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Catherine Ballestero (Traducteur)
EAN : 9782749173955
928 pages
Le Cherche midi (05/01/2023)
4.19/5   32 notes
Résumé :
Bomarzo est l'autobiographie imaginaire de Pier Francesco Orsini, prince de la Renaissance promis à l'immortalité par l'horoscope établi le jour de sa naissance à Rome en 1512.
Ecrit dans un style baroque effréné, ce roman est un fragment de l'histoire de la Renaissance italienne, une évocation minutieuse du passé où réalité et imagination, histoire et action s'entremêlent. L'auteur dépeint un personnage contrefait dont l'âme tourmentée est en perpétuelle con... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Publié en 1962, réédité en janvier 2023 par les éditions le Cherche Midi, Bomarzo a la réputation d'être un chef d'oeuvre de la littérature argentine. Lorsqu'on le referme, on se dit que cette réputation flatteuse n'est pas usurpée et qu'on vient de rencontrer un grand roman, un de ceux qu'on n'oubliera pas.

Bomarzo est un roman historique hors-norme, et pas uniquement parce qu'il se présente avec plus de neuf cents pages au garrot. Manuel Mujica Láinez a composé une fresque aussi flamboyante que captivante autour de la vie de Pier Francesco Orsini ( 1523-1583 ), duc de Bomarzo et condottiere, dont on ne sait pas grand chose si ce n'est que c'est le père du Parc des monstres, le jardin le plus extravagant de la Renaissance italienne avec ses sculptures monumentales taillées à même la roche à proximité de son château ducal.

La longueur du roman peut décourager mais dès les premières pages, le lecteur est ferré par l'extraordinaire ouverture qui présente l'horoscope commandé par son père à sa naissance, signalant d'importantes contradictions dans la cartographie de son existence à venir : promesse d'une réussite éclatante mais accompagnée de malheurs infinis, conjuguée à une mystérieuse absence de terme à sa vie ... comme s'il était voué à l'immortalité.

C'est le duc lui-même qui mène le récit, en surplomb, empli d'une sagesse qu'il n'est parvenu à acquérir durant sa vie mortelle. Inoubliable narrateur qui semble flotter au-dessus des âges, comme si l'immortalité promise était advenue et qu'il racontait depuis le XXème siècle, faisant régulièrement des références largement anachroniques ( par exemple à Nerval, « Je suis le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé, le Prince d'Aquitaine à la tour abolie ma seule étoile est morte, et mon luth constellé porte le soleil noir de la Mélancolie » , ces vers semblent avoir été écrits pour lui ).

« Quand on m'avait promis une vie éternelle, j'avais frémi d'arrogance folle, comme si on eût offert un incomparable instrument à mon désir de vaincre, d'imposer mon extravagance médiocre, tyrannique et absurde qui ne reculait pas devant le sang des autres, parce que mon pauvre corps s'alimentait de sang pour oublier sa pauvre forme et que mon âme, aussi mesquine que mon corps, avait été infectée par lui et s'était tordue comme lui. »

Le personnage du duc est fascinant. Figure maudite et complexe, il lutte toute sa vie pour surmonter sa difformité physique ( il est bossu et boiteux ), être aimé, célébré, reconnu sans jamais parvenir à maitriser un torrent d'émotions dévastatrices ( jalousie, envie, vengeance, désespoir ) le poussant au crime et à la dépravation morale, et l'amenant également à la magie noire et la recherche alchimique de la pierre philosophale.

Cette autobiographie monologuée ranime en technicolor toute la magnificence et la violence de la Renaissance italienne du XVIème siècle. Manuel Mujica Láinez parsème sa fresque panoramique de faits historiques marquants : le sac de Rome en 1527 par les troupes mutines de Charles Quint, le couronnement de ce dernier comme Empereur des Romains en 1530, la bataille de Lépante en 1571 voyant la victoire de la flotte de la Sainte-Ligue contre la flotte ottomane. le tout peuplé de très nombreux personnages des guerres d'Italie, les papes Jules II et Clément VII, le médecin Paracelse, Catherine de Médicis, l'orfèvre sculpteur Cellini, et toute la clique noble des Orsini, Colonna, Médicis ou Farnèse qui complotent, forniquent et assassinent à tour de bras. La prose baroque et fiévreuse de l'auteur finit d'emporter totalement le lecteur.

