«
Cette main qui a pris la mienne » (The hand that first held mine) est un bijou de sensibilité et de suspense : j'ai adoré !
L'action alterne entre le Londres d'aujourd'hui et le Soho des années 50-60.
Le récit passé s'articule autour d'Alexandra, 21 ans, qui décide de quitter sa campagne et sa famille aux vues étriquées pour tenter sa chance à Londres. Rebaptisée Lexie par son amant, le charismatique Innes – patron d'une revue artistique, elle y rencontrera l'amour et de grandes joies à la mesure des épreuves qui suivront. Indépendante et déterminée, elle réussira à faire carrière dans le journalisme et la critique d'art.
Le présent nous plonge dans le quotidien d'Elina et Ted, jeune couple en perte de repères après la naissance difficile de leur premier enfant. Elina, en état de choc, peine à se remettre d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie mais s'efforce de reprendre pied pour s'occuper du nouveau-né. Quant à Ted, la naissance de son fils le trouble profondément en faisant ressurgir des fragments mystérieux de son enfance.
Grâce à la perspicacité d'Elina, les deux histoires se rejoignent dans la découverte d'un secret de famille bien plus odieux que la promesse évasive de la quatrième de couverture.
Dans un contexte historique différent, la structure du récit rappelle l'efficacité dramatique d'« Elle s'appelait Sarah ». Comme Tatiana de Rosnay, Maggie O'Farrell met en scène dans son récit contemporain une femme qui, bouleversée par un événement récent (ici une naissance, un déménagement chez T. de Rosnay), décide d'enquêter sur le passé et déterre ainsi un monumental secret dans sa belle-famille.
Là où Maggie O'Farrell se distingue, c'est par son utilisation originale du narrateur omniscient qui en devient presque démiurge. Elle prend des libertés avec la chronologie (par exemple en laissant entrevoir la mort prochaine de Lexie) et manipule ses personnages comme sur un plateau de cinéma pour intensifier leurs émotions : plan d'ensemble, zoom avant, zoom arrière, rembobinage, ralenti, bruitage et gros plan sur la nature ou les objets qui les entourent comme des témoins animés…
Le style n'est pas seulement dynamique, mais aussi réaliste. Dans le vécu d'Elina, la maternité est traitée sans complaisance (fait rare en littérature !). de même, la montée en puissance du sentiment amoureux entre Lexie et Innes s'affranchit de toute mièvrerie et l'auteur nous entraîne dans une passion solaire. La seule fausse note dans le caractère d'Innes est son incompréhensible faiblesse face à sa vampirique épouse, dont il est depuis longtemps séparé. Mais il est vrai que sans cette détestable Gloria, une bonne partie du ressort dramatique tomberait à l'eau...
Chut ! Je n'en dirai pas plus. Juste de quoi, j'espère, piquer la curiosité des prochains lecteurs.