Bidoche

Un système qui a oublié à ce point les bases de la vie est dangereux pour tous.

En admettant que la Chine maintienne une croissance élevée, de l’ordre de 8% l’an […], elle ne tarderait pas à devenir un cauchemar planétaire. En 2031, en effet, elle rejoindrait le revenu américain annuel par habitant de 38 000 dollars. Et en admettant qu’elle aligne ses standards alimentaires sur ceux des Etats-Unis –du lait, des œufs, de la viande-, elle consommerait alors par an et par habitant l’équivalent de 935 kilos de céréales. Soit au total 1,352 milliard de tonnes ! Soit les deux tiers de la production mondiale de 2004 !

Peut-on décemment continuer à « élever » en Bretagne, qui représente 6% de la surface agricole française, 60% des porcs et 40% des poules pondeuses du pays ? Nous sommes hélas placés à l’endroit idéal pour qu’une bombe virale explose en France sans qu’aucune autorité sanitaire ne soit capable d’y faire face. Ajoutons, parce que c’est vrai, qu’on souhaite se tromper.

Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas de fer. Jamais de fer ! Le fer rougit la viande du veau qui sera égorgé, et alors la consommation baisse, car l’axiome est que le consommateur « veut » de la viande blanche. Sinon, il passe aux topinambours. Pas de fer, donc pas de foin, qui en contient. Un veau laissé libre, ce qui n’arrive presque jamais, commence à ruminer très tôt. Mais pour cela il lui faut des aliments solides, qu’il mangerait volontiers dès l’âge de 2 semaines, progressivement.
Ce serait insupportable. On lui donne à manger des aliments liquides, dans une poche plastique. Le besoin de téter doit être éradiqué, et l’est. L’idéal, qui n’est pas toujours atteint, c’est d’entraver le veau. De l’attacher de façon à éviter que ses petits mouvements désordonnés dans l’espace concédé ne conduisent au développement des muscles. Si le sang circule dans le corps et les muscles, malheur ! La viande sera forcément rosacée.

[A propos du clonage] Et si l’on se passait des animaux ? Et si l’on pouvait enfin tuer sans remords, et ramener définitivement la bidoche à cette chose triste et sale que l’industrie de l’agriculture nous oblige à consommer ?

Les intérêts en jeu dans l’industrie de la viande sont devenus tels que personne, en l’état, n’a « intérêt » à ce que les choses changent. A part bien entendu quelques noyaux classiques de refuzniks. Non, rien ni personne ne semble pouvoir enclencher le moindre mouvement vers un horizon qui soit acceptable et seulement possible. On peut et on doit même appeler cela une impasse. Une impasse d’autant plus tragique que le recours à la technologie reste possible, au moins pour gagner quelques années.

Un canard gavé, et qui va mourir pour nous, halète. Les chercheurs de l’Inra jugent ce phénomène naturel. Dans un article qui mérite à coup sûr la médaille d’or – « Le Gavage est-il indolore ? »-, Jacques Servière, Daniel Guémené et Gérard Guy écrivent avec une belle conviction : « Le halètement en fin de période de gavage n’est pas un indicateur de douleur. » L’oiseau gavé, en ouvrant le bec et en haletant, éliminerait la chaleur qu’il ne parvient pas à éliminer autrement, faute notamment de glandes sudoripares. Le halètement serait, à en croire nos chercheurs, « naturel ».
Bon sens ? Les animaux réagissent en réalité à un formidable stress thermique provoqué par le surplus d’alimentation. Ils halètent pour la raison qu’ils ont bien trop chaud d’avoir tant ingurgité, et parce que leurs sacs aériens sont tout comprimés. Ils halètent, mais ce n’est pas grave, car ils vont mourir.

En 1986, Ronald Reagan, dont il n’a échappé à personne qu’il a le même prénom que la mascotte de McDo, embauche un nouveau ministre : Richard Lying. Pas tout à fait nouveau, car Lying a été sous-secrétaire d’Etat, sous les ordres de Block, entre 1981 et 1986. Et, avant cela, un gros paysan industriel comme les aime tant l’Amérique. Mais pas seulement : de 1973 à 1979, Lying a aussi été président de l’Institut américain de la viande, le plus gros lobby de la bidoche outre-Atlantique.
Reposons la question de départ, en la modifiant un peu : les Américains sont-ils bien protégés contre d’éventuels effets de la consommation de viande ?

[…] en l’absence de contamination, la concentration [en nitrates dans les eaux de rivière et de nappe] oscille entre 0,1 et 1 milligramme par litre. Or l’Union Européenne impose une valeur guide à ne pas dépasser, idéalement, qui est de 25 milligrammes par litre. A 50, ce qui arrive désormais fréquemment, l’eau n’est plus légalement potable. En Bretagne, et en une moyenne annuelle qui cache bien des surprises, la concentration de nitrates dans l’eau est passée de presque rien en 1971 à 25 milligrammes en 1981, puis à près de 40 en 1996. […]

Comme nul ne sait bien comment habiller un tel fiasco, on en rajoute dans des formes extravagantes de présentation. Un document de la Direction régionale de l’environnement en Bretagne note par exemple que « 31 stations sur 50 suivies en 2007 respectent le bon état (

En 1945, aux Etats-Unis, un gros élevage de poulets pouvait atteindre 500 têtes. Aujourd’hui, il atteint couramment 80 000 et peut aller jusqu’à 150 000. On ne parvient pas à un tel résultat sans en concéder le prix. Dès les années 1940, dès la découverte du miracle de la pénicilline, on utilise les premiers antibiotiques pour soigner les maladies bactériennes du bétail. Mais, dès le début des années 1950, des petits malins ont compris qu’en ajoutant régulièrement des antibiotiques à la ration alimentaire des animaux on obtenait une augmentation de leur poids final. Les antibiotiques, pour notre malheur, sont des facteurs de croissance.