C'est d'une densité folle, d'une intensité rare, l'auteur trouvant un équilibre parfait entre fantaisie et érudition pour raconter dans les derniers chapitres la genèse détaillée ( et totalement fictive ) des sculptures réelles du Parc des Monstres : entre autres, un éléphant surmonté d'une tour crénelé, une sirène assise faisant un grand écart avec sa double queue, et surtout une tête monstrueuse à la bouche dantesquement béante dans laquelle on peut pénétrer ... autant d'énigmes, autant de secrets liés à la vie de Pier Francesco Orsini qu'a imaginé l'auteur avec un brio incandescent.

«  L'amour, l'art, la guerre, les espoirs et les désespoirs ... tout sortirait de ces rochers dans lesquels mes ancêtres n'avaient vu, depuis des siècles, qu'un désordre de la nature. Ils m'entoureraient et je ne pourrais mourir, je ne mourrais pas. J'aurais écrit un livre de pierres et serais la matière ce livre sans rival. »

Un régal !
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Bomarzo est une véritable parenthèse à la monotonie du quotidien, il vous transporte dans d'autres époques d'autres moeurs, loin des autofictions molles et vaporeuses.
La Renaissance du XVIe y resplendit d'hérésies baroques et de cruauté raffinée, Manuel Mujica Lainez nous promène entre la splendeur florentine, la volupté vénitienne et la solennité des ors romains avec une écriture classique d'une incroyable densité immersive. La galerie de personnages rencontrés ne manque pas d'offrir des tableaux de moeurs qui font mouche, on peut se sentir étourdi par la vanité, la férocité et l'opulence de ce monde.
Mais ces pages tiennent lieu avant tout d'autobiographie fictive.
Par un habile dispositif narratif, l'aristocrate Pier Francesco Orsini parcourt le labyrinthe de sa vie éclairé de sensibilité exacerbée collée à sa difformité physique et d'orgueil dynastique, d'ombres fantasques surgies de sa lignée prestigieuse et des fondations étrusques sur lesquelles repose le château de Bomarzo. Traversé par l'électricité d'une vie intérieure constamment attisée, il incarne à la perfection cet être meurtri et humilié pendant l'enfance qui n'a jamais su trouvé d'autres défenses que la prétention et une méfiance dévorante.
Toujours à flanc d'émotion, c'est un roman où l'égocentrisme et la frustration ne cessent de se heurter mais en goûtant à l'amer fruit de l'introspection rigoureuse, le narrateur lui donne une lucidité implacable.

Reste que cela ne dit rien de la fascination que suscite la construction imaginée par l'auteur. Dans cette fiction ample, précieuse, érudite, notre Orsini mal-aimé tient fermement les fils de la narration entre ses mains tout en s'amusant avec une temporalité singulière. En se prêtant à l'exercice autobiographique, la question métaphysique de la mort s'impose, comme à tout être humain, mais l'écrivain argentin a inventé une ruse pour domestiquer le sentiment du temps qui nous traverse, auréolant le texte d'une touche de mystère...

J'ai dévoré ce roman avec frénésie, la même qui accompagne les personnages de cette chimère, une fantaisie drapée dans un réalisme saisissant. En alchimiste averti, Manuel Mujica Lainez mêle toutes les matières réactives qui ont animé les riches familles séculaires comme les milieux d'affaire de l'époque, permettant à cette biographie de se déployer en-dehors d'elle-même et de projeter le narcissisme du rejeton Orsini dans un roman d'aventures palpitant.
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En préambule, je remercie Babelio et les Éditions du Cherche Midi pour cette magnifique découverte reçue lors de la dernière Masse Critique.

Difficile d'écrire une critique qui soit le reflet réel de ce que l'on ressent une fois la dernière page de ce livre tournée
Ce sentiment de refermer, de mettre non pas un point final sur une vie romancée mais des points de suspension....
Parce que la vie de Vicino Orsini continue de perdurer aujourd'hui avec cette part de mystère, que personne ne semble pouvoir élucider. Mais y a t-il un intérêt à vouloir impérativement comprendre au risque de perdre ce qui fait la magie d'un personnage, la magie d'un lieu, la magie d'un lieu et d'un personnage qui finissent par fusionner et ne faire qu'un...

