Ici n'est plus ici

Que signifie être indien dans l'Amérique d'aujourd'hui ? Tommy Orange explore le mal-être identitaire des Amérindiens dans cet époustouflant roman choral où se mêlent les récits de 12 personnages. Hommes, femmes, jeunes, vieux, c'est une véritable polyphonie de témoignages qui s'offre à nous à travers le parcours d'Opale Viola Victoria Bear Shield, Edwin Black, Blue, Jacquie Red Feather, Orvil, Loother et Loney...

Il n'est pas facile de se repérer face à cette multitude de protagonistes, surtout dans une version audio. Heureusement, Sylvain Agaësse, Benjamin Jungers et Audrey Sourdive parviennent chacun à leur manière à rendre les personnages qu'ils interprètent touchant et mémorable. Après le Bal des folles, j'ai particulièrement apprécié retrouver la douce voix d'Audrey Sourdive qui incarne merveilleusement bien ces femmes résilientes au destin brisé.

Tous sont indiens, des autochtones "intégrés", qu'ils soient membre d'une tribu, adoptés par des blancs ou en quête de leurs origines, tous souffrent du poids de leurs origines, tous ont un destin commun mis à mal par leur couleur de peau qui fini inlassablement dans l'alcool, la drogue, la violence, les conflits familiaux... Loin des clichés et sans jamais sombrer dans le pathos, l'auteur nous conte le quotidien de ces êtres déracinés dont il fait lui aussi parti. Les récits se croisent, les fils du destin se nouent, pour former un impressionnant canevas et nous mener à un seul et même point de convergence : le pow-wow, une célébration traditionnelle qui fini comme tout a commencé, dans le sang.

Tout commence par un prologue saisissant et caustique. Basé sur des faits historiques, il inocule au lecteur une piqure de rappel sur la politique génocidaire américaine mise en place pour l'assimilation des Amérindiens. Et lorsque le roman débute, le lecteur comprend la volonté de l'auteur de contextualiser la vie de ses personnages, d'expliquer comment les Amérindiens ont été contraint à une relocalisation dans les villes. Par contre, j'ai dû m'accrocher pour ne pas me perdre dans la structure chorale et la douzaine de récits indépendants au départ, mais qui finissent par converger vers le grand pow-wow final. On est à la moitié du livre avant qu'ils ne commencent à interagir. En outre, toutes les voix ne sont pas synchronisées sur le même temps du récit ce qui ne favorise pas la compréhension de l'ensemble. Mais il y a une telle force d'écriture que la plupart des chapitres sont touchants et insufflent un grand esprit narratif avec un fort contenu politique; le récit avance rapidement et est rempli de personnages bien dessinés qui montrent la variété de l'expérience indienne urbaine. Et il en couvre tous les aspects négatifs : alcoolisme, violence, misère familiale, déconnexion de la culture d'origine, manque d'estime de soi, absence de perspectives professionnelles. Il faut s'accrocher pour ne pas être plombé par la sinistrose et le sentiment que toute mauvaise chose finira par arriver. Mais plus les récits convergeaient, plus j'étais impressionné et happé par l'écriture implacable de Tommy Orange. Je ne divulgâcherai pas la fin qui m'est apparue moins comme une conclusion que comme une dérobade, un moyen pour l'auteur de mettre fin à tous ses scénarios sans avoir résolu aucun de leurs conflits, une façon de constater, de regretter, mais malheureusement sans donner à penser. Néanmoins, je recommande ce roman puissant en raison de son importance sociopolitique et de son écriture redoutable, vivante et accessible.

Si Richard Wagamese nous parle des indiens de la campagne qui ont renoués avec la terre, Tommy Orange nous parle des indiens des villes qui se perdent dans l'alcool.

Ce roman choral nous fait découvrir la vie de plusieurs d'entre aux, habitants Oakland.

Tous se préparent pour le pow-wow organisé dans le stade de base-ball de la ville qui a connu de grandes heures.

J'ai aimé découvrir la vie parfois tourmentée des personnages, tous ayant eu un problème avec l'alcool, personnellement ou à cause d'un membre de leur famille.

J'ai aimé le jeune danseur qui se prépare dans l'ombre pour son premier pow-wow en regardant des vidéos YT comme tout jeune de son âge.

