TUCKER marchait depuis six heures dans la brume rampante dont les vagues chatoyaient au petit matin. Un véhicule passa devant lui : un fermier avec une cargaison de bois de chauffage, deux enfants renfrognés et une femme maigre qui tenait un bébé dans ses bras. Tucker savait qu’ils n’allaient pas le prendre. Il ne pouvait pas en vouloir à cet homme funeste au chapeau rabattu sur les yeux à cause du soleil, une cigarette coincée entre les dents. Le pauvre avait déjà assez de soucis.
Quiconque ne savait pas vivre dans les bois ne méritait pas de respirer.
Quiconque ne savait pas vivre dans les bois ne méritait pas de respirer.
Il y a plus d’une façon d’obtenir des reposes, dit Hattie. Je vais vous expliquer quelque chose. Vous posez une question directe, oui ou non, vous n’aurez rien. Les gens d’ici ne pensent pas de cette façon. Avec une question directe, ils se diront qu’il y a une bonne réponse et une mauvaise. Et ils ne diront rien par peur de se tromper.
Un grand nuage traversa le ciel, fragmenté en tessons épars qui se regroupaient à la manière d’un troupeau de moutons. Il entendit le cri bref d'un coulicou et chercha dans les herbes son long bec jaune tendu vers le ciel.
Les nuages bloquaient les étoiles, conférant à l’air une profondeur insondable. La limite des arbres avait disparu et les crêtes des collines se fondaient dans cette noire tapisserie. C’était la nuit Appalaches.