Car c'est bien de cela qu'il s'agit un homme : Vicino Orsini et un lieu : Bomarzo

Ce que l'on retient de Bomarzo c'est ce fameux "Bois Sacré" : l'oeuvre d'une vie, l'oeuvre de Sa vie dans les deux acceptions. Alors comme ce lieu résiste à toutes les tentatives d'explications. L'auteur argentin Manuel Mujica Láinez, s'est lancé dans ce roman publié en 1962, le défi de lui construire une vie. Et qu'elle vie...
On traverse le 16 ème siècle italien. Et on y croise tout ce qui fait la richesse de cette époque, les artistes, les membres des grandes familles, les références à l'alchimie, l'occultisme, la médecine, la philosophie, les Lettres.
Ceux que Jean-François Saladin appelle dans don ouvrages éponyme Les aventuriers de la Mémoire Perdue.
Et tout cela dans les plus grandes foyers culturels de l'époque Rome, Florence Venise,...

Son roman ressort en ce début d'année dans une nouvelle collection baptisée Cobra dont le leitmotiv est le suivant :
Roman : "Récit contant des aventures merveilleuses. N'est-ce pas que cette définition vous semble, tout d'un coup, étrangère aux romans de notre époque ? La collection Cobra, elle, tiendra la promesse romanesque. Et tant pis si elle est inactuelle. Parce qu'au banal nous préférons le merveilleux, à la modestie la démesure. Nous prônons le fantasmé, l'irréel, l'allégorique. Autrement dit, nous prônons le retour au métier. Cobra, la piqûre de rappel"

Et bien c'est mission accomplie
Ce roman est absolument fantastique et baroque, foisonnant et érudit, complexe mais envoûtant, documenté mais jamais ennuyeux et pour ce qui est de l'allégorie on en est au paroxysme.

Le plus grand mystère entoure l'histoire de ce parc.
Vicino Orsini, selon une épigraphe découverte dans la pierre, disait l'avoir aménagé « seulement pour épancher son coeur ». Un coeur bien étrange, qu'on ne recommanderait guère pour modèle aux « enfants ». Ce prince fit sculpter, vers 1550, de gigantesques et monstrueuses statues. Taillées à même dans les blocs de rocher qui se trouvaient sur place, elles surgissent au milieu d'une végétation luxuriante, dans une nature très vallonnée.

L'ensemble devait présenter une signification symbolique qui nous échappe. Un parcours initiatique, dont le secret est perdu, ouvrait aux arcanes du parc. Faute de documents, mieux vaut se laisser guider par le hasard de la promenade, errer dans cette forêt parsemée d'apparitions à la fois merveilleuses et terribles. Merveilleuses au sens fort. E del poeta il fin la meraviglia, affirmait le Napolitain Giambattista Marino, et ce vers, écrit plus de cinquante ans après la création des monstres, pourrait leur servir de devise. « Le but du poète est la meraviglia. » Merveille : à la fois ce qui surprend, renverse par la nouveauté, l'insolite, et ce qui enchante par un pouvoir de séduction irrésistible.
Effectivement dans la végétation émergent :
l'emblème du site, appelé l'ogre et figurant la tête pétrifié d'un homme en train de crier. Sur sa lèvre supérieure, il est gravé la citation « OGNI PENSIERO VOLA » (chaque pensée s'envole), issue de « l'enfer », première partie de la « Divine comédie » de Dante Alighieri et dont le nom de « porte de l'enfer » également donné à la sculpture fait clairement référence.
Viennent ensuite pêle-mêle un cerbère à trois têtes, deux sirènes, trois ours héraldiques (jeu de mots sur Orsini), une Nymphe, un ogre dont la bouche est la porte et les yeux les fenêtres d'une cellule meublée d'une table et d'un banc de pierre, un dragon assailli par des chiens, un éléphant portant sur son dos une tour crénelée, un cheval ailé, deux sphinx accroupis, une géante assise, une maison construite exprès de travers, si inclinée et en équilibre si précaire qu'on se demande comment elle tient debout, une fontaine de guingois, surmontée d'un Pégase, une tortue au museau carré, surmontée d'une boule et d'une Victoire ailée, un Hercule de stature surhumaine, en train d'écarteler Cacus.

Comment expliquer une telle frénésie d'aucuns pensent àla presence toute proche du site archéologique de Tarquinia, certains évoquent que ce parc aurait été imaginé par son propriétaire suite à la mort de son épouse, une référence à l'ouvrage " le songe de Poliphile", à la « Jérusalem délivrée », du poème épique sur la première croisade écrit en 1581 par le poète Le Tasse. de nombreuses sculptures font également référence à des oeuvres des poètes italiens Arioste et Annibal Caro.
Ou alors comme l'évoque l'auteur de cette biographie romancée des épisodes marquants de la vie de ce fameux duc, depuis sa plus dure enfance et au fil de sa vie dans cette période riche de la Renaissance Italienne.

