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Citations sur Le bureau d'éclaircissement des destins (278)

Après la guerre, des milliers de criminels nazis ont trouvé refuge en Amérique du Nord, en Amérique du Sud ou au Proche-Orient, empruntant les ratlines, ces filières d’évasion qui passaient par le Tyrol du Sud et l’Italie, reposaient sur le concours de certains représentants du Vatican et la distraction de la Croix-Rouge internationale. La guerre froide redessinait l’échiquier politique. Beaucoup étaient prêts à tendre une main charitable aux ennemis d’hier. N’avaient-ils pas été les avant-postes de la lutte contre le communisme ? Cette opinion prédisposait les délégués suisses à accorder avec libéralité leurs documents de voyage, et certains prélats à pardonner quelques excès aux croisés d’Hitler, surtout s’ils rentraient dans le giron de l’Église. Pour les services secrets américains, leur expérience de l’Est s’avérait précieuse. Et il ne manquait pas de dictateurs en Libye, au Paraguay, au Brésil ou en Argentine pour les accueillir à bras ouverts. La realpolitik avait beau se planquer derrière le roman national, celui qui s’y cognait comprenait vite que le jour du Jugement n’était pas près d’arriver. Les industriels enrichis par le travail forcé prospéraient à l’abri des démocraties, la science se félicitait discrètement des progrès accomplis grâce aux expériences des camps, on recyclait le savoir-faire des génocidaires pour d’autres conflits. Les cendres des victimes étaient balayées sur l’autel de nouvelles alliances et de marchés prometteurs.
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Après avoir raccroché, elle visionne un film de Rudi Winter qu’elle a loué sur une plate-forme. Le titre a attiré son attention : Vergissmeinnicht. « Ne m’oublie pas », le nom allemand du myosotis. Le documentaire a été tourné à Dresde, dans une clinique pour malades d’Alzheimer où l’on a recréé un décor de la RDA, avec papier peint et mobilier d’époque. Le directeur explique que ces repères du passé rassurent les patients. Au contact d’ustensiles familiers, ils retrouvent la mémoire de certains gestes. Rudi Winter filme les visages de ces hommes et de ces femmes dont la mémoire s’émiette. Il s’attarde sur le regard d’un vieillard captivé par l’histoire que raconte sa petite-fille. Sur l’expression butée d’une dame qui refuse de sortir de sa chambre. Les larmes d’une pensionnaire, à l’écoute d’une mélodie de Chopin. Irène sent qu’il s’efforce de comprendre ce que cette maladie fait aux êtres, ce qu’elle érode ou met au jour. Sa voix accompagne certains plans : « Ils ressemblent à des îles qui se détachent peu à peu du continent. Jusqu’au moment où ils dériveront loin de nous, toutes amarres tranchées. Peut-être faut-il renoncer à ce que l’on sait d’eux. Les réapprendre, les aimer autrement. Dans leur nudité, leur fragilité, leur cruauté, leur angoisse. À travers un geste, la densité d’un instant. »
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— Au départ, ce n’étaient que des rumeurs persistantes. Des enfants « de bonne valeur raciale » auraient été raptés par les nazis dans les pays occupés, pour être élevés par des familles allemandes. Ça ressemblait à un conte de Croquemitaine… Et puis des milliers de photos d’enfants ont afflué des pays de l’Est et des pays baltes, et il a fallu se rendre à l’évidence. Aujourd’hui, on estime à deux cent mille le nombre d’enfants kidnappés.
— Deux cent mille ! s’exclame Irène.
— Vertigineux, n’est-ce pas ? Himmler avait ordonné à ses SS de « voler le sang pur » partout où il se trouvait. Ils repéraient les enfants de deux à douze ans qui avaient des traits « aryens ». Ensuite, avec les infirmières nazies, qu’on appelait les sœurs brunes, ils raflaient les mômes dans les écoles, les orphelinats, parfois en pleine rue.
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Parfois elle redoute de perdre toute confiance en ses frères humains. De ne plus les voir qu'à travers le prisme des sociologues du génocide: de futurs assassins, une fraction de Résistants, et le restant de bystanders: des observateurs, oscillant de la trouille à la participation active aux larcins et aux meurtres.
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C’est ce que vous faites, ici ? Chercher les morts ?
– Oui. Mais quelquefois, en cherchant les morts, on trouve des vivants.
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- Ça me rend fière, murmure Julka, les yeux brillants. Je n'avais jamais entendu parler de ces Résistantes de Lublin. J'imagine qu'elles n'ont pas survécu ?
Irène la rassure, la majorité a survécu. Elles ont trouvé la force de résister ensemble. Chaque geste de révolte affirmait qu'elles n'appartenaient pas à leurs bourreaux. Fou de rage, le commandant du camp avait baptisé leur baraquement "le block des bandits". Au lieu de les briser, les châtiments ne faisaient que les souder davantage. Elles sont allées jusqu'à manifester en béquilles devant le bureau de la Komandantur.
- Incroyable ! s'écrie la jeune fille. On devrait raconter cette histoire aux manifestants de la marche noire.
- Julka, tu ne vas quand même pas comparer la résistance de ces déportés à votre marche pour le droit à l'avortement, intervient Roman, choqué.
- Tu me crois assez bête pour mettre le PIS et Ravensbrück sur le même plan ? lui répond-elle du tac au tac en polonais. Le contexte n'a rien à voir, bien sûr. Mais que ces Résistantes aient eu le courage de manifester dans un lieu où elles n'avaient que le droit de mourir, moi je trouve ça inspirant. Je me dis que nous, aujourd'hui, on n'a pas d'excuse pour être lâches. On doit défendre nos droits quand ils sont attaqués.
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Même si on ne répare personne, songe Irène en s'essuyant les yeux, si l'on peut rendre à quelqu'un un peu de ce qui lui a été volé, sans bien savoir ce qu'on lui rend, rien n'est tout à fait perdu.

( p.396)
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- J'aimais ma grand-mère, mais elle avait des mots très durs envers les Juifs.C'est étrange, parce qu'elle raffolait de la musique klezmer.C'est elle qui m'a fait découvrir la cuisine ashkénaze. Aujourd'hui, cette histoire trouble mon amour pour elle...

( p.216)
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L'émotion d'Agata cueille Rudi par surprise. Dans le creux laissé par sa grand-mère adoptive, une tante polonaise vient de se glisser, avec son regard délavé, son accent mélodieux. Il se penche, intimidé, et elle le serre dans ses bras.
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La realpolitik avait beau se planquer derrière le roman national, celui qui s'y cognait comprenait vite que le jour du Jugement n'était pas près d'arriver.
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