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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Pourquoi j'écris » est un recueil de courts textes extraits du volume « Oeuvres » paru aux éditions la Pléiade. Il est composé des textes suivants : « Retour sur la guerre d'Espagne », « La littérature empêchée », « Politique et langage », « Pourquoi j'écris », « Comment meurent les pauvres » ainsi que « Les Ecrivains et le Léviathan ».

Le recueil frappe par sa diversité, le premier texte renvoie à l'engagement courageux d'Orwell au côté des républicains pendant la guerre d'Espagne, déjà relaté dans « Hommage à la Catalogne » tandis que « Comment meurent les pauvres » évoque « Dans la Dèche à Londres et à Paris » où l'auteur narre ses pérégrinations au coeur de la misère qui régnait en 1930 dans les deux capitales.

Les autres textes sont à la fois plus introspectifs et plus spéculatifs. Les réflexions qu'y développe Orwell préfigurent de manière troublante des pans entiers de 1984, le chef d'oeuvre dystopique de l'auteur.

« La littérature empêchée » décrit ainsi l'impossible cohabitation entre Littérature et Régime totalitaire. « Politique et Langage » annonce l'appauvrissement de la langue, et préfigure l'invention géniale de la « Novlangue » dans 1984, dont le but est d'empêcher l'éclosion de toute pensée hétérodoxe, c'est à dire contraire à la Doxa du Régime.

Les dernier texte du recueil, « Les Ecrivains et le Léviathan », écrit dans les années quarante, frappe par son incroyable modernité : « Les mots clefs sont « progressistes », « démocratique » et « révolutionnaire », tandis que les étiquettes qu'il vous faut à tout prix éviter de vous faire coller sur le front sont « bourgeois », « réactionnaire » et fasciste ». »

Ce texte développe avec une finesse étonnante l'inévitable contradiction entre la pureté ontologique de toute orthodoxie politique et la réalité, dont découle la pression qui s'exerce sur tout « intellectuel littéraire moderne (qui) vit et écrit dans la crainte permanente de l'opinion - moins d'ailleurs, de l'opinion publique au sens large que celle du groupe auquel il appartient ».

Lorsque Orwell enjoint à l'écrivain de s'engager politiquement en tant que citoyen et non en tant qu'écrivain, ou évoque la notion de « schizophrénie de pensée », on songe immédiatement à la « Double Pensée », le mécanisme qui permet de penser tout à la fois une chose (la doxa du Régime) et son contraire (la réalité) et irrigue l'intrigue de 1984, au travers des tourments de son héros valétudinaire, Winston Smith.

Le texte le plus marquant et le plus émouvant du recueil reste le « Retour sur la guerre d'Espagne ». Orwell y développe une longue réflexion relative à la disparition de l'histoire, c'est à dire la possibilité d'une falsification ad nauseam du Réel au profit de l'Idéologie. Ce constat douloureux annonce la tâche prométhéenne de Winston Smith dans 1984, qui consiste à ré-écrire, jour après jour, le passé afin de le rendre conforme au discours officiel.

« Je me rappelle avoir dit un jour à Arthur Koestler : « l'histoire s'est arrêtée en 1936 », et qu'il a immédiatement opiné. »

« J'ai vu, à dire vrai, l'histoire s'écrire non pas en fonction de ce qui s'était passé mais de qui aurait dû se passer selon les diverses « lignes du parti ». »

Si dans 1984, l'histoire est sans cesse manipulée au profit d'un régime d'inspiration communiste, ce sont les nazis et les fascistes qui ont ouvert les yeux d'Orwell sur la possibilité d'une transmutation du réel par un régime totalitaire, indépendamment de sa couleur. Cette révélation ne laissera pas d'inquiéter l'auteur qui voit naître sous ses yeux la possible disparition de la notion de « vérité objective ».

« La théorie nazie nie d'ailleurs expressément qu'il existe une telle chose que « la vérité ». »

La manipulation du passé conduit à la mort de la notion de « vérité » telle que théorisée par le régime nazi. Cette négation du réel sera elle-aussi reprise dans 1984, sous les oripeaux du totalitarisme rouge cette fois, et résumée par la célèbre formule « 2+2 = 5 ».

Selon Orwell, la guerre d'Espagne marque un moment charnière de l'Histoire, la vraie, dans la mesure où, pour la première fois, le Réel disparaît au profit de l'Idéologie, en transformant l'histoire, la science humaine, en un outil au service du Régime.

Les débats récents sur la nécessaire régulation des « fausses nouvelles » qui pullulent sur la toile ainsi que l'apparition de la notion saisissante de « post vérité », mettent en exergue la justesse et l'actualité des intuitions orwelliennes. La célèbre maxime de 1984, « Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé », rappelle que la tentation de la maîtrise de la narration n'est pas l'apanage exclusif des régimes totalitaires et nous enjoint à tenter d'imiter le discernement dont fît preuve Orwell lors de la guerre d'Espagne.

Si « la fin de l'Histoire » prophétisée dans un essai de Francis Fukuyama paru en 1992, qui développe la thèse de la victoire idéologique de la démocratie libérale reste extrêmement controversée, « la fin de l'histoire », en tant que science humaine s'attachant à décrire et à analyser l'Histoire a peut-être bien eu lieu, en 1936, pendant la guerre d'Espagne, sous les yeux incrédules de George Orwell et d'Arthur Koestler.
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Un recueil de textes tous plus intéressants les uns que les autres : informés, concrets, inspirés par une sourde colère face aux injustices, face aussi à la bêtise.
Souvenirs de la guerre d'Espagne, ou d'un sordide hôpital public parisien, dénonciation par l'exemple de ce qu'il nommera la novlangue dans "1984" et réponse à la question "Pourquoi j'écris. "
Tiraillé entre les exigences de l'art et l'engagement politique, George Orwell veut inventer une voie où l'exigence littéraire ne s'abaisse pas à la propagande, sans s'enfermer non plus dans une tour d'ivoire étanche aux douleurs sociales.
Une réserve sur cette édition à 2 € : les textes ne sont pas datés, ce qui est d'autant plus fâcheux pour des textes politiques.
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Un recueil de texte engagé du célèbre George Orwell. Ici, il traite du langage, de l'engagement politique, du lien entre la politique et l'écrivain, de la guerre, du fascine et du socialisme. C'est un livre que je recommande pour quiconque souhaite mieux connaitre Orwell ou pour ceux qui s'intéresse à l'importance des mots et de la prose en politique.
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