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Critique de Amakir


Amakir
24 septembre 2019
Stupeur et tremblements, ce titre pour souligner le trouble face à un acte de soumission.

"Je pris donc le masque de la stupeur et je commençais à trembler."

Conjointement à la force de cet adage, dont j'aime la symbolique, je suis fascinée par l'accouplement de ces deux mots. Un singulier et un pluriel doublés d'un féminin et d'un masculin. Ce mariage apporte un bel érotisme au sens premier attaché à la peur.

Bien que charmée par le thème et l'écrivaine, je ne lis ce roman qu'aujourd'hui. J'ai découvert Stupeur et tremblements par le cinéma, dont l'interprétation par Sylvie Testud et la qualité de mise en scène par Alain Corneau m'avaient séduites. J'avais dû cependant voir et revoir les premières vingt minutes plusieurs fois, suite à un épisode technique fâcheux qui a failli avoir raison de ma patience.

De ce roman, j'aime un ensemble harmonieux. La qualité d'écriture de Nothomb dévoile une sensualité à fleur de peau.
La peau étant ma fleur préférée, j'ai apprécié être dans la sienne, avec l'empathie qui fait de nous, lecteurs, des êtres sensibles.
Un vocabulaire de choix, quelques mots qui portent le sourire à mes lèvres, avides de nouveauté et d'originalité. Des mots et des expressions que j'aime parce qu'ils m'amusent.

Ce roman est lascif et charnel. Amélie Nothomb, généreuse, y dévoile ses atours personnels.

"Deux mètres devant moi, le spectacle de son visage était captivant. Ses paupières baissées sur ses chiffres l'empêchait de voir que je l'étudiais. Elle avait le plus beau nez du monde, le nez japonais, ce nez inimitable, aux narines délicates et reconnaissables entre mille."

Une femme a cette capacité émotionnelle de se livrer à la contemplation féminine sans pour autant se sentir attirer sexuellement par l'objet de sa convoitise. Amélie Nothomb écrit ses fantasmes avec beaucoup de naturel et de mystère. Cette note enveloppe le lecteur, les sens en éveil, avec délectation.

Maintenant que son lecteur est apprivoisé, Amélie Nothomb contraste franchement la première couche suggestive, avec une soudaine laideur, vive et violente. La descente aux enfers d'une employée qui plus bas ne pourra pas tomber.

Asservissement, humiliation, accablement, désespérance, absurdité...
Stupeur et tremblements.
Bienvenue dans une entreprise japonaise au Japon.

La deuxième raison pour laquelle ce livre a pris du temps pour être dans mes mains, est que j'ai dû travailler en partenariat avec une grande compagnie japonaise le temps d'un projet de quelques mois. C'est une expérience à vivre. Belle, non. Intéressante, moui. Fatiguante, clairement oui. Mes homologues japonais auraient souhaité faire de moi leur chose prête à répondre à tout, tout le temps, le jour, la nuit. Par affirmation et confiance en moi, j'ai su m'imposer. Face à ma hiérarchie, j'ai su convaincre par mes arguments. Factuelle, j'ai surtout exposé la nécessité de conserver sa culture d'entreprise en proposant des priorités, des étapes, des délais et de la faisabilité. Pour un japonais, tout est prioritaire, sans distinction aucune. Vous pouvez vite vous retrouver ensevelis par une charge de travail exponentielle.
J'en garde un souvenir professionnel enrichissant. Je revois mon homologue m'envoyer des emails à une heure où elle aurait dû dormir depuis longtemps... et lui demander de rentrer chez elle. Oust! Mes décisions ayant été entendues par les hautes sphères, elle a dû imaginer que mon poste était plus important que le sien, elle m'a écoutée pour aller se coucher. Il était 1h du matin à Tokyo.

J'ai beaucoup d'affection pour les personnes avec lesquelles j'avais eu l'occasion d'interagir. J'ai surtout une grande empathie, face à une civilisation dont le taux de suicide est très marqué.

Le final de ce roman est un des plus merveilleux manifestes qu'il m'ait été donné de lire.
L'histoire d'Amélie Nothomb et Mori Fubuki.

Lu en septembre 2019.
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