A la limite, peu importe, car lui qui serait né sous un horoscope qui lui prédisait l'immortalité, et bien au final elle lui est acquise, de la plus belle des manières.
La meilleure n'est pas celle donnée par Vicino Orsini, lui-même, sous la plume Manuel Mujica Láinez :
"J'étais saisi par une euphorie extraordinaire qui laissait loin derrière elle les essais esthétiques tentés jusqu'alors, le poème creux et rhétorique et les peintures destinées à répéter la geste redondante des Orsini. Cela m'appartiendrait à moi seul, serait unique ! Ce serait ma justification, mon explication, la prouesse exceptionnelle, le trait de génie inspiré qui placerait pour toujours Vicino Orsini dans le long cortège des siens, dont la fastueuse violence l'humiliait et qu'il avait tant de mal à suivre avec sa bosse et sa jambe traînante. Un livre de pierres. le bien et le mal dans un livre de pierres. La misère et l'opulence dans un livre de pierres. Ce qui m'avait laissé frémissant de douleur et de désir, la poésie et l'aberration, l'amour et le crime, le grotesque et l'exquis. Et à Bomarzo, dans mon Bomarzo."

Ce Bomarzo qui se visite encore et laisse un sentiment étrange et est destiné à rester un lieu empreint de charme et de mystère propre a générer des histoires et à solliciter l'imagination de chacun.
Un lieu qui mérite bien mieux que ce qu'on peut en lire dans les guides de voyages, ou de la place anecdotique qui lui est donnée, d'ailleurs Dominique Fernandez dit de Bomarzo : "Quelle pitié de lire les fadaises imprimées, quarante ans après, dans un guide de voyage français (« Voir », Hachette). « Le parc des monstres à Bomarzo, créé au XVIe siècle par un duc un peu fou, abrite des géants de pierre que les enfants aiment escalader. » La notice figure à la rubrique « la Rome des enfants ». À quels crétins confie-t-on la rédaction (ou la révision, celui-ci étant adapté de l'anglais) des manuels à l'usage des touristes ?"

Je conclue cette critique avec les mots de Vicino Orsini
" Ce dédale de gestes calmes et violents s'entrelaçait et se mêlait aux inscriptions que je rédigeai moi-même pour troubler le visiteur du labyrinthe, comme celles-ci :
Voi che pel mondo gite errando vaghi
Di veder maraviglie alte et stupende
Venite qua, dove son faccie horrende
Elefanti leoni orsi orchi et draghi 

Cedan et Memphi e ogni altra maraviglia
Ch'ebbe già il mondo in pregio al Sacro Boscho
Che sol se stesso et null'altro somiglia

(Vous qui par le monde vagabondez / Pour aller voir les merveilles les plus considérables / Venez ici, où se trouvent des visages horribles / Éléphants, lions, ours, monstres et dragons
Et Memphis et toute autre merveille / Que le monde honore déjà / Cèdent face au Bois Sacré / Qui ne ressemble qu'à lui-même et à rien d'autre)

Ou bien :
Chi con ciglia inarcate
Et labbra strette
Non va per questo loco
Manco ammira
Le famose del mondo
Moli sette
(Qui, au sourcil arqué / Et aux lèvres pincées / Ne va pas dans ce lieu / Ni même n'admire / Les fameuses du monde / Les Sept Merveilles)

Ou encore :
Tu ch'entri qua pon mente
Parte a parte
Et dimmi poi se tanteMaraviglie
Sien fatte per inganno
O pur per arte
(Toi qui entres ici l'esprit / Entièrement ouvert / Dis-moi alors si tant de / Merveilles / Sont faites pour la tromperie / Ou bien pour l'art)

Ou celle-ci, que je mise à côté du duel mortel des deux frères :
Se Rodi altier già fu del suo colosso
Pur di quest il mio Bosco anco si gloria
E per più non poter fo quiant'io pesso
(Si Rhodes fut jadis orgueilleuse de son colosse / Aussi de celui-ci mon Bois se glorifie / Et pour ne plus pouvoir je fais ce que je peux) "

