J'ai voulu, pour mon frère et pour mon ami, un présent qui ne connaîtra pas l'usure. Un présent qu'ils pourront léguer en mémoire de nos liens. J'ai voulu un présent que ni le feu, ni la pluie, ni le froid, ni le temps ne peuvent détruire. Un présent qui vous fera vous rappeller de moi et de notre entente...
L'adolescent se révolte intérieurement d'entendre l'expression «Bon Iroquois». Dans sa tête et dans son cœur, il ne peut y avoir de bons Iroquois car ce sont là des ennemis. D'ignobles ennemis qui ont tué son père. Comme il admire la parfaite impassibilité avec laquelle son oncle ignore l'absurdité de ce terme !
Les gens de son peuple sont les enfants de la Grande Rivière. Elle les nourrit de ses poissons et enserre leur île dans ses bras d'eau comme la mère enferme l'enfant dans les siens. Il ne devrait pas pleurer parce qu'elle lui a ravi son fils unique mais plutôt considérer cela comme un honneur.
Son peuple est le peuple parce que, de son île, il permet les échanges entre les hommes. De cette île sacrée au centre du monde, il emprunte le chemin de la Grande Rivière qui marche vers les autres hommes. Par lui circulent et se troquent les objets de cuivre, les fourrures, les dents de morse, les peaux de wapiti, les filets de pêche en fibre d'ortie, le poisson fumé, la viande séchée, les coquillages et le silex.
L'eau est comme le temps, en éternel mouvement. Il aurait pu boire cette vague piquée d'une étoile de lumière et la faire sienne. Comme lorsque l'on fait sien le temps présent. Mais aujourd'hui, le temps présent qu'il boit est salé comme ses larmes.
L'eau qui passe à l'instant ne reviendra jamais plus. L'eau est comme le temps : elle passe.
La naissance d'un mâle était fortement désirée afin que celui-ci puisse chasser pour ses parents lorsqu'ils seraient devenus trop vieux pour le faire.
Il me faudrait plus d'une vie pour la connaître à fond, et encore, car historiens chevronnés, anthropologues et archéologues présentent différentes hypothèses et conclusions, parfois même contradictoires. Personne ne possède la vérité en ce domaine. Elle appartient au passé, et j'ai tenté de la cerner du mieux que j'ai pu pour montrer « comment c'était avant ».
Ma mère venait d'ailleurs. D'Allemagne plus précisément. Copains et copines prétendaient qu'elle parlait avec un accent. Nous, nous contestions. Jamais nos oreilles n'avaient décelé le moindre accent chez elle. Elle venait d'ailleurs, c'était tout. Pour le reste, elle était comme les autres mamans. Seul différait le regard qu'elle portait sur le pays. Elle voulait en connaître les racines profondes pour y nouer les siennes, extirpées du sol natal.
Je savais qu'à cause de la rivière c'était plus prudent qu'elle nous accompagne. Ça se noie vite, un enfant, mais ma mère savait nager...