Soit l'histoire (très) romancée de Pier Francesco Orsini, duc de
Bomarzo et instigateur des fabuleux et surréalistes jardins du même nom encore admirés de nos jours. Un duc né dans une célèbre famille italienne et affublé d'une tare physique qui le complexera et influencera toute sa vie : une bosse.
Dans une Renaissance italienne où règne la loi du plus fort, où meurtres, trahisons complots politiques et religieux – y avait-il une différence entre les deux à l'époque ? – sont monnaie courante, naître avec un tel handicap va obliger Pier Francesco à tracer son chemin et prendre sa destinée en main de bien singulière manière…
Avec
Bomarzo, pas de doute, on embarque dès les premières pages dans la tradition de ces « romans monstres » dont les latino-américains ont le secret. de
Carlos Fuentes à Roberto Bolaño en passant par
Julio Cortazar ou
Gabriel Garcia Marquez, la liste des ces écrivains capables de créer des univers hors norme est longue mais
Manuel Mujica Lainez se montre à la hauteur avec un roman d'une érudition assez folle au service d'un destin plus grand que nature, le tout sur plus de 900 pages. L'auteur fait d'ailleurs preuve d'une imagination réjouissante, remplissant les nombreux blancs de la biographie de son personnage d'épisodes tour à tour grotesques, émouvants ou terrifiants ; mélangeant allègrement Histoire, science, magie ; convoquant une multitude de personnages célèbres.
Oui, il y a bien des richesses dans
Bomarzo. D'où vient alors que je ne sois pas totalement conquis par ce tour de force ?
Le rythme.
Manuel Mujica Lainez possède un style objectivement magnifique fait de longues phrases voluptueuses et labyrinthiques (chapeau bas au passage à la traductrice,
Catherine Ballestero). Mais il en abuse et cela rend la lecture parfois laborieuse : qu'on soit au coeur des batailles, au centre des complots ou dans des moments plus intimistes, tout se déroule implacablement avec le même tempo un peu « cotonneux ». Et l'excès d'érudition, la profusion d'adjectifs, de descriptions, de personnages ne font qu'ajouter au problème. Trop de noms, de parentèles imbriquées où l'on se perd en plus bien souvent, trop de tout. Il aurait clairement fallu choisir, tailler, dégraisser tout cela pour aller un peu plus à l'essentiel.
Aussi, malgré d'authentiques coups de génie, il reste un roman qui s'écroule parfois sous son propre poids. En ayant la dent un peu dure, j'ai plus eu l'impression d'un livre pour critiques qu'un livre pour lecteurs…
Un gros 4 étoiles pour l'ambition et les fulgurances, un petit 3 pour le plaisir de lecture.