Depuis toujours, la mer fascinait le cadet des Lescop. Il n’était pas un pied de ce rivage qui lui fut étranger sur une distance de quatre lieues. Il connaissait les graviers à palourdes, les sables à coques, les herbiers riches en coquilles Saint-Jacques, les touffes d’algues qui abritent les colonies de bouquets roses, les roches à congres, les fonds à crabes et les failles à langoustes et à homards. Les paysans, tous les gens des terres en général, redoutaient la mer et Yann était le seul de sa fratrie qui s’intéressât aux trésors des grèves. Il avait fait de la mer la déesse tutélaire qui apporte la vie à la terre.
Notre terre de Bretagne se fait trop vieille, Yann, et trop de gens y vivent. Il n’y aura bientôt plus de place pour tout le monde. Et c’est pareil pour notre pauvre mer de Manche. Trop de navires, de règlements, de lois, trop d’édits royaux. Les Anglais, les Hollandais, les Danois et les marchands de dix nations étranglent notre commerce. Nous sommes dans nos eaux, serrés comme harengs en caque. Crois-moi, le temps est venu de partir vers des pays neufs et des mers sauvages : les Antilles, Yann et la mer des Caraïbes ! Là où souffle encore le vent d’aventure.
Les églises regorgeaient d’or. Les ostensoirs, les ciboires, les coupes, les vases, les chandeliers, que sais-je encore. Et puis il y avait les rançons qu’on exigeait sous peine de brûler la ville et les femmes qu’on forçait comme des biches.
La maladie ne frappe que les inquiets et les chétifs, ces apeurés qui se plaignent sans cesse de leurs poumons, de leur vessie ou de leurs os. La carcasse doit obéir à l’esprit.
Être riche, devenir plus riche encore, affirmer sa richesse était la règle maîtresse de vie de François Lescop. La puissance allait de pair avec une ambition toujours aiguisée.