J'ai aimé Opale, depuis le coup d'éclat de sa mère à Alcatraz jusqu'à elle élevant les petits-enfants de sa soeur.

D'autres personnages m'ont moins parlé, comme ces trois hommes fabricants leurs pistolets grâce à une imprimante 3D (ça m'a fait froid dans le dos).

J'ai aimé la montée du rythme, comme le tambour, jusqu'au dénouement final, forcément tragique.

J'ai aimé la vision des amérindiens qu'a l'auteur : décalage et humour, mais déchirante de vérité.

Un roman sans doute un peu long, mais un auteur qui a des choses à dire.

L'image que je retiendrai :

Celle de la couleur orange qui apparait par petites touches, souvent en rapport avec le feu.

Quelques citations :

Elle se dit qu'elle a du mérite, d'une certaine façon. (…) Elle les a donc portées, ces années, a porté leur poids, et les années ont creusées un trou dans son coeur (…). Opale est solide comme la pierre, mais il y a de l'eau trouble qui vit en elle et menace par moment de déborder, de la noyer. Parfois, elle ne peut plus bouger. Parfois il lui semble impossible e faire quoi que ce soit. (p.188)

Un mot cheyenne : Veho. Il signifie « araignée », « escroc » et « homme blanc ». (p.197)

On est déjà des putains d'androïdes, on pense et on regarde avec nos téléphones, tout le temps. (p.222)

C'est dans leur culture, dit Blue (à propos des Blancs) – Quoi donc ? – L'occupation illégale. (p.284)
Lien : https://alexmotamots.fr/ici-..

Le roman de Tommy Orange est précieux car il parle des Amérindiens aujourd'hui, sujet rarement traité et ayant rarement un impact médiatique aussi rayonnant que celui qu'a ce roman actuellement. Je reprocherais juste à ce livre de passer trop vite d'un personnage à l'autre sans en dire assez sur eux. Mais ce manque est sans doute le reflet du message de ce texte : des êtres à la recherche d'une identité.

Sacré livre que voici, mettant en scène des personnes cabossées, abimées par la vie. Qu'ont-elles d'autre en commun ? Ce sont tous des Amérindiens vivant en ville.
Le livre commence déjà très fort puisque l'auteur fait un récapitulatif de l'Histoire des Indiens et des violences subies. S'ensuivent ensuite les destins et portraits de douze personnes. J'ai beaucoup aimé le fait de comprendre au fil des pages les liens qui unissaient les personnages, comme un puzzle qui prenait forme petit à petit. Mais quelle violence et quelle tristesse dans leur quotidien : alcool, drogue, violence, problèmes identitaires, mal-être, suicides et meurtres...
La langue employée par l'auteur est franche et directe, orale, violente parfois, à l'image du contenu. C'est une langue efficace et qui marque par son tranchant. le rythme s'accélère au fil du roman, nous nous doutons de ce qui va se produire et cela fait monter la tension. Il y a une sorte d'urgence et nous sentons cette accélération avec les chapitres qui raccourcissent, bravo d'ailleurs à l'auteur qui a particulièrement réussi sur ce point.
Ce roman choc questionne sur la situation et la condition actuelles des amérindiens qui ne trouvent pas toujours leur place, ne savent pas à quoi ils appartiennent, ce qui peut engendre d'autres problèmes. Ayant beaucoup souffert par le passé, ils semblent encore souffrir aujourd'hui même si cela prend des formes différentes.
Mon petit bémol à ce livre : les personnages étaient un peu trop nombreux et je me suis parfois perdue entre-eux.

Un roman à plusieurs voix qui résonnent les unes aux autres. Un roman qui met en résonnance les destins d'Américains d'origine indienne. Ils recherchent des racines, des repères, des modèles...Leurs parcours vont se rencontrer pour le meilleur et pour le pire ...

A travers le destin de 12 personnages, voici le portrait tragique et cinglant des indiens urbains d'Oakland. A l'occasion d'un gigantesque pow-wow, les différents membres de cette communauté témoignent de leurs origines dramatiques et de leurs difficultés à s'intégrer.
Un roman qui résonne comme un cri de douleur.

