AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Beatus ille (21)

Vous, qui n’avez pas connu cette époque, qui aviez le droit de n’avoir pas de mémoire, qui avez ouvert les yeux quand la guerre était depuis longtemps finie et que nous étions, nous tous, condamnés depuis plusieurs années à la honte et à la mort, exilés, enterrés, enfermés dans des prisons ou dans l’habitude de la peur.
Commenter  J’apprécie          40
Elle m'appartenait sans limites maintenant, non pas à moi, qui allais la perdre, mais à la tendresse de mes yeux qui ajoutaient, à l'intérieur tiède de la voiture, des images nouvelles et inconnues à la silhouette de Mariana. Mariana de profil contre la vitre, ses mains relâchées ou fermes sur le volant, ses cheveux châtains relevés, puis tombant sur le front, et le geste rapide de sa main pour les écarter et revenir aussitôt se poser sur le levier du frein, son front, son nez et sa bouche, et de l'autre côté les rues de Magina, fugitivement reconnues, le cimetière, au loin, au milieu des terrains vagues, les ombres des tilleuls qui tour à tour dérobaient son visage et la rendaient à la lumière, son rire, quand elle arrêta la voiture devant la gare, comme si nous étions arrivés au point culminant d'une aventure.
Commenter  J’apprécie          40
Cela avait toujours été comme ça, pensai-je, l'effleurer de mes yeux et de mes mains et ne jamais franchir l'abîme qui sépare les corps quand ils sont si proches qu'un seul geste ou un seul mot suffirait pour déchirer la misérable toile d'araignée qui relie le désir au désespoir, quatre ans tout juste qui étaient réduits en cendres, qui disparaissaient, avec la froide et visible sérénité de ce qui est passé...
Commenter  J’apprécie          40
ce qui compte, ce n'est pas qu'une histoire soit vraie ou fausse, c'est qu'on sache la raconter
Commenter  J’apprécie          40
Vous souriez pour faire excuser vos mensonges, même pas pour les dissimuler, parce que vous avez toujours manqué du sens moral nécessaire pour distinguer ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, ou pour que vous vous en souciiez. C'est pour ça que mon pauvre mari s'excusait avant de commettre une erreur ou de dire un mensonge, jamais après. Pour lui, il n'y avait rien qu'on ne puisse lui pardonner. Jamais son sourire n'avait été plus candide ni plus charmant que le jour où il m'apprit qu'il avait vendu une propriété de mille oliviers pour s'acheter une de ces voitures italiennes, une Bugatti, comme on les appelait. Il partit avec elle et avec une fille à Monte-Carlo et revint au bout d'un mois sans voiture et sans fille, et bien entendu sans un sou, mais avec un smoking ultra-correct et un bouquet de glaïeuls, en souriant comme s'il n'avait fait le voyage de la Côte d'Azur que pour m'acheter ces fleurs.
Commenter  J’apprécie          30
C'était comme les autres fois, lors de toutes les années passées, quand je la raccompagnais jusqu'à la porte de chez elle en comptant les pas et les minutes qui restaient avant d'arriver et en sachant que je la laisserais seule chercher la clé de sa porte d'entrée, et que je rentrerais ensuite par les mêmes rues, en espérant, avec une sensation infinie de désir et d'échec, que les pas que j'entendais dans mon dos étaient les siens, que c'était sa voix qui me demandait de revenir avec elle, qui inventait une excuse, qui m'offrait un dernier verre. Tout comme alors, quand je me retournais en croyant qu'on m'appelait et que c'était elle qui prononçait mon nom, je l'entendis, proche et impossible, j'entendis son rire faire irruption dans la salle à manger, et quand je me retournai vers la porte, craignant que le mirage de sa voix ne soit qu'un des pièges habituels du désir, je les trouvai tous les deux, Mariana et Manuel, enlacés, et ils se séparèrent en me voyant, car ils ne s'étreignaient jamais en ma présence.
Commenter  J’apprécie          20
Alors sa mère, qui était à côté de lui, très raide, s'était couvert la figure des mains, et Minaya avait mis un peu de temps à comprendre que le bruit étrange et sec qu'elle faisait était celui de quelqu'un qui pleure, car jamais jusqu'à ce jour elle ne l'avait fait devant lui. C'était, pour la première fois, ces pleurs sans larmes qu'il devait apprendre à reconnaître et à épier durant de longues années et qui, comme il le sut quand ses parents furent morts et à l'abri du malheur et de la ruine, révélaient chez sa mère une rancoeur obstinée et inutile contre la vie et contre un homme qui était toujours sur le point de devenir riche, de trouver l'associé ou l'occasion qu'il méritait lui aussi, de briser le cercle de la malchance, ou d'aller un jour en prison pour une escroquerie sans envergure.
Commenter  J’apprécie          20
- Une Œuvre, Manuel, tout le monde cherche et a une Œuvre, avec un O majuscule, comme Juan Ramón Jiménez. Ils se promènent tous dans la rue avec le O du mot Œuvre au cou, comme si c’était le cadre du portrait sur lequel ils posent déjà pour la postérité.
Commenter  J’apprécie          10
Il n'y avait pas chez lui le prodige doré de la lumière électrique, et quand ses parents montaient se coucher ils emportaient avec eux la lampe dont la clarté jaune et graisseuse tremblait entre leurs voix endormies et allongeait leurs ombres dans la cage de l'escalier, et alors il restait seul dans la cuisine, éclairé par les braises du foyer et par la bougie qu'il allumait pour continuer à lire les aventures du capitaine Grant ou de Henry Morton Stanley, les voyages de Burton et Speke aux sources du Nil, jusqu'à ce que ses yeux se ferment. Il montait à tâtons dans sa chambre et (...) à peine s'était-il endormi, enfoncé dans un matelas de feuilles de maïs comme dans un lit de sable, son père frappait à la porte et l'appelait parce qu'il allait faire jour et que c'était l'heure de se lever pour harnacher la jument blanche et la conduire au champ.
Commenter  J’apprécie          10
Il n'y a rien d'autre que du temps stérile entre deux battements de cœur, entre une pilule et une gorgée d'eau, entre deux instants aussi dépouillés de substance propre que l'étendue d'un désert, mais lui, Minaya, ne le sait pas, et peut-être qu'il ne le saura jamais, car il croit encore que le temps est fait à la mesure de son désir ou de la négation de son désir et il scrute les horloges comme un astrologue, en cherchant à y découvrir la forme péremptoire de son avenir.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (159) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Littérature espagnole au cinéma

    Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

    Vincent Perez
    Olivier Martinez
    Viggo Mortensen

    10 questions
    95 lecteurs ont répondu
    Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}