Très très joli album que celui-ci. J'avais flashé dessus depuis un petit moment et la lecture fut particulièrement savoureuse. Je n'ai encore lu aucun récit de Nadar, mais je sens ici une touche plus personnelle qui n'est pas pour me déplaire.
J'ai bien sur entendu parler de la crise économique espagnol, qui fit tant de ravages dans le pays. le chômage des jeunes a explosé littéralement, donnant des scènes de milliers de jeunes dans les rues, désoeuvrés et attendant de trouver un travail s'il en reste. C'est une vision assez dure dont je garde des souvenirs.
Ici, la BD se concentre sur trois personnages différents qui vivent cette crise de l'intérieur. Ou plutôt qui subissent un changement de société qui s'amorce en Espagne. Une façon de comprendre que désormais, il est possible que nos études deviennent inutiles, qu'on fasse des boulots alimentaires à la chaine sans passion, que l'on déménage du jour au lendemain pour correspondre au offres du marché, que l'on doive se couper de ses liens familiaux, amicaux, tout ça pour suivre l'emploi, le saint emploi.
Évidemment, vu mes convictions politiques, cette BD est dans l'axe que je connais déjà. Mais elle sait se faire intéressante en présentant trois façons différentes d'aborder ces soucis, mais aussi en nous représentant les diverses façons d'être coincé : question de couples, de reprises d'études, de personne à charge, de parents inquiets pour l'avenir de leurs enfants ... Tant de choses que je peux comprendre pour en avoir fait (ah, le management des centres d'appels ... horrible souvenirs) mais aussi que j'ai vu autour de moi. Les sur-diplômés qui vendent des sandwichs ou se retrouvent à marteler des chiffres sur un clavier jusqu'à l'abrutissement, j'en ai vu. Et je comprends tout les points soulevés par la BD : "je mérite mieux, enfin, je crois. Après tout, c'est pire ailleurs. Et qui me dit que demain ça sera pas encore pire ? J'ai déjà ça, c'est bien." Cette situation provoque des colères, des envies envers ceux qui ont plus, du ressenti envers soi-même. Mais rien n'est question de mérite ou de travail, surtout de chance, comme le dit si bien la fin de la BD. Une stupide chance que certains ont et d'autre non, tout simplement.
Je n'en ai pas tant parlé, mais les histoires sont très sympathique. Des tranches de vie mais qui sont toutes avec une fin, ce que j'apprécie, et une sorte d'optimisme final qui prédomine. C'est aussi très lisible au niveau du dessin, qui exploite peu le format à l'italienne mais qui utilise surtout des très grandes cases assez aérés, une façon de faire que je n'avais pas vu depuis très longtemps.
C'est le genre de BD qui n'intéressera que des gens déjà intéressés par le roman graphique de base, mais reste dans les bons crus du genre. Lisible, clair, au propos très sympathique, assez bavard aussi, mais avec de la tendresse. C'est un bon aperçu de ce que peut être la vie de jeunes gens d'aujourd'hui, une vie ni ratée ni réussie, une vie ordinaire. J'ai beaucoup aimé !
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Les histoires se déroulent en Espagne mais elles pourraient se dérouler en France tant les difficultés et désillusions narrées ici sont rencontrées également par certains jeunes Français. Les trois instantanés de vie qui sont proposés ici permettent à l'auteur d'évoquer toutes les conséquences de la crise économique sur la vie des jeunes, qu'ils soient diplômés ou non : le déclassement, la tentation de "l'exil économique", le rapport aux parents, le sentiment de honte ou de gêne vis-à-vis des amis. La première et la troisième histoire laissent affleurer un peu d'espoir alors que la deuxième laisse une impression plus noire. le dessin est un peu inégal et je n'y ai pas vraiment accroché. La bande dessinée se termine sur un entretien avec un sociologue qui permet d'éclairer les aspects sociaux de l'histoire et de proposer une intéressante mise en perspective.
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La crise économique est passée par là. Trois histoires de jeunes Espagnols, en mal de travail. L'un ne trouve à être employé comme ingénieur qu'en Estonie. L'une se morfond comme téléopératrice pour vendre des assurances vies. Et l'autre finit comme gigolo.
Le monde du travail n'est pas si souvent abordé dans la fiction. Un univers réaliste et universel.
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Chronique sociale parfaitement réaliste, Le Monde à tes pieds dresse un portrait générationnel touchant.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
es héros, tout comme ses seconds rôles, sonnent très juste, ils ressemblent forcément à quelqu’un que l’on connaît.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Peut-être passerez vous à côté de cet album, rangé dans un coin, néanmoins, je vous encourage à vous pencher sur cette couverture et à entamer cette lecture... Vous m'en donnerez des nouvelles !
Lire la critique sur le site : Sceneario
Mini-trilogie moderne, cruelle et douce comme seule la complexité de l’âme humaine peut l’être, Le monde à tes pieds se révèle être une œuvre totalement aboutie.
Lire la critique sur le site : BDGest
- Bouger ? Mais vers où ? Je crois qu'on peut rien changer. Lorsque tu pars en croisade, la première chose que tu dois savoir, c'est qui est ton ennemi, non ? Et là, personne ne sait qu'il faut attaquer. C'est pour ça que personne ne fait rien. On est aveugles. J'ai l'impression que tot le monde est coupable et en même temps innocent, je sais pas. C'est bizarre.
Parlons de mensonges. D’une génération qui cloue le bec à l’autre pour se justifier. « Vous n’avez jamais manqué de rien ». Entre les lignes, ça veut dire : « Alors ne te plains pas et ne me juge pas ». Je dis que c’est super que tu aies fui les franquistes ou que tu aies commencé à travailler à douze ans… Félicitations, on dirait même que ça t’a plu ! Mais sache que nous aussi, on nous a tabassé dans les manifestations, si c’est ce dont il s’agit ! Mais, oh, vous êtes les grands héros de notre société, les grandes victimes ! Vous méritez tout ! La seule chose que vous voulez en disant ça, c’est vous justifier, vous légitimer. Démontrer que, même si vous vivez comme des bourgeois, vous êtes des gens de gauche qui se sont sacrifiés pour le pays, allez !
On est de grandes machines qui fabriquent des rêves et des désirs… tout ça parce qu’on croit qu’on « mérite » quelque chose. On grandit avec ces idées de réussite et de prospérité. C’est un énorme mensonge qu’on s’inflige à nous-mêmes
Tu vois, on aime croire que ce qu’on obtient dans la vie, on l’a acquis à la sueur de son front ou qu’on le mérite, ce genre de choses… Sauf que, parfois, tu sues et tu travailles tout ce que tu peux, tu te défonces jusqu’à plus en pouvoir et ça change rien
Le monde ne manque ni de bouchers ni de bourreaux, ne sois donc ni l'un ni l'autre.
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