« Mais les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie le verre, le béton, le fer et l'acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n'y a pas de là là : ici n'est plus ici. » C'est le cas à Oakland, dans la baie de San Francisco. de nombreux indiens y vivent, loin de leurs racines et de leur histoire. Et pourtant, la question de la culture autochtone va lier douze personnages aux destinées différentes mais qui vont converger au même endroit : le grand pow-wow organisé à Oakland. Il y a Tony qui souffre d'un syndrome d'alcoolisation foetale, Dene qui compte faire des interviews d'indiens durant le pow-wow, Opale qui évite de parler à ses petits-enfants de leur histoire indienne, Bill Davies qui nettoie le Coliseum où aura lieu le pow-wow, Edwin Black qui est métisse et est accro à internet. Il y a bien d'autres personnages dont les vies vont s'entremêler et se croiser au Coliseum.

« Ici n'est plus ici » est le premier roman de Tommy Orange, il a été finaliste du Prix Pulitzer et du National Book Award. L'auteur est lui-même issu des tribus cheyenne et arapaho comme la majorité de ses personnages. Il a grandi à Oackland et sa ville est au coeur de son roman. Il souhaitait parler des indiens « urbains » qui vivent dans les quartiers pauvres de la ville.

Ce sont douze personnages que nous suivons et qui créent un roman choral. Chaque chapitre laisse la parole à l'un d'eux. Tommy Orange change également de pronom personnel selon les personnages : 1ère, 2ème ou 3ème personne du singulier. Cela donne un roman très varié, rythmé par des chapitres courts qui s'accélèrent au fur et à mesure que nous approchons du pow-wow. Cette cérémonie est le fil rouge du livre, celui qui relie l'ensemble des personnages. Les destins individuels convergent vers cet événement collectif dans un grand final saisissant.

« Ici n'est plus ici » est une réflexion sur l'identité indienne. Tommy Orange rappelle, dans un prologue et un entracte, la destinée tragique des peuples natifs : le sang versé, les expropriations, la négation de leur culture. Les personnages du roman questionnent leur identité, leur appartenance à cette culture. Il y a un mal être, une réelle difficulté à trouver sa place aux Etats-Unis. Leurs parcours sont extrêmement chaotiques : alcoolisme, violence, dépression, toxicomanie, obésité, chômage. Une grande majorité des indiens vivent aujourd'hui dans des villes, coupés de leurs racines, de la nature, de leurs terres. Leur recherche d'identité n'en est que plus compréhensible.

« Ici n'est plus ici » est un roman magnifique, parfaitement maîtrisé qui interroge l'identité indienne au travers des destins de douze personnages. Un premier roman très convaincant et touchant.
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Appartenant à la tribu des cheyennes du Sud, l'auteur Tommy Orange a vécu durant de nombreuses années à Oakland, en Californie. C'est là où se déroule l'intrigue de son livre, le premier, « Ici, n'est plus ici ».
Roman choral dont les personnages sont comme lui d'origine amérindienne. Des hommes, des femmes, jeunes ou plus âgés, intégrés au tissu urbain (par opposition aux réserves dans le Mississippi) qui s'interrogent sur leurs origines, et leurs conditions. Un énorme pow wow se déroule dans leur ville, un rassemblement traditionnel indien, une manifestation chamanique, festive, qui va tourner au drame.
Une première oeuvre très réussie, qui esquisse un portrait sans fard et sans concession des indiens d'aujourd'hui tout en revenant sur la figure qu'en a fait le folklore américain. Difficile de ne pas faire preuve d'empathie pour les acteurs en quête d'identité de cette tragédie moderne.
Un incontournable de la rentrée littéraire !
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À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d'une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d'une culture que l'Amérique a bien failli engloutir. À l'occasion d'un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l'expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux. (source : albin-michel.fr)
témoignage d'une jeunesse américaine qui continue de vivre dans l'ombre de ses ancêtres. Des indiens dévastés par l'alcool, le chômage, la violence. Les réserves ne sont plus isolées, elles sont parquées dans des quartiers, des communautés. On a délogé les indiens de ces réserves pour mieux les mal lotir dans des ghettos.
Et ce destin est-il inévitable ? La jeune génération peut elle casser cette malédiction ? C'est un sujet peu abordé dans les romans. J'ai bien aimé
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