New York Times Book Review. 1921-1923, 1925, 1929, 1948, 1951-1952, 1956, 1962-1964, 1966-1976

Cette image me suffit pour détester la guerre, ne serait-ce qu'une guerre rien que pour ça, c'est à détester le genre humain. Cette image me revient sans cesse, obsessionnelle, ébranlant nos consciences comme le chaos le plus glacial. Elle a fait le tour du monde. Nous sommes début mars 2022. Je ne sais pas s'il fallait la montrer . En tout cas, les sacs scolaires jonchant le sol ont eu froidement leur effet, c'est ce qu'il y a de plus dégueulasse à voir, de plus horrible dans une vie, dans celle de Sergei, alors qu'il est à Donetsk depuis la mi-février pour aider sa mère qui a attrapé la covid, alors qu'on imagine déjà les manoeuvres militaires des russes à la frontière, observée par les américains ou qui les a intrigués. Je ne dis nullement cela pour ajouter de l'innocence à Sergei qui comme tout le monde à ce moment là ou presque avait fort à faire avec sa vie propre ayant son lot de souffrances ou de vicissitudes..

Sergei s'est donc retrouvé coincé à l'ouest par le déclenchement de cette guerre, laissant sa belle famille à Irpin au nord-ouest de Kiev.

Irpin est cette ville qui crie victoire aujourd'hui puisqu'elle vient d'être reprise aux russes, à cause du départ de ceux-ci en fait partis renforcer les forces militaires basées à l'est. Mais pour Sergei, c'est le 11 mars je crois qu'il voit l'image, soit cinq jours après les faits. Bien sûr que pour lui elle résonne davantage que pour n'importe quel lecteur, elle est là dévastatrice, qu'est-ce qui peut arriver de plus important après ça ? Il était inquiet quand sa femme qu'il a laissée là-bas avec ses deux enfants pour rejoindre sa mère en difficulté, ne répondait plus à son message, s'emparait de tout ce qu'il pouvait apprendre de cette guerre à son endroit : il reconnait sur la photo largement partagée les sacs scolaires des enfants. Il est anéanti, il voit sa femme Tatyana, 43 ans, son fils Nikita, 18 ans, Alise, 9 ans gisant au sol dans une rue d'Irpin où même pas un oiseau ne rode. Il y avait les valises à côté, le chien dans la caisse de transport qui aboyait à la mort, apprendra-t-on après, bien triste symbole ! comme on apprendra que c'est un obus de mortier qui a causé la mort de toute la jeune famille qui voulait fuir la guerre, fuir l'endroit trop dangereux, à la merci des bombes.

Un documentaire passe depuis sur les écrans où l'on voit Sergei raconter son histoire tant bien que mal, dans la pire détresse qui soit, montrant les sacs de ses enfants qu'il a récupérés. Il dit à la question du reporter ne pas pleurer devant ses amis et ses collègues pour ne pas atteindre leur moral, ce ne sont que des hommes, courageux certes .. Il dit pleurer quand il est seul ..

Que puis-je ajouter à cela ? je m'en tiens aux faits qui circulent dans les médias. Je ne vais pas profiter de cela pour ajouter mon couplet. Si, j'ai envie d'ajouter ceci quand même.. et puis non, c'est bon ! Je m'interrogeais sur l'utilité précisément de raconter ce récit foudroyant avec ma bonne mine laissant Sergei à son triste sort, rien de moins objectif ! le temps est peut-être venu d'agrandir le champ sur Irpin qui a fait 200 morts depuis le début de la guerre .. @PatriceG, 31 mars 2022.