PS : Quelques recherches sur Internet permettront à tout à chacun decouvrir ce statuaire étrange, ce bestiaire ésotérique et mythologique, ces références mystiques et ésotériques
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BOMARZO de MANUEL MUJICA LÀINEZ
Pier Francesco Orsini naît le 6 mars 1512, Jules 2 est pape, un pape guerrier qui vivait parmi les soldats, le Sultan Selim accède au trône, Michel Ange dévoile les plafonds de la Chapelle Sixtine et c'est la paix entre les Orsini et les Colonna!! L'horoscope de Pier Francesco est limpide, il aura une vie longue et austère, il a une particularité, il est bossu et traîne une de ses jambes, son père Gian Corrado le dédaignera dès le premier jour. En 1528, les Orsini, après le sac de Rome par les espagnols, s'installent à BOMARZO. le garçon a une grande proximité avec sa grand-mère Diane qui lui raconte l'histoire de la famille, des condottieri qui se vendent aux plus offrants et où l'inceste est fréquent. le blason des Orsini, c'est l'ours dont il sent l'odeur dans les couloirs du château. Diane lui offre une armure étrusque trouvée par un paysan en labourant les champs, par la suite on lui offrira régulièrement des objets de même origine bagues, casques, bijoux, statues etc…Il va rencontrer Benvenuto Cellini qui lui offrira une bague précieuse. Son père va l'expédier 3 ans à Florence chez les Médicis pour « apprendre la vie » il se liera d'amitié avec Alexandre et Hypollite qui n'auront de cesse de lui faire perdre sa virginité. C'est finalement Nuncia, l'improbable femme mûre qui veillait sur celle qu'il aimait, Adriana, qui s'en chargera après qu'il eut refusé les offres de Penthésilée, la somptueuse courtisane. Il a deux frères, Girolema qui reviendra de guerre couvert d'honneurs, prétentieux et odieux, qui mourra d'une chute de cheval pendant une promenade avec Pier Francisco qui aurait pu le sauver mais le laissera mourir sans lui porter secours et sans remords. Aussi, à la mort de son père c'est lui qui deviendra Duc de BOMARZO, son frère cadet Maerbele étant trop jeune( en fait il détruira un document de son père qui le déshéritait). Dès lors il sera le représentant officiel des Orsini auprès des papes et des rois ou de l'empereur Charles Quint. Il tombera amoureux de Giulia Farnèse à Bologne et demandera sa main à son père, elle a 15 ans, curieusement, il ne pourra pas l'honorer. Les années vont passer, Pier Franco va s'initier à la magie, blanche et noire, éliminer ses concurrents et se lancer avec passion dans la construction et l'aménagement d'un jardin plein de sculptures monumentales et effrayantes.
C'est un roman terriblement baroque qui fait la biographie romancée de cet homme difforme tourmenté par une sensualité à fleur de peau qui n'hésitera pas à tuer ou à faire tuer ceux qui le gênent dans ses projets. Maltraité dans son enfance, vivant au milieu d'hommes et de femmes pour lesquels la vie a peu de valeur et conscients de leur puissance, il va se tracer un chemin étonnant et solitaire.
900 pages d'une richesse qui éblouit, qui évoque avec force tout l'art de l'époque, tableaux et sculptures, joyaux et mobilier, 900 pages d'allégories qui font penser à Cortazar ou Borgès, pour rester avec les argentins mais aussi et peut-être encore plus à Umberto Éco dans Baudolino où le Pendule de Foucault.
Somptueuse reconstitution romancée de cette période où les papes se battaient et troussaient les filles comme les condottieri. Lisez ce roman vous ne pourrez l'oublier.
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Adepte d'une littérature historique très documentée, Manuel Mujica Lainez brosse un portrait envoûtant de l'extravagant aristocrate italien Pier Francesco Orsini. Ce livre, paru en 1962, habité pat de nombreux personnages historiques, riche de références et de citations érudites rompt avec les récits essentiellement centrés sur l'Amérique Latine. Avec Bomarzo, l'auteur entame une trilogie européenne, s'ouvrant à un humanisme plus universel. le narrateur semble être Orsini lui –même et joue avec l'unité temporelle donnant à L Histoire une conception moderne : elle contient des versions multiples, voire contradictoires. Un roman passionnant à l'esthétique sophistiquée, comme le siècle des sculptures du Bois sacré de Bomarzo.
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critiques presse (2)
RevueHistoria
16 février 2023
Quand Manuel Mujica Láinez, immense et tardif écrivain argentin, décide de s'attaquer au mythe du Sacro Bosco di Bomarzo, il sait que se dresse devant lui la légende de Pier Francesco Orsini, gouverneur de la province de Viterbe, qui a ordonné d'édifier en 1552, à la mémoire de sa femme morte prématurément, ce si étrange « parc des monstres ». Il fallait toute sa force baroque pour écrire ce roman flamboyant.
Lire la critique sur le site : RevueHistoria
LeMonde
06 janvier 2023
Plongée dans les cauchemars d'un fameux condottiere de la Renaissance. Le grand oeuvre de l'écrivain argentin mort en 1984 est heureusement réédité.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Sandro Benedetto, physicien et astrologue de mon parent Nicolas Orsini, le célèbre condottiere qui, après sa mort, fut comparé aux héros de l’Iliade, dressa mon horoscope le 6 mars 1512, jour où je naquis à deux heures du matin, à Rome. Trente-sept années auparavant, en 1475, également un 6 mars, également à deux heures du matin, Michel-Ange Buonarroti avait vu l’inquiète lumière du jour dans un hameau étrusque. La concordance ne dépasse pas la coïncidence fortuite des heures et des dates. En vérité, les astres qui présidèrent à nos apparitions respectives sur l’échiquier de la vie y disposèrent les pièces pour des parties bien différentes. Quand Buonarroti naquit, Mercure et Vénus s’élevaient, nus et triomphants, vers le trône de Jupiter. C’était le bal du ciel, la contredanse mythologique qui reçoit les créateurs presque divins. La gloire attendait celui qui ouvrait les yeux sous la splendeur du firmament, salle illuminée de tous ses candélabres entre lesquels, transparents, cérémonieux et lents, les dieux voguaient dans l’air scintillant. Quand je naquis, au contraire, Sandro Benedetto signala d’importantes contradictions dans la cartographie de mon existence. Certes, le Soleil, dans le signe de l’eau, renforcé par mon aspect favorable face à la Lune, me conférait des pouvoirs occultes et la vision de l’au-delà, de même qu’une vocation pour l’astrologie et la métaphysique ; certes, Mars, régent primitif de la Maison VIII, celle de la Mort, de même que Vénus, sa régente occasionnelle, étaient installés – Benedetto le souligna avec insistance – dans la maison de Vie, annulant ainsi leur pouvoir de mort ; de plus, leur aspect favorable par rapport au Soleil et à la Lune semblait m’accorder une vie sans limites, ce qui étonna ceux qui virent le manuscrit décoré ; Vénus, en bonne position face aux luminaires, indiquait une disposition pour les inventions subtiles de l’art. Mais il est aussi effroyablement vrai que le maléfique Saturne, agressivement placé, présageait pour moi des malheurs infinis sans que Jupiter, impuissant face à l’ingrate disposition des planètes, réussît à neutraliser ces infortunes annoncées. Ce qui étonna surtout le physicien Benedetto et tous les connaisseurs en ces graves choses qui virent l’horoscope fut, comme je l’ai déjà dit, la mystérieuse absence de terme à la vie – à ma vie – qui se déduisait de l’annulation de Vénus et de Mars (contredisant la nécessité logique de la mort) et, par conséquent, l’hypothétique et absurde projection de mon existence tout au long d’un espace illimité. Je sais que quelques experts critiquèrent le travail prolixe de Benedetto, dont je fis copier à fresque, un demi-siècle plus tard, les signes et les figures splendides dans une des pièces principales du château de Bomarzo. Ils alléguèrent que cette combinaison était impossible, mais la science de son auteur, tant de fois démontrée, ferma leur bouche bougonne.

