Pssst…venez par ici. Oui, vous ! Petit babeliote… vous avez deux minutes pour parler morale? D'ailleurs savez-vous si vous êtes éthiquement minimaliste ou maximaliste ? Un papier un stylo, on va faire le test ensemble :
1. Y a-t-il des crimes sans victimes ? ou « Sinead O'Connor au Saturday Night Live » (cet exemple est de mon cru, vous ne le trouverez pas dans le livre d'
Ogien, mais l'idée est là)
Souvenez-vous, dans les années 90 la chanteuse irlandaise Sinead O'Connor est invitée dans la célèbre émission de la chaine NBC, le Saturday Night Live. A la fin de sa chanson, O'Connor sort une photo du pape
Jean Paul II, l'incendie en direct en prononçant ces mots « fight the real enemy » (combattez le vrai ennemi), embrasant par là même l'Amérique entière et mettant un terme à sa carrière (commerciale du moins).
Le blasphème, puisque c'est de cela dont il est question, est-il un crime ?
Oui / Non
2.Peut-on être immoral vis-à-vis de soi-même ? ou «
Oblomov est-il moral ? » (cet exemple est de mon cru, vous ne le trouverez pas dans le livre d'
Ogien, mais l'idée est là)
Souvenez-vous d'
Oblomov d'
Ivan Gontcharov, ce personnage aboulique qui gâche ses talents dans une inertie onirique sans fonds. La paresse d'
Oblomov qui gâche ses talents, de même que le suicide d'Emma Bovary constituent t ils des actes immoraux ?
Oui / Non
3.Un mauvais samaritain manque-t-il forcément d'éthique ? (cet exemple est dans le livre d'
Ogien, l'idée est d'autant plus là…)
Imaginez vous témoin d'un accident de voiture d'une gravité exceptionnelle, les secours n'y pourront rien, il faut immédiatement intervenir, la personne est en sang. Vous voyez un automobiliste passer devant la victime sans s'arrêter. Scandale ! Vous le prenez à parti, il vous réplique qu'il ne sait pas si les victimes ensanglantées ne sont pas contaminées par le VIH et que le risque pour lui d'intervenir est peut-être trop important. Alors le mauvais samaritain est-il immoral ?
Oui / Non
4.L'Etat peut-il nous dire ce qui est bon pour nous ? (paternalisme) ou « Ni Dieux, Ni Maîtres »
Imaginez un monde où gâcher ses talents, consommer trop gras ou trop sucré ou pratiquer la sodomie serait sanctionné par la loi. le rôle de l'Etat doit-il s'étendre à la sphère privée ou est-ce infantilisant ?
Oui / Non
Résultats :
Il existe trois propositions éthiques : l'éthique des vertus (inspirée d'
Aristote), l'éthique des devoirs (mise en forme par
Kant) et l'éthique des conséquences (matrice de
l'utilitarisme), pour connaître votre résultat :
* Vous avez une majorité de Oui : « Et le
Kant dira-on ? » : vous êtes maximaliste. A l'image de d'
Aristote et de
Kant vous pensez que gâcher ses talents, se masturber ou mentir même pour sauver des vies est immoral. En effet pour ce dernier il faut que la maxime de nos actions puisse être érigée en principe universel, rien que ça, or se masturber va à l'encontre de la conservation de l'espèce. Vous pensez aussi qu'il y a des crimes sans victimes comme le blasphème, l'injure à la patrie etc.
* Vous avez une majorité de Non : « En plein dans le Mill » : vous êtes minimaliste. A l'image de
John Stuart Mill vous pensez que tant que l'on ne nuit pas à autrui notre conduite ne peut faire l'objet de jugement de valeur moraux dans nos relations privées ou d'interventions étatiques et en bon utilitariste vous pensez que la fin (si elle ajoute au bien commun) justifie les moyens. Pour vous trois principes suffisent à l'éthique : l'égale considération (qui justifie tout de même le secours à personne en danger), la non nuisance et l'indifférence au bien personnel, c'est-à-dire que les devoirs envers soi même sont moralement neutre !
Pour ma part, j'ai regretté qu'
Ogien ne développe pas davantage l'argumentaire sur les dommages indirects, les victimes par ricochet, qu'il réponde notamment aux existentialistes : liberté = responsabilité. Si on ne peut pas se causer de tort à soi-même, que pensait
Ogien des personnes qui, atteintes d'un cancer, attaquent Malboro en justice aux USA après avoir fumé pendant 20 ou 30 ans ?
Il demeure que l'objectif d'
Ogien est d'exposer ces principes d'éthique de façon suffisamment analytique pour qu'ils puissent être débattus. Et vous serez saisi par l'envie de polémiquer avec l'auteur, de le pousser jusque dans les corners les plus obscurs de son raisonnement, vous vous surprendrez à vouloir couper la parole à ses phrases, à lever la main, prendre des notes, secouer la tête, froncer les sourcils, parler à haute voix.
L'approche ludique de cette critique reflète je crois l'esprit malicieux du capitaine
Ogien, ce salutaire empêcheur de tourner en rond, je vous laisse désormais monter à bord de son vaisseau et j'en termine avec ma critique minimum d'un ouvrage minimal.