Tu sais ici on refuse de se donner un seul rôle, une seule histoire, un seul prénom.
Tout le monde n'est pas fait pour tout quitter et reconstruire ailleurs, il faut beaucoup de courage, et moi je n'en ai pas beaucoup. Juste ce qu'il faut pour tenir un jour après l'autre. Une toute petite dose de courage pour chaque jour. Pas cette force que vous avez. Qu'est-ce que vous faites ?
Qu'est-ce que vous faites ?
Vous n'allez pas me prendre sur votre dos, qu'est-ce que vous faites ?
A un moment, la nuit finit par reprendre ses droits. Retour au royaume des insectes intrépides. Grouillements, frôlements, ronflements.
Depuis que je suis partie, j’ai déjà changé de peau plusieurs fois. Et j’ai déjà changé de monde.
Est-ce que j’ai changé le monde pour autant ? Quand je ferme les yeux, de nouveau, les femmes et les hommes sont des arbres centenaires, rangés en ordre de bataille. Avec cette force. Avec cette dignité.
Il parait que parfois la forêt nous échange. On se retrouve en pleine nuit avec les émotions d’un autre et il faut faire avec un nouvel amour à nos yeux.
Avec un nouveau rôle à tenir jusqu’au prochain embranchement. (p. 103)
Il faudrait devenir cracheurs de feu. Cracheurs, au visage des mous et des sceptiques. Brûleurs de tièdes. Il faudrait devenir danseurs nus dans les flammes et sorciers-sorcières pour frapper l’attention et mettre en garde. La nouvelle température, c’est nous ! L’avenir, c’est nous ! (p. 72)
Moi c’est perce-neige.
J’aime l’idée du combat, et celle de la délicatesse.
Mais on ne chante pas à la place de l'oiseau.
Nous avons gagné.
Nous avons gagné parce que nous sommes devenus une possibilité, là où il n'y avait aucune alternative.
Nous avons fissuré le béton avec la force de nos racines.
Nous avons bourgeonné dans les massifs de fleurs nobles.
On dit qu'on fait rêver, qu'on fait peur.
On dit que la forêt avance, grossit. On dit que la zone s'étend.
On dit que dans d'autres pays ils ont inventé la même chose.
Il n'y aura pas d'entretien d'embauche.
On ne va pas remplir des petites fiches avec vos noms.
On ne va pas vous évaluer tous les trimestres.
On ne va pas entrer dans un ordinateur les chiffres de ce que vous aurez produit.
Soyez là, c'est tout. Soyez les habitants de la clairière.