(INCIPIT)
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Que signifiait ce portrait ? Que m’apprenait-il ? Debout devant l’autel, je m’efforçais d’interpréter son symbole. Voulait-il dire que face à notre vérité, que nous croyons unique, il existe d’autres vérités ? Que face à l’image que nous nous formons d’un être (ou de nous-mêmes) d’autres multiples images s’élaborent, provoquées par le reflet de chacun sur les autres, et que chaque personne, comme le peintre Lorenzo Lotto par exemple, nous recrée par son interprétation et son jugement en nous incorporant un peu de sa propre individualité, de telle façon que, si nous nous plaignons de ce que quelqu’un ne nous comprenne pas, ce que nous repoussons – ne voulant pas le reconnaître pour nôtre – est l’essence la plus subtile de sa richesse qu’il mêle involontairement à nous afin d’accorder ce que nous représentons pour lui à sa vision de la vie ? N’existerions-nous pas comme des entités particulières et indépendantes ? Chacun de nous serait-il le résultat contradictoire de ce que les autres font de lui, de ce que les autres forgent par besoin de transposition harmonieuse ressenti comme moyen de communication, par ce besoin de se voir soi-même en voyant l’autre ? Chacun de nous serait-il tous si nous sommes faits d’échos que les autres emportent avec eux ? Allons-nous de par le monde entre des miroirs déformants, étant nous aussi des miroirs ?
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Il toucha un ressort que je ne vis pas et un panneau de bois coulissa contre le mur. Il y avait à Bomarzo des couloirs et des chambres secrètes dont même les propriétaires ignoraient parfois l’existence, si vieux était le château ! Aux XIIe et XIIIe siècles par exemple, plus de cent propriétaires, descendants des nobles francs et lombards qui l’avaient habité dans le passé, vivaient sous le gouvernement d’un vicomte, d’un vice comes Castri Polimartii ; héritiers minuscules – dans certains cas leurs possessions n’atteignaient que la cinquantième partie de la seigneurie – entassés dans une promiscuité batailleuse, ils se détruisaient mutuellement pour des bagatelles et avaient multiplié les cachettes, percé les murailles de toutes parts pour se protéger les uns des autres et garder leurs médiocres trésors dans des terriers obscurs. Quand plus tard Bomarzo m’appartint tout entier, je découvris moi-même un passage souterrain qui faisait communiquer le château et le Bois Sacré dans la vallée et j’en fis grand usage.

