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Citations sur I am, I am, I am (63)

« Frôler la mort n’a rien d’unique, rien de particulier. Ce genre d’expérience n’est pas rare ; tout le monde, je pense, l’a déjà vécu à un moment ou un autre, peut-être sans même le savoir. La camionnette qui passe au ras de votre vélo, le médecin fatigué qui, finalement, décide de revérifier le dosage, le conducteur ivre que ses amis réussissent laborieusement à convaincre de leur donner ses clés de voiture, le train raté parce qu’on n’a pas entendu le réveil sonner, l’avion dans lequel on n’est pas monté, le virus que l’on n’a pas attrapé, l’agresseur que l’on n’a jamais croisé, le chemin jamais emprunté. Tout autant que nous sommes, nous allons à l’aveugle, nous soutirons du temps, nous empoignons les jours, nous échappons à nos destins, nous glissons à travers les failles du temps, sans nous douter qu’à tout moment le couperet peut tomber. Comme Thomas Hardy l’écrit à propos de Tess d’Urberville, « Il existait encore une autre date (…), celle de sa propre mort(…) : jour caché, invisible et sournois parmi tous ceux de l’année, qui passait devant elle sans donner de signe mais n’en était pas moins sûrement là. Quel était-il? » Prendre conscience de ces moments-là vous abîme. Vous pouvez toujours essayer de les oublier, leur tourner le dos, les ignorer : que vous le vouliez ou non, ils vous ont infiltré et se logeront en vous pour faire partie de ce que vous êtes, comme une prothèse dans les artères ou des broches qui maintiennent un os cassé. »
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Lorsqu'on tombe gravement malade, tout ce que l'on vit se teinte presque d'une dimension mystique. La fièvre, la douleur, les médicaments, l'immobilité : quel que soit ce qui vous aura marqué le plus, vous gagnez en lucidité, vous prenez du recul.
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Les personnes qui nous enseignent quelque chose gardent une place particulièrement vive dans nos souvenirs. Je n'étais mère que depuis dix minutes lorsque j'ai rencontré cet homme, mais il m'a appris, par un simple geste, l'une des choses les plus importantes sur le rôle de parent : qu'il faut de la gentillesse, de l'intuition, du toucher, et que, parfois, il n'y a même pas besoin de mots
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La mort m’a frôlée sur ce sentier, de si près que je l’ai sentie, mais c’est une autre fille qu’elle a attrapée et emportée avec elle.
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Une irrépressible envie vous tenaille, mais vous ne devez pas tousser, vous ne pouvez pas. Vos pensées sont monosémiques: Ça va, ça va, ça va. Et puis : Ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas.

p. 23.
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Je ne supporte toujours pas que l'on me touche le cou. Ni mon mari, ni mes enfants, ni le médecin bienveillant qui, voilà bien longtemps, avait voulu regarder mes amygdales. Je recule avant même de savoir pourquoi. Je ne peux rien porter non plus autour de mon cou. Ni écharpe, ni collier serré, ni col roulé ou tout autre vêtement qui implique un contact à cet endroit : je ne pourrai jamais rien supporter de tout cela.

p. 17.
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Je n'ai jamais compris cette habitude qui veut que les femmes gardent secrètes les premières semaines de leur grossesse. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'aller le crier sur tous les toits, mais il me semble qu'une grossesse est importante quel que soit son stade, qu'elle représente un bouleversement assez important pour mériter que l'on en fasse part aux gens que vous aimez. Même lors d'un événement aussi dévastateur que la perte d'un bébé, ne souhaiteriez-vous pas que vos amis les plus proches, que votre famille le sachent ? Vers qui d'autre se tourner dans un pareil moment ? Par quelle autre raison pourriez-vous justifier ce chagrin, cette douleur gravée sur votre visage, ces larmes, cet état de choc ?
Parce que perdre un bébé, un fœtus, un embryon, un enfant, une vie, à n'importe quel stade, est un choc à nul autre pareil. Votre cerveau connaît cette éventualité : dès l'instant où la ligne apparaît sur le bâtonnet du test, il ne se passe pas un jour sans que vous ne guettiez une trace de sang, sans que vous ne vous disiez que cela peut arriver, qu'il ne faut pas nourrir trop d'espoir, pas en attendre de trop, qu'il faut rester alerte, rationnelle, garder les pieds sur terre. Mais vous n'avez jamais su faire tout ça et, du reste, votre organisme, votre corps vous chante une tout autre chanson, un air guilleret qui vous distrait, vous absorbe : votre capacité sanguine augmente, fait battre vos veines, vos seins gonflent comme de la pâte à pain, débordent de votre soutien-gorge, les muscles de votre cœur et votre capacité cardiaque se renforcent, votre appétit se décuple, s'aligne sur la demande, et vous vous retrouvez dans la cuisine à minuit à contempler un paquet de crackers, des rillettes de poisson, du raisin et de l'halloumi.
Face à ce corps qui grouille, votre esprit se met au diapason : vous imaginez une fille, un garçon, ou peut-être même des jumeaux parce qu'il y en a beaucoup dans la famille – votre propre père en fait partie. [...]

