, lui aussi victime en d'autres temps de régimes inquisiteurs. En cela La nuit du bûcher est parfaitement en phase avec toute l'oeuvre de cet auteur, pour moi plus que majeur, de la Mitteleuropa si riche en bouleversements et en écrivains.
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On ne nait pas inquisiteur on le devient en se formant auprès de confrères expérimentés, c'est ce que recherche un jeune espagnol en allant à Rome perfectionner son art, à la source du catholicisme.

Par une lettre à un ami l'apprenti va conter son périple, son admission et son éducation par les meilleurs de la profession. Dès les premières lignes se dessine une personnalité déterminée, insensible au doute et à l'esprit étriqué, il a toutes les qualités recherchées associées à une docilité de bon aloi.
S'en suit le défilé fastidieux des hérétiques torturés et exécutés après des simulacres de procès qui n'ont pour but que de les voir reconnaitre leurs fautes avant la mort.
L'Inquisition est un totalitarisme qui veut extirper le mal absolu que sont les sectes diverses et variées du christianisme et toutes les pensées non orthodoxes. Comme dans tout système totalitaire chacun doit espionner ses voisins, ses parents, ses enfants et les dénoncer au moindre écart, la paranoïa doit être généralisée et générer la crainte dans les esprits y compris ceux des Inquisiteurs.

Au dernier jour de ses études notre débutant, fatale erreur, veut voir de plus prêt un hérétique condamné jusqu'à son exécution, le hasard l'amène face à Giordano Bruno qui est d'un autre calibre que celui des suppliciés ordinaires. Bruno inflexible jusqu'au bûcher va jeter un grain de sable dans l'esprit du jeune espagnol avec des conséquences imprévisibles.

La forme du roman n'en facilite pas la lecture, le récit épistolaire est lourd et étouffant, réflexions et dialogues retranscrits sont fastidieux. Certes Giordano Bruno n'est pas le sujet du roman, ses oeuvres philosophiques, mathématiques et sa vision du monde n'y suffirait pas mais l'on aurait aimé que l'auteur imagine un dialogue entre un inquisiteur et un penseur du génie de Bruno, une controverse de haut vol. Quant à l'issue du roman elle est inattendue mais sans grande portée.

La nuit du bûcher fut écrit en 1975 sous le régime communiste et il faut sans doute y voir une condamnation la dictature en place en Hongrie et des procès communistes mais le plaisir de lecture a été réduit en ce qui me concerne.
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Saisissant ! On a beau avoir entendu et lu bien des horreurs sur les pratiques de l'Inquisition, les descriptions de sévices physiques font froid dans le dos. Et en ce qui concerne les pressions psychologiques, ce n'est pas mieux.
Le style très direct, dépouillé, propose une lecture qui plonge dans l'atmosphère de l'époque où la "trouille" devait être partout dès lors que l'on sondait les convictions. Elles devaient bien souvent s'effacer devant l'affichage de croyances qui permettaient de rester en vie !
Il faut savoir cela pour comprendre que les perversions du monde moderne ne sont pas nées ex nihilo...
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