Dans la cavité ouverte par le glissement du panneau travaillé, je ne vis qu’une épaisse obscurité. Mon père prit un candélabre, alluma les trois bougies et me poussa à l’intérieur. Il posa les lumières sur le sol et à leur éclat je découvris une pièce basse et vide, sans fenêtre, et qui sentait le moisi. Comme je me retournais pour implorer miséricorde, le regard de mon père et le mien se croisèrent une seconde ; il paraissait hésiter. Qui sait ? Peut-être en cet instant fugace perçut-il ce je-ne-sais-quoi qui émanait de moi comme un présage voilé ; mais il se reprit dans l’instant et la porte s’ajusta à l’ouverture. Je restai seul.

La pièce était complètement vide à l’exception d’une masse allongée à l’extrémité opposée ; j’approchai craintivement et poussai un cri. De même que dans le grenier aux coffres, ma voix stridente résonna sur les murs et se mêla à des éclats de rire que j’entendis dans la pièce où était resté mon père ; mais ce n’étaient pas seulement les siens, Girolamo était là sans doute, jouissant avec lui de ce qu’ils prenaient pour une bonne farce.
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D’une fourmilière italienne à l’autre, les fourmis allaient et venaient par tous les chemins. Elles avançaient en files ondulantes. Quand leurs caravanes se croisaient, elles s’arrêtaient pour se saluer et parlementer, puis continuaient leur route avec leurs chargements multicolores. Pour Dieu – et pour moi aussi qui revois aujourd’hui cet empressement à une distance qui égalise les orgueils –, les étendards semblaient des brins d’herbe et les seigneurs armés des insectes brillant au soleil d’hiver. Fourmillants, ils montaient et descendaient les collines, pénétraient dans des défilés, passaient à gué des rivières. Était-ce ici une feuille verte ou un dais ? Et là, une ville aux nombreuses tours ou une pierre tombée dans l’herbe ? Ils allaient et venaient, charriant des choses resplendissantes, mais on voyait qu’ils le faisaient sans plaisir, pour obéir à des ordres, à des coutumes, à des vanités. Une de ces fourmilières s’appelait Bologne et abritait une fourmi spéciale appelée Empereur.
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Le tendre paysage de la Toscane m’environnait avec ses ondulations soulignées par des rangées de cyprès. Il eût suffi de couvrir d’or le fond bleu du ciel pour transformer notre petit groupe en un de ces cortèges minuscules et bien détaillés qui avancent au-dessous d’anges rigides entre des escarpements, des vignes, des tours et des arbres triangulaires à travers les perspectives abruptes des peintures anciennes.
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