Citations sur Mali, ô Mali (59)
Enfin la musique (oh, la tendresse pour vos doigts lorsqu’ils réussissent à trouver une mélodie et la développent sans l’écorcher ; oh, la félicité de se sentir tantôt oiseau, maître de la virevolte lorsqu’on enchaîne les variations, et tantôt rivière, quand les notes s’écoulent ; oh, l’ivresse des premiers bravos du premier concert ; oh, les promesses dans les yeux des filles au premier rang du public.)
(Livre de Poche, p.130)
Un bon chroniqueur doit savoir se faire oublier. Les meilleurs d'entre eux, tel l'auteur de la Bible, disparaissent corps et biens.
Allons, rien n'est perdu si je ne suis pas enlevé dans les minutes qui viennent et si la Communauté Internationale est capable d'engendrer puis de mettre en œuvre de telles bonnes idées: faire ramasser aux femmes les pierres du désert tandis que les hommes somnolent ou parlotent. (p. 137 / Livre de Poche, 2015)
Heureuses les personnalités protégées par des remparts solides !
Heureux celles et ceux qui ne se laissent jamais envahir par un visiteur indésirable.
Heureux celles et ceux qui ne sont qu'eux-mêmes et jamais plus
Hélas, Mme Bâ est une poreuse. De temps en temps quelqu’un s'immisce en elle et lui ronge la vie.
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La presse entière vous attend. Ils sont tous venus, la Nouvelle Patrie, l'Essor, l'Inter de Bamako, Info-Matin, Bamako Hebdo, l'Aurore, Le Prétoire, Le 26 mars...
Comment désespérer d'un pays dont les journaux ont de si beaux titres ?
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...ce regard commun à tous les réfugiés. Un regard qui ne voit pas, aux couleurs délavées, un regard usé peut-être par trop de sable, peut-être par trop de soleil brûlant, peut-être par trop de scènes de mort, un regard qui ne fait plus confiance au monde, un regard qu'on croit encore un regard parce que les yeux sont ouverts mais, derrière, la porte est fermé, un rideau de fer est tombé, un regard qui ne redevient un regard qu'en se posant sur les enfants et encore, pas toujours....
Avec ce déjeuner, je m'attendais au pire.
Le pire a dépassé toutes mes espérances.
Le journaliste, M. Baba Sékéné, et la responsable de l'ONG, Mme Sanha, ont prononcé, sans aucun doute inspirés en ligne directe par le diable, les mots et les images qu'il fallait pour nous conduire en enfer.
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Après m'être émerveillé, comme il se devait, je la priai de préciser.
-Impossible. Secret défense.
-Même à ton petit-fils et griot ?
-Surtout pas à un griot. Pour qu'il divulgue au monde entier des secrets stratégiques ?
Je connaissais ma grand-mère. Je n'avais qu'à jouer la résignation (« Je comprends très bien, bien sûr, tu as raison de te taire. N'en parlons plus. ») Et me plonger dans un livre (histoire de piquer sa jalousie : « Que peut-il exister de plus intéressant sur terre que ce que moi, madame Bâ, je n'ai pas le droit de raconter. »). Je n'eus pas à patienter longtemps.
Cinq minutes plus tard, je l'entendis chuchoter.
-Si tu me jures...
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Les vieux se sont levés, l'un après l'autre. Soulagé, je me suis dit qu'ils allaient rentrer. On avait largement dépassé minuit. Mais non, les six ancêtres s'étaient mis à danser. A petits pas prudents, tout à fait raides, comme dansent les anciens. […]
Sur la piste défoncée, sous les bougainvilliers demi-morts comme eux, les six dansaient, deux couples et deux femmes ensemble, accompagnés par leurs chantonnements : la musique ne pouvait venir que de leurs souvenirs.
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Ils étaient tous là, dans cette mairie, toutes celles, tous ceux qui m'avaient accueillie dans cette région de l'extrême Nord du Mali qu'on appelle Montreuil (93100) et Villiers-le-Bel (95400).