J'ai l'impression d'être de plus en plus étranger à mon corps (apparemment, il fait ce qu'il veut sans me demander mon avis), alors que je m'intéresse sérieusement à son fonctionnement pour la première fois de ma vie, en particulier lorsque je lis, accablé, les listes interminables d'"effets secondaires", plus effrayants les uns que les autres, sur les notices explicatives que j'ai tant de mal à extraire de mes innombrables boîtes de médicaments.
J'éprouve de la gratitude et parfois même de l'amour pour le "personnel soignant" comme on l'appelle, mais je ressens aussi souvent de la méfiance, de l'hostilité et de la crainte à son égard.
Etre malade est en train de devenir mon vrai métier, mais j'aimerais bien être licencié.
...la souffrance physique est un fait brut qui n´a aucun sens, que l on peut expliquer par des causes, mais qu´on ne peut pas justifier par des raisons.
"Le patient se bat comme un petit soldat contre un ennemi cruel et envahissant; il triomphe s'il est assez vaillant, etc."
"Quand on a beaucoup souffert, on devient dure. Dure comme de la pierre. Pour recommencer à vivre, il faut prendre conscience de cette dureté, la combattre. Mais la dureté est plus facile, elle peut durer longtemps et être terrifiante. Pour les autres ou pour soi-même. C'est un chemin. En parcourant, le chemin, on acquiert plus de lucidité sur soi, sur le monde, et plus de générosité."
"Ces institutions semblent agir selon un principe disant que la commercialisation de la profession serait "un mal dangereux et insidieux qu'elle doit combattre.""
À mon dernier « contrôle », mon oncologue était apparemment très content parce que la chimio qu'il m'a prescrite semble permettre d'endiguer la maladie, de la mettre sous tutelle pour ainsi dire. Pas de guérison, certes, mais pas d'invasion générale non plus. Les nodules au poumon sont presque invisibles à la radiographie et au scan, etc. Donc, pour lui, tout va bien puisque je ne vais pas PLUS mal !