AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mylena


Que dire ? C'est une lecture dont le lecteur sort lessivé ! Un récit labyrinthique, une chronique familiale qui s'étend de 1870 à 1960 environ. le mot chronique fait penser à quelque chose d'assez classique, ce qui est loin d'être le cas. le découpage du roman est déjà une parodie : cinq parties, de plus en plus courtes (environ 400 pages, puis 150 pages, et enfin 100, 50 et 30 pages). A moins que ce ne soit pour illustrer la perception du temps qui passe de plus en plus vite en vieillissant. Les deux sont possibles, et ne s'excluent pas. le point de vue narratif est complexe lui aussi, le narrateur est van qui raconte à la troisième parlant de lui, ce qui n'exclut pas quelques glissements à la première personne. Mais le roman est le texte après lecture par Ada, qui de temps en temps, l'annote et donne son point de vue. Il faut être très attentif à la lecture des premiers chapitres, d'abord parce que l'arbre généalogique qui est donné est inexact (c'est l'arbre officiel) et parce que c'est là qu'on comprend qu'Ada et van savent dès le début qu'ils sont frère et soeur. de quoi parle ce roman, au fait ?
C'est d'abord une superbe histoire d'amour un peu sulfureuse (bien moins que Lolita, Ada et van ont le même âge et en plus, censés être seulement cousins). Ada et van vont être séparés plusieurs fois, pendant de longues périodes, et finir par se retrouver vers 50 ans pour finir leurs vieux jours ensemble. Mais ce n'est pas que ça. Toute l'histoire se passe dans un univers parallèle, imaginaire, sur la planète Antiterra dont la géographie, la géopolitique et l'histoire ne coïncident pas tout à fait avec ce que l'on connaît. Sur Antiterra pas d'électricité, mais il y a des avions, Proust est un écrivain du XIX siècle, et c'est une femme qui a écrit les nouvelles qui pour nous sont De Maupassant. Pour les habitants de cet univers Terra est un mythe, et pour ceux qui y croient une sorte de Paradis, assez semblable à notre Terre en fait, ce qui en fait un drôle de Paradis ! Mais surtout, surtout, ce livre est d'une lecture terriblement difficile tant il foisonne d'allusions littéraires, botaniques ou autre, jonglant entre français, anglais, russe (plus parfois italien ou allemand) pour faire des jeux de mots, des anagrammes, des blagues. C'est d'une érudition incroyable, les notes de Vivian Darkbloom (anagramme de Vladimir Nabokov) m'ont particulièrement énervé, il faut dire que je comprends le russe et qu'elles ne me servaient pas à grand-chose. Par contre j'aurai aimé avoir des notes en bas de page pour ce que je ne comprenais pas en anglais ! Il y a bien plus que dans Lolita des digressions (les écrits de van sur … la texture du temps ! Un pastiche ?) et des références littéraires, mais là elles peuvent être fausses. Il y a des moments où le lecteur n'est pas loin de l'indigestion, malheureusement surtout quand van et Ada sont ensemble, car c'est un peu leur langage codé, mettant le lecteur à distance. Quand on comprend c'est superbe, inventif, jubilatoire, on se sent en connivence, mais quand on ne comprend pas, cela paraît suffisant, condescendant, limite imbuvable, mais … on continue à lire et on aime ça ! Je précise que van et Ada sont plutôt détestables, lui est assez fat et imbuvable et elle assez manipulatrice et perverse. Pourquoi ai-je été jusqu'au bout dans de telles conditions ? Parce que l'écriture est virtuose, qu'il y a des descriptions d'une puissance à couper le souffle, parce que l'auteur ne se prend pas au sérieux. Je ne conseillerais pas de commencer par ce livre-là sans avoir rien lu d'autre de Nabokov. Une lecture énervante, mais que j'ai quand même adoré. Et j'ai du mal à croire qu'Ulysse soit plus dur à lire !
Commenter  J’apprécie          316



Ont apprécié cette critique (30)voir plus




{* *}