Et lorsque cela se produit – et plusieurs fois encore, cela se reproduira –, le choc vous fait l'effet d'un boulet de démolition. Chaque fois que vous vous coucherez sur la table d'examen, votre regard se fixera sur les radiologues qui examineront l'image sur l'écran, et vous apprendrez à déchiffrer leur expression – un léger ébranlement, un froncement de sourcils, une façon d'hésiter, craintive –, et vous saurez avant même qu'ils aient dit quoi que ce soit que celui-là n'a pas survécu non plus.
Il sera toujours difficile de ne pas céder à la culpabilité, de ne pas vous trouver médiocre. Votre corps n'a pas réussi à remplir ses fonctions les plus basiques ; vous n'êtes même pas capable de garder un fœtus en vie ; vous ne servez à rien ; vous n'êtes même pas encore mère que vous êtes déjà une mère défaillante.   
Vous essayez de vous dire, N'écoute pas ces bêtises. Tu n'y es pour rien.
Vous ne savez pourquoi, mais votre corps ne suit pas la procédure normale (et même ça, il n'y arrive pas, vous souffle cette petite voix malfaisante – vous n'êtes même pas capable de faire une vraie fausse couche). Votre système refuse d'imprimer que tout est fini. Vos hormones continuent de s'affoler. Pour vous, il n'y aura jamais de perte de sang, jamais aucun symptôme de mort fœtale. Vous ne le saurez qu'à l'échographie. Et vous sortirez de là avec la sensation d'être enceinte, avec l'air d'être enceinte et en étant, en tout état de cause, toujours enceinte, sauf que le bébé sera mort. À certains moments, votre incapacité physiologique à accepter la mort du bébé vous rend folle, vous dévaste ; à d'autres, cette incapacité vous semble juste, saine. Votre corps vous dit, Pourquoi baisser les bras, pourquoi lâcher, pourquoi accepter ce dénouement ? 
[Belfond, 2019, p. 96-98]
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J'aurais pu lui dire que je possède un don pour sentir la violence. Que j'ai longtemps vécu avec le sentiment de la déclencher chez les autres, pour des raisons que je n'ai jamais vraiment comprises. Quand on vous frappe ou que l'on vous fait du mal, enfant, l'impuissance, la vulnérabilité que vous ressentez, la rapidité avec laquelle une situation peut déraper, aussi vite qu'un battement de cils, qu'une respiration, sont des choses que vous n'oubliez jamais. Cette réceptivité coule dans vos veines, comme un anticorps. Vous apprenez très vite à savoir quand vont survenir ces agressions soudaines, à reconnaître cette modulation, cette vibration toute particulière dans l'atmosphère. Des antennes vous poussent, capables de détecter la violence et, à votre tour, vous développez toute une panoplie de stratagèmes pour l'éloigner.
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DE TEMPS EN TEMPS, MAIS PAS SI SOUVENT, je pense à la femme que j’étais quand j’avais vingt-cinq ans. Je la regarde. J’essaie de me souvenir ce que cela faisait d’avoir son âge. Quel était le cadre de ses journées, les motifs que dessinaient ses pensées ? Je suis aujourd’hui aussi éloignée d’elle qu’elle l’était de son enfance. Elle est la ligne médiane qui me sépare de ma naissance.
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Ils restent dehors tard. Ils tournent en rond, abrutis par l’ennui comme on l’est à cet âge. Ils ont autour de seize ans. Ils viennent de passer leurs premiers examens et attendent les résultats, attendent que l’été s’achève, que commence la nouvelle année scolaire, attendent que leur avenir prenne forme, attendent d’avoir fini leur petit boulot, attendent que les touristes s’en aillent, attendent, attendent.
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